Merci de votre invitation. Votre mission est très importante, car de l'avenir des communautés musulmanes françaises dépendent non seulement notre cohésion nationale mais aussi notre relation avec le monde musulman. Notre capacité à améliorer nos relations avec ces communautés est donc décisive pour la place de la France dans le monde. L'expression de « communautés musulmanes » est d'ailleurs une généralisation. Il y a trente ans, on parlait des Maghrébins ou des Africains. Apparue dans les années 1980, cette formule est partiellement trompeuse car elle renvoie à une communauté musulmane unie, aux objectifs similaires. Or les musulmans français sont divisés en fonction des nationalités d'origine. De plus, la pratique de l'Islam diffère selon les pays.
En France, il est interdit de faire des statistiques ethniques ou religieuses. Aux États-Unis, celles-ci sont réalisées sur une base déclarative, et il est possible de se choisir plusieurs origines. Du coup, nous ne savons pas combien la France compte de musulmans : quatre, cinq, six millions ? Ils ne seraient que la moitié à se définir comme musulmans. En fait, comme pour les juifs, le sentiment d'appartenance à la communauté musulmane se fonde de moins en moins sur la croyance ou la pratique religieuse - et ce d'autant plus que cette communauté est perçue comme minoritaire et stigmatisée.
Les jeunes constituent la majorité des musulmans de notre pays. Nés en France, élevés dans les écoles de la République, ils vivent pour certains dans des quartiers difficiles. Ce sont ceux dont nous sommes le moins à l'écoute, car nos interlocuteurs sont souvent de la génération des « blédards », nés à l'étranger. Bref, si les musulmans sont traités comme des mineurs, les jeunes musulmans le sont doublement !
Pour régler les problèmes au sein des communautés musulmanes, on fait appel aux ambassades des pays d'origine, voire à leurs services de renseignement. Comment parler alors d'un Islam de France ? Il faudrait commencer par dessaisir le ministère de l'intérieur de la gestion des cultes, qui devrait revenir au ministère de la justice : la religion n'est pas une affaire d'ordre public ou de police.