Intervention de Michel Amiel

Mission d'information situation psychiatrie mineurs en France — Réunion du 8 février 2017 à 14h30
Audition du professeur alain ehrenberg président du conseil national de la santé mentale

Photo de Michel AmielMichel Amiel, rapporteur :

Comment le conseil assume sa fonction de contrôle de l'action publique, en comparant ce qui se fait dans d'autres pays développés de culture psychiatrique différente, comme l'Australie ou le Canada ?

Professeur Alain Ehrenberg. - Une tension est palpable. Nous devons à la fois nous assurer que l'action publique est bien conduite à moyen terme et assumer des fonctions de court terme qui risquent d'emboliser notre première tâche. Nous n'avons ni moyens ni budget. Nous ne pouvons enquêter et nos trois commissions, ainsi que notre groupe de travail consacré à la prévention du suicide, ne disposent que de l'appui administratif des directions d'administration centrale. Nous procéderons par auditions, sauf si les choses évoluent au cours de la mandature. Notre place est à prendre puisque, dans le même temps, ont été instaurés le Comité de pilotage de la psychiatrie et le Comité de pilotage du handicap psychique. En outre, les questions que nous abordons le sont aussi par différents comités de pilotage. Nous avons ainsi besoin d'une sorte de feuille de route nous permettant de naviguer entre ces différents comités et nous évitant de conduire des actions redondantes avec celles des autres instances.

Comment votre action s'articule-t-elle avec celle du comité de pilotage de la psychiatrie ?

Professeur Alain Ehrenberg.- Je ne peux vous répondre !

Sans vouloir être provocateur, n'avez-vous pas l'impression qu'il s'agit d'une sorte d'usine à gaz ?

Professeur Alain Ehrenberg. - C'est une responsabilité délicate que de diriger une telle instance et mes fonctions sont intéressantes. Un grand conflit existe aujourd'hui entre les sciences sociales critiques - les disciples de Bourdieu qui critiquent le monde du haut de leurs chaires et dans leurs livres - et les sociologues descriptifs d'inspiration durkheimienne, auxquels je m'identifie et qui pensent que l'étude de la société implique de tirer des conséquences en termes de politique publique. Alors que les sciences sociales critiques représentent une forme de jacobinisme, la conception que je défends et qui est, du moins à gauche, relativement minoritaire, vise à l'action concrète pour améliorer les choses. J'espère que nous serons aidés dans le positionnement de notre conseil.

Sans doute, parmi nos préconisations, nous pourrions inclure l'augmentation des moyens du Conseil national de la santé mentale que vous présidez. Comment conduire une évaluation sans réels moyens ?

Professeur Alain Ehrenberg. - Le projet stratégique a été conçu par une petite équipe. Suite aux remarques contenues dans le rapport de M. Michel Laforcade, j'ai proposé que soit constitué un groupe consacré à l'intelligence collective. Ce point me permettra d'ailleurs de répondre à l'une de vos questions sur le soutien apporté à la recherche scientifique dans le domaine de la psychiatrie des mineurs, tant en matière de traitements que de prévention. Il ne faut développer ni l'épidémiologie, ni la recherche de nouveaux traitements, ni les recherches sociologiques, mais plutôt formuler des questions pertinentes. Derrière cet enjeu de l'intelligence collective, auquel le projet stratégique fait référence, se trouve celui de l'évaluation. Le rapport Laforcade recense une multitude d'initiatives individuelles à l'origine d'innovations dont certaines mériteraient d'être généralisées. L'innovation a déjà eu lieu et n'est pas un impératif à proprement parler ! Il faut plutôt favoriser l'appropriation progressive par les acteurs eux-mêmes de la recherche, de l'évaluation et du suivi. Évaluer et rendre compte, revient à se rendre compte plus que rendre des comptes ! Certains praticiens, comme le Dr Pierre Thomas dans le Nord de la France, ont, du reste, déjà pris certaines initiatives en ce sens. Il faut également améliorer l'évaluation des impacts de l'action publique afin de la rendre plus efficace. Alors qu'une telle démarche est relativement marginale en France, le National Institute for Health and Clinical Excellence (Nice - Institut national pour la santé et l'excellence clinique) britannique a lancé le programme « What's work ?» (Qu'est-ce qui fonctionne ?). A cet égard, les Anglais, qui proposent des solutions pragmatiques à partir de synthèses fondées sur les faits et disponibles aux praticiens, sont précurseurs dans ce domaine.

Dans le domaine des neurosciences, les recherches ne sont pas toujours aussi importantes que le souhaiteraient les chercheurs. En matière d'innovation, depuis l'invention des neuroleptiques, on ne peut - antidépresseurs mis à part - considérer que la psychiatrie ait connu de véritable révolution pharmacologique ! Dans votre groupe de réflexion, ces neurosciences sont-elles intégrées, ne serait-ce que par la présence de spécialistes ?

Professeur Alain Ehrenberg. - En effet, nous avons des spécialistes du secteur des neurosciences, comme le Professeur Marion Leboyer. Le Conseil n'a pas vocation à se substituer à l'Inserm ou au CNRS. Je prépare actuellement un ouvrage sur les neurosciences cognitives. Les découvertes de la pharmacologie ne sont pas celles des neurosciences qui commencent à partir des années 70. Les antidépresseurs et les anxiolytiques datent, quant à eux, des années 50. En revanche, l'innovation pharmacologique demeure faible et l'élaboration des antidépresseurs a permis de confier aux généralistes leur prescription.

Et de mieux traiter les malades en ambulatoire !

Professeur Alain Ehrenberg.- Je ne saurais dire !

Je réagis en praticien !

Professeur Alain Ehrenberg. - Tout a changé, que ce soit en thérapie et en pharmacothérapie. Aujourd'hui, les médicaments ne permettent plus seulement de soigner les épisodes dépressifs majeurs, mais d'assurer également l'inclusion dans la vie sociale. Les psychothérapies ont elles-aussi évolué du soin et du traitement vers la résolution de problèmes et incluent de nouvelles pratiques. Au changement du statut social et médical des entités de psychiatrie et de psychologie s'ajoute également celui des pratiques.

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