Le secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP) est l'héritier d'une longue tradition de réforme de l'État.
Il est né de la volonté, en octobre 2012, d'accroître le nombre de leviers activables, en regroupant au sein d'une même entité la mission Etalab, créée en 2011 et dédiée au développement du numérique, la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication (DINSIC), créée elle aussi en 2011, le service d'évaluation des politiques publiques, ainsi qu'une structure proche d'un cabinet de consulting interne ayant pour rôle d'accompagner les transformations qui constituait l'axe principal de la DGME.
L'ambition était d'apporter à l'ensemble des acteurs publics, et non aux seules administrations d'État, des leviers d'innovation et de transformation, dans un contexte budgétaire contraint, tout en intégrant les enjeux liés à la gestion des ressources humaines.
J'ajoute que le programme de simplification du SGMAP a été renforcé en 2015 : il concerne aujourd'hui les entreprises, les particuliers et les collectivités territoriales et comprend plus de 700 mesures dans différents domaines, toutes ayant pour point commun de faciliter l'activité et les démarches des citoyens.
Nous avons aussi souhaité rapprocher les branches « systèmes d'information » et « développement du numérique », la convergence de ces deux approches constituant l'un des leviers importants de transformation, dans le secteur privé comme dans le secteur public.
La problématique de la prise en compte de l'avis des citoyens s'inscrit au coeur de toutes nos missions. Nous observons, en effet, une crise de confiance qui s'exprime à plusieurs niveaux. Aujourd'hui, selon les chiffres publiés par le cabinet de conseil Res publica en 2017 dans son Baromètre de la concertation et de la décision publique, 90 % des Français sont favorables à la démocratie participative. Dans le même temps, 60 % d'entre eux pensent que la démocratie participative est utilisée comme une opération de communication, les décisions étant déjà prises au préalable. Enfin, environ 30 % des citoyens estiment qu'ils n'ont « rien à dire ».
Dans ce contexte, plusieurs enjeux émergent : rendre les procédures de démocratie participative plus attractives, associer plus largement les citoyens aux décisions, en veillant notamment à intégrer les personnes les plus éloignées du dispositif politique, animer le débat public, mieux informer les citoyens, stimuler l'innovation et renforcer la pertinence des politiques publiques.
Les choses ont déjà beaucoup évolué. Les consultations sont bien plus fréquentes que par le passé. Le besoin de proximité est aussi fortement mis en avant par les citoyens, 96 % d'entre eux jugeant que les élus devraient être davantage issus de la société civile. Ils sont aussi 91 % à souhaiter que leur avis soit plus fréquemment recueilli au moyen de référendums et de consultations. Le nombre de consultations, notamment numériques, a d'ailleurs significativement augmenté ces dernières années, le site vie-publique.fr recensant 14 consultations en cours, 342 terminées, dont 249 ayant fait l'objet d'une synthèse.
On peut notamment relever le succès de la consultation sur le numérique à l'école, organisée en ligne, qui a reçu 50 000 réponses et a donné lieu à 150 événements organisés dans les académies.
En 2015, une consultation sur l'ambition numérique a également été organisée en amont du projet de loi pour une République numérique, dans le souci de recueillir des propositions émanant directement de la société civile. Plus en aval, une consultation a été organisée préalablement aux réunions interministérielles d'arbitrage, qui déterminent réellement le contenu du projet : au terme d'une large mobilisation - 20 000 participants, 8 000 contributions, 150 000 votes -, cinq nouveaux articles ont été insérés dans le texte et quatre-vingt-dix modifications y ont été apportées.
Les parlementaires peuvent également consulter les citoyens via la plateforme « Parlement et citoyens ». Des consultations ont notamment été organisées en matière de biodiversité, à l'initiative du sénateur Joël Labbé. De même, le Gouvernement a créé une plateforme de consultation à l'occasion du projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté, porté par Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Pour certaines de ces consultations, le SGMAP a bien évidemment joué un rôle d'accompagnement.
Différentes démarches de « co-construction » sont possibles : ateliers de design, au cours desquels les citoyens formulent diverses propositions d'amélioration d'un service public, mais aussi hackathons, qui voient des citoyens, des chercheurs et des praticiens réfléchir, le temps d'un week-end, aux grandes questions que peut poser l'exploitation d'une base de données. En 2015, un hackathon a ainsi été organisé sur l'ouverture des données de la base SNIIRAM de l'assurance maladie. Il s'agit d'une méthode assez efficace pour mettre en lumière de nouvelles problématiques, à partir desquelles l'administration va ensuite pouvoir construire ou affiner des politiques publiques.
Il est possible d'aller encore plus loin, jusqu'à la codécision en matière de politiques publiques. Avec l'appui de la Commission nationale du débat public (CNDP), nous avons ainsi lancé les « ateliers citoyens », qui consistent, pour des panels restreints de citoyens représentatifs, à produire un avis éclairé sur une problématique donnée, étant précisé qu'un corpus d'expertises leur est fourni pour éclairer leur réflexion. En 2016, le ministère des affaires sociales et de la santé a ainsi réuni, durant deux week-ends consécutifs, un groupe de quinze citoyens sur la question sensible de l'ouverture des données de santé, parallèlement au travail d'un groupe d'experts.
Sur des questions spécifiques, nous pouvons donc aller assez loin dans la sollicitation du citoyen.
