Human Rights Watch a été très présente à la frontière syro-turque. Nous avons pu documenter des abus de la part des garde-frontières turcs. Des demandeurs d'asile syriens ont été blessés, certains ont été tués. Des dizaines de milliers de Syriens essayent de fuir les violences de Daech mais se trouvent bloqués à la frontière sans nulle part où aller. Alors que l'on parle beaucoup de combattre Daech, que fait-on pour aider ceux qui en fuient le risque réel ?
L'accord UE-Turquie se fonde sur la notion de pays d'origine sûr : la Turquie, selon lui, est un pays sûr pour les demandeurs d'asile. Deux conditions principales, en droit européen, sont nécessaires pour considérer un pays comme étant sûr. En premier lieu, il doit respecter le principe de non-refoulement. Or la Turquie empêche l'entrée sur son territoire depuis la zone de guerre qu'est la Syrie. S'y ajoutent des cas de renvoi de Syriens dans leur pays d'origine : selon des témoignages que j'ai recueillis, des retours prétendument volontaires s'effectuaient sous la contrainte. La Turquie ne remplit donc pas cette condition. En second lieu, un pays doit respecter les droits dont jouissent les réfugiés en vertu de la Convention de Genève. Tel n'est pas le cas en Turquie, notamment pour les non-Syriens, comme Mme Martin nous l'a expliqué.
Près de 3 millions de Syriens vivent en Turquie, principalement hors des camps de réfugiés ; la plupart d'entre eux sont extrêmement démunis. J'ai pu rencontrer en particulier des mères élevant seules leurs enfants ; elles travaillent durant un nombre d'heures incroyable parce qu'elles n'ont pas d'autres choix pour payer un logement complètement inadapté très cher. On voit également des enfants syriens mendier dans les villes turques ou être exploités dans des usines textiles. Les difficultés d'accès au système de santé sont elles aussi réelles : un réfugié syrien m'a affirmé que certains hôpitaux refusaient de soigner les Syriens.
Il faut réfléchir à la manière dont les réfugiés arrivent en Europe. Nous avons connaissance du système français de visa pour asile, destiné aux personnes présentant des vulnérabilités particulières ou ayant des liens particuliers avec la France. Nous demandons depuis longtemps une voie d'accès légale et sûre au système d'asile européen. Il faudrait que ce système soit davantage mis en oeuvre, en Turquie notamment au-delà d'Ankara. La France devrait également inciter d'autres pays européens à adopter un système comparable au sien.