Intervention de Mathilde Mase

Mission d'information Accord UE-Turquie sur la crise des réfugiés — Réunion du 1er juin 2016 à 14h35
Audition conjointe d'organisations non gouvernementales ong

Mathilde Mase, responsable du programme asile à l'ACAT :

Sur le principe, le programme « un pour un », ou plutôt « un réfugié pour un réfugié », est éthiquement inacceptable : on troque une personne qui a besoin de protection contre une autre. Par ailleurs, on sanctionne des personnes entrées irrégulièrement dans l'Union européenne en les renvoyant en Turquie et en leur retirant la priorité dans les programmes de réinstallation, sanction pourtant interdite par la Convention de 1951.

Quant à la réinstallation elle-même, on estime qu'entre 54 000 et 72 000 places sont offertes dans toute l'Union européenne. Comparé aux quelque 3 millions de réfugiés présents en Turquie, il s'agit vraiment d'une approche a minima, dont je doute qu'elle pourra résoudre la situation actuelle en Turquie. Par ailleurs, seuls les 300 000 réfugiés syriens présents dans des camps turcs officiels peuvent bénéficier de la réinstallation ; les autres, déjà livrés à eux-mêmes, sont une fois de plus laissés de côté par ces programmes de réinstallation.

En outre, comme l'a souligné Gérard Sadik, ces programmes sont discriminatoires. Ils excluent des personnes dont l'OFPRA même reconnaît le « besoin de protection manifeste ». En effet, dans le cadre des accords de relocalisation à partir de la Grèce, les Érythréens et Irakiens sont considérés comme prioritaires : pourquoi sont-ils ignorés par les programmes de réinstallation ? Comment justifie-t-on cet écart de traitement entre les deux dispositifs ?

Énormément de réfugiés, quand bien même ils ne proviennent pas de ces pays « prioritaires », sont exposés à des risques de persécutions. Ils sont de vrais réfugiés qui craignent personnellement pour leur vie ou leur sécurité en cas de retour dans leur pays. Or cet accord les laisse de côté. Plus pratiquement, alors que le système d'asile turc est déjà saturé, les réfugiés non-syriens se trouvent face à une absence totale de perspective de réinstallation : ces personnes se sentent à coup sûr encouragées à s'en remettre plutôt aux passeurs et à employer des routes toujours plus dangereuses pour rejoindre l'Europe de manière irrégulière.

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