Je suis arrivé en France voici presque deux ans. Je voudrais vous transmettre le témoignage d'un ami d'enfance avec qui je suis en contact. Il a décidé de venir demander l'asile en Europe après avoir été torturé en Syrie. Il est allé de Syrie en Turquie en empruntant un véhicule militaire officiel puis une voiture du Front Al-Nosra, ce qui lui a permis de passer les checkpoints de Daech : tout se passe bien quand on paye un passeur. Il est arrivé à Chios le 9 mars dernier, juste avant la conclusion de l'accord UE-Turquie, ce qui lui a permis de rejoindre Idomeni, où des milliers de personnes attendaient dans des conditions inhumaines l'ouverture éventuelle des frontières balkaniques. Il est retourné à Athènes le 11 mars et s'y est pré-enregistré pour bénéficier de la relocalisation. On lui a assuré qu'après quinze jours, les conditions matérielles d'accueil seraient réunies. Il a attendu plus d'un mois sans être recontacté et sans parvenir à joindre quiconque. Il ne pouvait pas continuer plus longtemps de payer l'hôtel et la nourriture ; il a donc décidé de retourner en Turquie, où se trouvaient certaines de ses connaissances. Pour ce faire, il devait payer un autre passeur. Il se trouve maintenant à Istanbul, illégalement. Il a peur de contacter les autorités et de ne pas avoir les moyens de payer un titre de séjour. Avoir déposé une demande de protection auprès du HCR ne lui apporte aucun avantage, que ce soit une allocation financière, un hébergement ou des cours de langue turque. Il ne peut travailler qu'au « noir » et poursuivre ses études d'informatique lui est impossible. Il vit dans des conditions très précaires : 18 personnes partagent un petit trois-pièces pour 60 euros par mois.