Je souligne que cette démarche d'ateliers citoyens ne vient pas interrompre un processus décisionnel déjà engagé. On sollicite l'éclairage des citoyens sur une question qui ne fait pas encore l'objet d'une position politique très tranchée. Pour organiser dans de bonnes conditions ces ateliers, il nous faut un minimum de quatre mois, notamment pour le choix du panel et l'organisation de la consultation.
Je veux aussi évoquer le « partenariat pour un gouvernement ouvert » - Open Government Partnership -, une initiative internationale originale réunissant 77 pays et qui pourrait profondément changer le rapport entre le politique, l'administration et les citoyens. La France copréside actuellement ce partenariat avec l'organisation non gouvernementale World Resources Institute. Nous ne sommes donc pas les seuls à réfléchir à une meilleure association des citoyens à la décision publique. Dans le cadre de ce partenariat, nous avons élaboré un plan national d'action comprenant un certain nombre d'engagements des administrations sur la transparence, la participation et la collaboration des citoyens dans l'action publique. Six mois ont été nécessaires pour ce plan, en utilisant une démarche très ouverte de co-construction rassemblant des citoyens, des associations et d'autres acteurs de la société civile.
Quels sont les bénéfices de ces différentes démarches de participation des citoyens à la décision publique?
Le fait que les administrations s'engagent dans des démarches d'ouverture et de dialogue avec la société civile constitue l'une des conditions de la modernisation. Dans le plan national 2015-2017 pour une action publique transparente et collaborative, plus de dix ministères s'engagent dans des actions très concrètes, de même que la Cour des comptes et la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Le mode contributif, par ailleurs très exigeant, permet aussi de synchroniser l'expression des opinions d'une très grande diversité d'acteurs et d'éviter ensuite les prises de parole dissonantes. En effet, plus que les divergences d'opinions sur le fond, ce sont les postures qui exacerbent les antagonismes.
Ces démarches participatives permettent également de sensibiliser les administrations publiques aux enjeux de la transformation numérique.
Le rôle du SGMAP est d'ailleurs aussi de développer un certain nombre de ressources numériques, outils, plateformes et infrastructures de données.
Nous animons ainsi le site data.gouv.fr, qui, aujourd'hui, réunit des jeux de données pouvant être réutilisés par les entreprises, les associations, les chercheurs et les particuliers, avec la seule obligation pour eux de reverser ensuite leurs résultats sur le même site. Nous animons également le site faire-simple.gouv.fr, qui permet d'interroger les particuliers et les entreprises sur leurs besoins en termes de simplification administrative.
Nous oeuvrons à la constitution d'infrastructures collaboratives de données, en associant des ressources externes et internes à l'administration. C'est le cas, par exemple, de la base d'adresses nationale, développée en partenariat avec l'association OpenStreetMap, l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et La Poste. Les erreurs d'adresse dans les échanges postaux et les envois de colis représentent en effet une perte se chiffrant en dizaines de millions d'euros pour les entreprises...
Nous hébergeons également le site beta.gouv.fr, un incubateur de services numériques, qui développe des outils innovants en s'appuyant sur l'expérience d'une communauté d'utilisateurs.
Par exemple, pour lutter contre le problème crucial du non-recours aux aides sociales, nous avons créé un outil très simple, mes-aides.gouv.fr, qui permet de connaître en moins de deux minutes, à partir de votre situation, les droits auxquels vous pouvez prétendre.
Nous avons également développé la « Boussole des droits » pour les jeunes, qui vise à leur offrir un meilleur accès aux dispositifs conçus pour eux dans les domaines du logement, de la santé et de l'emploi-formation. Cet outil a été construit après une « immersion totale » à Reims, qui nous a permis de rencontrer les jeunes directement sur leurs lieux de vie.
Toutes ces nouvelles démarches participatives sont très intéressantes, mais nous devons aussi les regarder avec lucidité. C'est pourquoi le secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP) a lancé une évaluation, inédite en France, sur l'effectivité, l'efficacité, l'efficience, la pertinence et l'impact de ces différentes démarches, à partir de questions simples qui rejoignent d'ailleurs celles de votre mission d'information. Comment associer le citoyen ? Comment recueillir la parole citoyenne et éviter qu'elle ne soit déformée ou confisquée ?
Il s'agit ainsi de permettre la prise de bonnes décisions, avec un travail à chaque étape de leur construction.
Les citoyens attendent aussi que les décisions se traduisent en actes. Ils attendent que les textes aient un impact direct dans leur vie quotidienne. Nous avons donc créé, en 2015 au sein du SGMAP, « CAPGouv », une petite cellule d'accélération des projets du Gouvernement qui vise à identifier, une fois l'arbitrage interministériel réalisé, tout ce qui risque de freiner leur mise en oeuvre. Les administrations n'osent pas toujours exprimer les difficultés qu'elles rencontrent dans l'application d'une décision ; dès lors, elles n'identifient pas toujours les petits grains de sable qui peuvent gripper la machine. En la matière, nous avons enregistré un certain nombre de succès, par définition peu visibles, car une décision qui aboutit fait toujours moins parler d'elle qu'une décision qui n'aboutit pas. Ce dispositif, placé directement auprès du Premier ministre et de son cabinet, peut venir utilement en soutien d'un certain nombre de projets prioritaires et complexes, pour lesquels le risque d'enlisement est plus important.