Intervention de Jean-Eric Hyafil

Mission d'information Revenu de base — Réunion du 9 juin 2016 à 16h15
Audition de M. Jean-éric Hyafil du mouvement français pour un revenu de base mfrb

Jean-Eric Hyafil :

Merci, Monsieur le Président. À titre liminaire, je tiens à votre disposition divers supports documentaires, parmi lesquels la contribution que notre mouvement a remise à M. Christophe Sirugue, dans le cadre de son rapport sur la réforme des minimas sociaux dans le cadre de la mission que lui a confié le Premier ministre.

Tout d'abord, le MFRB, fondé en 2013, se veut transpartisan. Il réunit un millier de membres dans 65 groupes locaux et accueille tous les partisans de ce revenu à la condition qu'ils en respectent la charte. Nous avons organisé deux universités d'été et comptons sur votre présence lors de notre troisième université d'été qui aura lieu le 16 juillet prochain à Villeneuve-sur-Lot. Nous sommes également à l'origine de divers événements, comme un colloque dans la Haute assemblée l'année dernière et à l'Ambassade de Finlande. Notre mouvement publie également un journal ainsi que des revues pédagogiques. Notre site internet est considéré comme la référence francophone sur ce revenu de base et 28 000 personnes nous suivent sur Facebook. Enfin, nous finalisons actuellement la rédaction d'un livre blanc en deux volumes qui sera disponible à la fin juin 2016.

Le revenu de base est un droit inaliénable, inconditionnel, cumulable avec d'autres revenus, distribué par une communauté politique à tous ses membres de la naissance à la mort, sur une base individuelle, sans contrôle ni condition de ressources, ni exigence de contrepartie. Le montant de ce revenu est ajusté démocratiquement, car le MFRB ne se positionne ni sur un montant précis ni sur une piste de financement spécifique.

Notre charte précise également que l'instauration d'un revenu de base ne doit pas remettre en cause le système public d'assurance sociale, mais compléter et améliorer la protection sociale existante. Ce revenu n'a donc pas vocation à remplacer les retraites, l'assurance chômage ou l'assurance maladie.

Je présenterai ici un revenu de base du montant du RSA qui ne remplace que celui-ci et la prime d'activité. Nous ne touchons nullement aux allocations et autres prestations. J'ai ainsi choisi ce montant pour des raisons pédagogiques.

Pourquoi un revenu de base ? Je rappellerai le contexte de cette proposition marqué par la puissante vague d'automatisation et de numérisation des emplois, vectrice d'une hausse des inégalités de revenus et conduisant à une fragilisation de l'emploi classique protégé par l'assurance chômage. Tous les emplois de la classe moyenne sont ainsi menacés. Ce contexte est également marqué par une fragilisation du salariat, comme en témoignent le phénomène dit d'« ubérisation », la montée du travail indépendant et la hausse des emplois précaires. Enfin, on observe depuis ces dernières années la hausse du mal-être au travail, qui peut conduire à une perte de sens pour ceux qui l'exercent. Il serait paradoxal qu'un tel progrès technique - la numérisation des emplois - génère autant de menaces et conduise à un recul social. L'une des idées de ce revenu de base est de transformer ce progrès technique formidable en progrès social, puisqu'avec un revenu de base, les travailleurs disposent d'une meilleure protection sociale, d'une marge d'autonomie accrue pour quitter un emploi qu'ils estiment privé de sens et accéder à un nouvel emploi plus sensé à leurs yeux, même si celui-ci est plus faiblement rémunéré.

Le revenu de base présente également trois grands avantages. D'une part, c'est un dispositif qui sécurise la vie des travailleurs, en permettant la fin du non-recours aux minima sociaux, en garantissant un socle sécurisant pour tous les travailleurs qui ont un revenu variable et en permettant de faire face plus rapidement aux accidents de la vie. D'autre part, ce dispositif incite au travail du fait de sa clarté, comparé au couplage du revenu de solidarité active (RSA) avec la prime d'activité dont la complexité et la dégressivité peuvent dissuader les travailleurs de reprendre une activité. Ainsi, le revenu de base conduit à la disparition du risque de trappe à inactivité et permet d'accroître le différentiel de revenus quand on reprend une activité. Or, reprendre une activité rémunérée tout en disposant d'un revenu de base permet d'accroître ses revenus de manière significative par rapport au seul RSA.

Enfin, le revenu de base est un droit émancipateur et vecteur de richesses. On sort ainsi du discours stigmatisant sur la charité, puisque le RSA est une prestation associée à la pauvreté, pour garantir le droit à l'autonomie qui est assuré à tous les individus, quel que soit leur revenu. Ce supplément d'autonomie bénéficie aux jeunes qui ne sont pas éligibles au RSA ainsi qu'aux couples, et plus particulièrement aux femmes, dont les revenus sont dissymétriques et qui peuvent remédier aux difficultés actuelles du quotient conjugal fiscal. En effet, lorsque le mari dispose de revenus plus conséquents, il acquitte moins d'impôts du fait du quotient conjugal, alors que son épouse, aux revenus moindres, ne peut percevoir le RSA et ne dispose, par conséquent, d'aucune marge d'autonomie financière. Le fait que chaque membre du couple du couple dispose d'un revenu de base est un vecteur d'autonomie. Le revenu de base est enfin un droit générateur de confiance et garantit une sorte de filet de sécurité, générateur de confiance dans l'avenir qui réduit la peur de la dégringolade sociale. Il permet encore de réduire la peur du risque chez les individus qui seront alors plus à même de générer de nouvelles richesses marchandes ou non marchandes.

J'en viens à présent au fonctionnement du revenu de base et à ses effets redistributifs. Pour bien le comprendre, il faut considérer le système redistributif actuel, composé du RSA et de l'impôt sur le revenu (IRPP). Si une personne seule reçoit 500 euros au titre du RSA, le fait d'occuper un emploi de 100 euros occasionne une perte de 38 euros de son RSA, ce mécanisme se réitérant par tranche de cent euros jusqu'à atteindre environ le montant du SMIC. Au-delà du SMIC perçu, la personne ne percevra naturellement plus le RSA et commencera par acquitter des impôts sur le revenu. Bien que désormais le RSA activité ait été remplacé par la prime d'activité, le dispositif demeure globalement le même. La redistribution assurée par le système actuel peut être remplacée par un revenu de base.

Qu'apporte l'introduction d'un revenu de base ? En percevant déjà celui-ci, toute personne touchant un revenu supplémentaire paiera immédiatement de l'impôt sur le revenu qui sera prélevé à la source. Son revenu ne baissera pas ainsi de 38 euros, voire de moins en fonction des paramètres retenus, mais ceux-ci seront, pour ainsi dire, pris par l'impôt sur le revenu. Il est ainsi possible d'instaurer un revenu de base sans bouleverser les mécanismes actuels de redistribution, ni augmenter les prélèvements des plus aisés. On peut aisément démontrer que le revenu de base, contrairement à ce que prétendent ses détracteurs, peut être mis en oeuvre et finançable, à la condition de taxer les premiers euros gagnés.

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