Intervention de Hakki Akil

Mission d'information organisation, place et financement de l'Islam en France — Réunion du 23 mars 2016 à 14h30
Audition de son excellence hakki akil ambassadeur de turquie en france

Hakki Akil, ambassadeur de Turquie en France :

C'est toujours un privilège et un honneur pour un ambassadeur de pouvoir s'adresser aux sénateurs.

Je tiens à m'incliner devant les victimes des attentats qui ont frappé Ankara, Istanbul et, hier, Bruxelles. La solidarité et la coopération internationales s'imposent pour lutter contre ce fléau qui met en cause nos valeurs et nos sociétés. Aucun motif idéologique, religieux ou ethnique ne peut expliquer l'assassinat d'anonymes ou de représentants des forces de l'ordre.

La France compte plus de 650 000 ressortissants turcs, dont 320 000 ont la double nationalité. Selon l'Insee, les Turcs sont la quatrième communauté étrangère en France, après les Portugais, les Algériens et les Marocains. Les autorités locales - préfets et élus locaux - et les forces de police estiment que la communauté turque ne présente pas de sérieux problèmes d'adaptation et le taux de criminalité y est très bas. Cette communauté s'occupe prioritairement de sa réussite sociale et les jeunes sont bien encadrés par leur famille.

Il existe en France plus de 500 associations créées par nos concitoyens, conformément à la loi de 1901. Après avoir obtenu les autorisations idoines auprès des mairies, une partie de ces associations a ouvert des salles de prière afin de permettre à leurs membres d'accomplir leurs devoirs religieux. Ces lieux ne peuvent être qualifiés de mosquées car ils ne réunissent pas tous les critères requis. Sur les 500 associations, 260 travaillent en collaboration avec l'Union turco-islamique des affaires religieuses en France (Ditib), créée en 1986 conformément à la loi de 1901. Des assistants sociaux - c'est-à-dire des personnes qui aident la communauté turque à pratiquer sa religion, à l'instar des imams - sont envoyés par la Présidence des affaires religieuses en Turquie. Ces assistants sociaux permettent à nos citoyens d'accomplir leurs devoirs religieux et d'obtenir des informations via le bureau des affaires sociales de l'ambassade. Sur les 207 assistants sociaux actuellement en poste au sein de ces 260 associations, 151 occupent des postes à long terme, soit des contrats annuels qui peuvent être prolongés durant quatre ans, et 56 postes sont provisoires.

Les 200 associations qui ne collaborent pas avec l'Union turco-islamique des affaires religieuses en France mais qui possèdent leur propre salle de prière emploient leurs propres assistants sociaux qu'ils forment ou qui sont des imams à la retraite. L'Union essaye de répondre aux besoins d'assistants sociaux de ces associations si elles en font la demande. Mis à part les salaires des assistants sociaux versés par l'État turc, ces associations turques ne bénéficient d'aucune subvention et il est exclu d'intervenir dans leurs activités quotidiennes.

Dans le cadre de la déclaration d'intention que nous avons signée avec la France le 30 septembre 2010, il est prévu de réduire progressivement le nombre d'assistants sociaux envoyés en France par la Turquie et de les remplacer par des assistants d'origine turque mais possédant la nationalité française et ayant suivi des études théologiques poussées au sein de l'université turque. Un programme international de théologie a été mis en place en Turquie en 2016 dans ce but. Dans le cadre de ce programme, il est prévu que des étudiants d'origine turque vivant en France et possédant la nationalité française soient formés comme assistants sociaux dans les facultés de théologie turques après leurs études secondaires en France et qu'ils soient nommés à des postes d'assistants à leur retour en France. Actuellement, 180 ressortissants français d'origine turque bénéficient de ce programme.

Les assistants sociaux envoyés en France depuis la Turquie sont choisis après de sérieuses évaluations. Pour être admissibles, les candidats doivent avoir un diplôme universitaire de la faculté de théologie islamique, soit deux ou quatre ans d'études supérieures. Les candidats doivent avoir obtenu une note égale ou supérieure à 75 sur 100 aux tests organisés par le centre d'évaluation, de sélection et d'implantation. Les candidats ayant réussi doivent ensuite passer le concours de la Présidence des affaires religieuses et obtenir un minimum de 70 points sur 100. La dernière étape est d'un examen oral devant une commission composée de représentants des ministères des affaires étrangères, des finances, de l'éducation nationale et de la culture. Une fois que ces assistants sociaux sont sélectionnés, ils suivent 400 heures d'enseignement de français et 20 heures de cours de civilisation française avant de partir en France. Ces personnes ne sont donc pas choisies au hasard.

Ainsi, sur les 151 assistants sociaux qui occupent des postes à long terme en France, 71 (soit 47 %) sont diplômés de quatre années de faculté de théologie islamique ; 51 (soit 33,7 %) sont diplômés de deux années ; 8 (soit 5,5 %) possèdent un master et 21 (soit 14 %) possèdent deux diplômes universitaires, dont un équivalent à quatre années de faculté et l'autre à deux ans. Sur les 80 assistants sociaux occupants des postes provisoires en France, 18 (soit 22 %) sont diplômés de quatre ans, 47 (soit 58,8 %) sont diplômés de deux ans, cinq ont un master et dix ont deux diplômes.

Les autorités turques accordent au moins autant d'importance que la France à ce que ces assistants sociaux aient bien assimilé les valeurs, la culture, la civilisation et la langue françaises, en sus d'une connaissance approfondie de la religion islamique.

Un accord permettant à ces assistants de suivre les 400 heures de cours de français et les 20 heures de cours sur la civilisation française à l'Institut français de Turquie a été conclu. L'objectif est d'atteindre le niveau A2 en français avant de se rendre en France. Il a été convenu avec la partie française que les assistants sociaux devront suivre à leur arrivée en France un cours de langue complémentaire de 300 heures durant une année.

Suite à la demande de la partie française, la partie turque s'est engagée à ce que les assistants turcs obtiennent dans les deux années suivant leur arrivée en France des diplômes universitaires de formation civique et civile. Ces diplômes sont nécessaires pour une prolongation du permis de séjour. Nous accordons une grande importance à la coopération de nos assistants avec les autorités locales et au maintien du dialogue entre nos deux pays.

Dans le cadre de la déclaration d'intention de 2010, le groupe de travail franco-turc organise régulièrement des réunions de travail concernant l'accueil en France des responsables religieux turcs. Lors de la dernière réunion qui a eu lieu à Paris le 29 janvier, les représentants du ministère des affaires étrangères et du développement international et du bureau central des cultes du ministère de l'intérieur étaient présents et tous les sujets relatifs à l'accueil en France des responsables religieux turcs ont été abordés en détail : apprentissage du français, conditions de séjour, niveau de connaissances relatives à la culture et à la civilisation françaises, échanges avec les autorités françaises.

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