La Turquie s'est inspirée de la France lorsqu'elle a décidé de devenir un État laïc. En 1905, la France s'est interrogée pour savoir si l'État devait continuer à contrôler l'Église. À la grande surprise - et au grand soulagement - du Vatican, l'État a décidé de ne pas interférer. Lorsque nous avons opté pour la laïcité à la française, nous n'avions pas de système religieux hiérarchisé. Dans l'Islam, il y a Dieu, les croyants, et entre les deux, les imams. L'État turc jacobin ne pouvait laisser les imams sans contrôle, si bien qu'il a créé son propre Vatican dans l'État même : une direction générale qui dépend du premier ministère et s'occupe des affaires religieuses. Deuxième différence, survenue depuis une trentaine d'années : la laïcité militante à la française est devenue de plus en plus difficile à gérer en Turquie, car elle servait d'alibi à certains groupes pour interférer avec le Gouvernement, voire fomenter des coups d'État. Ainsi, lorsque Turgut Özal est arrivé au pouvoir en 1983, il a été faire sa prière du vendredi dans une mosquée. Les journaux ont estimé que ce n'était pas admissible. Il a répondu qu'en tant que croyant, il se devait d'aller à la mosquée le vendredi. Les militaires avaient murmuré, parlant de lèse-kémalisme. Deuxième exemple : les deux filles du président Erdogan, alors Premier ministre, ne pouvaient faire leurs études en Turquie car elles portaient le foulard. En revanche, elles pouvaient venir étudier en France où le foulard était permis. La population turque s'est dit que quelque chose n'allait pas puisque dans deux pays également laïcs, les filles ne pouvaient suivre des études qu'en France. Cette interdiction a été abolie en Turquie. Il y avait un problème de cohérence entre nos libertés publiques et notre idée de la laïcité, trop rigide et trop politisée. Nous sommes donc passés à un concept de laïcité à l'anglo-saxonne, à savoir le sécularisme. Aujourd'hui, l'État turc garantit la liberté de culte à tous ses concitoyens, quelles que soient leurs croyances. Le président Erdogan, lors de sa visite en Égypte et en Libye, avait dit que la meilleure solution pour les pays musulmans était d'être laïque : selon lui, l'État se devait d'être laïc tandis que les habitants étaient libres d'embrasser la religion de leur choix. Il avait été très critiqué par les médias arabes.