La perception de ce qu'on nomme « innovation » est variable. Pour beaucoup, l'innovation, c'est de l'incrémentation ou de l'optimisation. Les académiques se heurtent à ce problème quand ils proposent un projet en rupture. Les recherches un peu risquées ne trouvent pas de financement. Il nous faut ensuite rattraper nos voisins européens ou asiatiques, mais souvent trop tard.
La recherche incrémentale répond à une demande, par exemple : comment optimiser un procédé d'élimination du mercure pour ne pas produire de fumées supplémentaires ?
Je suis organicien de formation. Quand je pense à la substitution, je la mets en parallèle avec la catalyse. Pendant très longtemps, on a voulu faire une catalyse sophistiquée pour parvenir à des molécules d'une pureté optique extrême. Il fallait faire de la catalyse au palladium, à l'or, soit des métaux précieux. Il a ensuite fallu utiliser des métaux plus conventionnels. On est donc passé à la catalyse au fer, au bismuth. Certes, cela fonctionne, mais pas aussi bien qu'avec les métaux précieux.
La substitution doit être adaptée à la propriété du matériau recherché, au marché et au produit proposé au consommateur.
Il faut prendre des risques en matière de R&D, le risque étant parfois la simplicité. J'ai rencontré récemment lors d'un colloque en Corée un Américain d'origine tchèque ayant travaillé en collaboration avec le CNRS sur le recyclage d'aimants permanents. Il a trouvé une solution simple, consistant à démanteler un aimant permanent, à le broyer, à y ajouter un peu de terres rares afin de récupérer les propriétés de l'aimant, puis à redensifier le matériau. Or il n'a pas trouvé de banquier en France pour créer son entreprise. Il est donc parti aux États-Unis, où son entreprise démarre convenablement.
Si on veut attirer des jeunes dans la filière de l'hydrométallurgie, de la fabrication jusqu'à l'utilisation des équipements, en passant par le recyclage, il faut bien sûr développer les filières de formation, notamment pour prendre en compte les préoccupations écologiques, la chimie verte.