Intervention de Jean-Eric Hyafil

Mission d'information Revenu de base — Réunion du 9 juin 2016 à 16h15
Audition de M. Jean-éric Hyafil du mouvement français pour un revenu de base mfrb

Jean-Eric Hyafil :

C'est également une notion très technique. L'impôt négatif, relation entre l'État et l'individu, empêche, par ses modalités, le prélèvement de l'impôt à la source. À l'inverse, le revenu de base permet de faciliter le prélèvement à la source. En outre, si l'individu ne perçoit qu'un impôt négatif, il n'a pas conscience de toucher le revenu de base qui perd alors son caractère universel. Il en résulte qu'on continue ainsi à stigmatiser les personnes qui touchent l'impôt négatif. Enfin, tout comme avec le RSA, on ne peut jamais prévoir le montant de l'impôt négatif qui sera perçu, compte tenu du nombre aléatoire des impôts pris en compte dans le calcul. Des décalages peuvent également survenir. En cas d'inactivité, il faut parfois observer un délai avant que ne se mette en route l'impôt négatif. Alors qu'avec le revenu de base, il ne peut y avoir de mois sans revenu.

Examinons maintenant les effets redistributifs du revenu de base. En matière d'autonomie, tout le monde est évidemment gagnant : selon les paramètres choisis et le taux marginal d'imposition sur les premiers euros gagnés, les couples modestes, les 18-24 ans ainsi que les ayant-droits au RSA et les travailleurs pauvres sont les grands bénéficiaires du revenu de base. On peut basculer son financement sur les hauts patrimoines, les paradis fiscaux ou encore les multinationales, et pas seulement sur les ménages acquittant déjà l'impôt sur le revenu. Une multitude de pistes est possible.

Venons-en au financement. Différentes propositions ont été présentées dans notre contribution au rapport de M. Sirugue, qui seront également développées dans notre prochain livre blanc. En fait, tout dépend du terme que l'on choisit. À long terme, il serait intéressant d'introduire le revenu de base dans le cadre d'une vaste réforme de l'impôt sur le revenu des personnes physiques. Mais à court terme, il est possible de créer un nouvel impôt qui serait le pendant de la redistribution actuelle du RSA. Aujourd'hui, lorsqu'on gagne 100 euros de salaires, on perd 38 euros de RSA. On pourrait alors créer un impôt à 38 % qui s'appliquerait dès les premiers euros gagnés mais serait plafonné au montant du revenu de base. Il s'agirait ainsi d'un impôt supplémentaire venant s'ajouter à la CSG. Cette proposition n'est certes pas idéale mais, susceptible d'être mise en oeuvre à court terme, elle permettrait d'instaurer rapidement un revenu de base.

À long terme, la question de la réforme de l'IRPP amène à s'interroger sur plusieurs points, dont l'avenir des niches fiscales et du quotient conjugal. Nous développons ces points dans notre contribution au rapport de M. Sirugue. Il serait possible de maintenir les niches fiscales dans le nouveau dispositif, à condition d'en réviser le mode de calcul pour qu'elles continuent à représenter les quelque 34 milliards d'euros actuels. On peut également en basculer certaines vers d'autres pistes, comme l'établissement d'un chèque-services, destiné à financer les crèches ou des soins spécifiques aux personnes âgées, par exemple. Une telle démarche permettrait ainsi de rendre ces niches fiscales plus redistributives.

Sur la question du quotient conjugal, faut-il totalement individualiser l'impôt ou le maintenir en l'état ? Je ne développerai pas ce point évoqué également dans notre contribution au rapport de M. Sirugue. On peut par ailleurs diversifier les sources de financement et basculer vers le revenu universel les exonérations de cotisation qui peuvent créer à des trappes à bas salaires et ralentir la progression salariale des personnes au SMIC.

Nous pensons enfin qu'il est possible d'expérimenter le revenu de base dans un département ou une région. Nous invitons votre mission d'information à soutenir cette démarche et à proposer une loi d'expérimentation. Comment y parvenir ? Si la loi n'autorise pas à expérimenter un prélèvement fiscal dérogatoire, on peut néanmoins expérimenter l'allocation d'un revenu de base : l'expérimentation permettra déjà de vérifier les bienfaits du revenu de base par rapport au système actuel de protection sociale qui ne sécurise pas assez les travailleurs disposant de revenus variables. Cette expérimentation du revenu de base permettra ainsi de vérifier qu'il ne dissuade nullement les individus à travailler et à s'investir dans la vie de la cité.

Ainsi, en conclusion, élément structurant d'un discours sur l'autonomie, le revenu de base permet de renouer avec l'idée de progrès. Le revenu de base est applicable dès maintenant et pourrait accompagner la réforme fiscale. Avant de conduire cette réforme à l'échelle nationale, on peut l'expérimenter au niveau local. Nous vous invitons à vous y pencher et vous remercions de votre attention.

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