Intervention de Alain Gresh

Mission d'information organisation, place et financement de l'Islam en France — Réunion du 10 février 2016 à 15h00
Audition de M. Alain Gresh journaliste spécialiste du moyen-orient ancien directeur-adjoint du monde diplomatique

Alain Gresh, journaliste :

L'Islam n'est pas incompatible avec la séparation de l'Église et de l'État : les empires byzantin, abbasside et omeyyade fonctionnaient exactement de la même manière. Dans les pays arabes, la plupart des lois n'ont rien à voir avec l'Islam. Certes, le retour de l'idée que la charia doit être au fondement des lois peut avoir des conséquences négatives, surtout pour les femmes. Rappelons toutefois qu'en France, la loi de 1905 a mis quarante ans à être acceptée - et pourtant, elle n'exigeait pas des curés qu'ils signent un document attestant qu'ils sont pour la laïcité ! Qu'on soit pour ou contre la laïcité, la question est le respect des lois. La majorité des musulmans de France les respectent - quand ils ne le font pas, c'est pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la religion.

Il y a une nouvelle génération de jeunes élus musulmans, surtout depuis les dernières élections municipales. Ils sont l'avenir, et nous devons nous en préoccuper. C'est Tariq Ramadan qui les représente. Lors d'un débat récent à l'Institut du monde arabe, il a fait salle comble. Pourquoi la France est-elle le seul pays européen à refuser de discuter avec lui ? Le Premier ministre a refusé de se rendre à une réunion européenne parce qu'il y participait... Débattre avec lui ne demande pas d'accepter tout ce qu'il dit ! La menace est ailleurs, et notamment chez les États qui exportent des imams incapables de contextualiser l'Islam : la plupart de ceux qui viennent d'Algérie ont obtenu leur place à coup de pots de vins. Certes, la formation des imams est un problème depuis vingt ans. Faut-il pour autant les envoyer se former au Maroc ?

C'est au niveau local que le débat avec les jeunes reprendra, quelles que puissent être les réticences des élus. La méfiance vient de la méconnaissance. Une jeune fille qui porte le foulard n'est pas pour autant une intégriste, je puis en témoigner !

Oui, notre vision de l'Islam est trop monolithique. Lorsqu'on parle d'islamisme, quoi s'agit-il exactement : du Hezbollah ? Des Frères musulmans ? Au sein même des Frères musulmans, les différences sont considérables selon les pays. En Égypte, ils ont été incapables d'évoluer alors qu'en Tunisie ils ont compris qu'ils devaient se retirer du pouvoir.

Pour les jeunes générations qui grandissent dans un pays à majorité non-musulmane, des questions nouvelles se posent : comment vivre lorsqu'on est minoritaire ? Pour l'essentiel, les musulmans acceptent les lois de la République, même s'ils affirment que le Coran passe avant. L'important, c'est qu'ils les respectent. Parmi les catholiques aussi, certains prônent la révolution marxiste quand d'autres sont conservateurs ; certains sont contre l'avortement, contre la laïcité, d'autres encore sont royalistes. Cela ne les empêche pas de vivre dans la légalité.

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