Une seule décision a été rendue par la justice grecque. Nous ne pouvons pas du tout être certains que la jurisprudence soit établie et durable. L'administration grecque continue quant à elle à qualifier la Turquie de « pays tiers sûr » quotidiennement.
J'ajouterai que de telles décisions ne peuvent être rendues que pour autant que les personnes intéressées aillent devant la justice. Or bien peu de réfugiés ont, de fait, accès à la justice du fait du manque d'aide juridictionnelle. Il faudra donc attendre quelque peu pour connaître la décision finale de la justice grecque.
Si nous faisons tous le même constat quant aux manques et aux illégalités constatés, il n'est pas sûr que nous ayons la même convergence quant aux solutions à apporter. Le GISTI plaide pour la liberté de circulation et considère qu'il n'y a pas lieu d'exiger qu'une personne qui a besoin d'une protection se résigne au choix qui a été fait pour elle en matière d'obligation de demander l'asile dans le pays d'entrée dans l'Union.
Le système de relocalisation ou de réinstallation est régi par la même philosophie, qui nous semble contraire aux droits de l'homme en ce qu'elle prive le demandeur d'asile de sa liberté de choix et d'initiative. En outre, cette philosophie ne fonctionne pas. Chaque État, y compris la France, s'est empressé d'expliquer pourquoi il n'avait pas les moyens d'accueillir grand-monde. À lire le compte rendu de l'audition de M. Pascal Brice, directeur général de l'OFPRA, j'ai peine à comprendre sa position. M. Brice accepte d'aller en Grèce et de s'occuper du programme de relocalisation mais il n'est pas question selon lui de s'occuper de l'identification des personnes renvoyées vers la Turquie. Il distingue ensuite les personnes en fonction de leur date d'arrivée sur le territoire grec, ce qui est tout de même problématique. On ne comprend en outre pas très bien quelle aide à l'enregistrement l'OFPRA entend offrir à la Grèce. Ce qui est clair, c'est que rien n'est transparent pour les migrants : ils ne peuvent guère savoir de quel dispositif ils sont susceptibles de faire l'objet. Les citoyens français comme les migrants mériteraient d'en savoir plus.
Tout le monde s'accordera à penser qu'il est grotesque de n'accueillir que 362 personnes. Certes, me dira-t-on, il est compliqué d'identifier et d'acheminer les personnes, de trouver des lieux où les installer, etc. Néanmoins, j'ai visité plusieurs villes en France, cette année, qui s'étaient portées volontaires pour accueillir des réfugiés, avaient organisé leur accueil avec la préfecture, les associations locales et les bailleurs ; or ces villes attendent encore « leurs » réfugiés ! Il faudrait réfléchir aux capacités d'accueil de la France : il n'est pas sûr qu'elles soient aussi maigres qu'on ne le pense. Le programme de relocalisation pourrait sans doute être très grandement accéléré ; on pourrait du moins atteindre sans problème l'objectif de 30 000 réfugiés accueillis en deux ans.