Intervention de Fabrice Angei

Mission d'information Démocratie représentative, participative et paritaire — Réunion du 1er mars 2017 à 16h10
Audition des représentants des organisations représentatives des salariés avec M. Fabrice Angei membre du bureau confédéral de la confédération générale du travail cgt Mme Marylise Léon secrétaire nationale en charge de l'évolution des règles du dialogue social au sein de la confédération française démocratique du travail cfdt M. Gilles Lecuelle secrétaire national de la confédération française de l'encadrement — Confédération générale des cadres cfe-cgc en charge du dialogue social et m. pierre jardon secrétaire confédéral de la confédération française des travailleurs chrétiens cftc en charge du dialogue social

Fabrice Angei, membre du bureau confédéral de la Confédération générale du travail (CGT) :

Vos questions interrogent la démocratie paritaire sous l'angle de la décision publique.

Selon nous, il y a une articulation évidente avec les autres niveaux. La loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels dite « loi travail » a bien montré cette articulation : la décentralisation de la négociation collective, l'atomisation au niveau de l'entreprise concourent à l'affaiblissement de la démocratie sociale.

Je rappelle ainsi que, en 2012, le Comité de la liberté syndicale de l'Organisation internationale du travail, l'OIT, a jugé un projet de réforme similaire du gouvernement grec, relatif à la décentralisation de la négociation collective, contraire aux principes des conventions 87 et 98 de l'OIT et affaiblissant la démocratie sociale.

Je souhaite réaffirmer la place de la loi et du principe de faveur et rappeler notre demande d'abrogation de la « loi travail ».

Un accord national interprofessionnel (ANI) est valide s'il est signé par des organisations syndicales représentant 30 % des suffrages aux élections professionnelles et si le droit d'opposition n'a pas été déclenché par des organisations représentant au moins 50 % de ces suffrages.

Comme nous l'avons défendu à l'occasion de la « loi travail », nous sommes favorables au principe du scrutin majoritaire intégral, c'est-à-dire à la validation des accords par des organisations représentant 50 % des suffrages plus une voix. La représentativité d'une organisation syndicale se mesure à l'audience que lui ont accordée les salariés, ce qui donne à chacune un poids différencié. Nous sommes donc favorables à l'accord majoritaire, qui permet de fonder une démocratie sociale et pose une exigence forte, gage d'un dialogue social efficace et accepté, au sens où il est porteur de progrès social et économique.

Cependant, nous observons des obstacles. Dans de nombreuses entreprises, on constate une carence de représentation au niveau des délégués du personnel et des comités d'entreprise. D'après nos calculs, avec 2,2 millions de procès-verbaux de carence et 2 millions de procès-verbaux non renseignés sur les élections, au moins 4 millions de salariés ne peuvent pas s'exprimer lors des élections professionnelles. À cela, on doit ajouter la cohorte des demandeurs d'emploi et des titulaires de contrats courts, et je pourrais encore y adjoindre le nombre important de salariés qui n'ont pas pu voter lors des récentes élections professionnelles dans les très petites entreprises (TPE) : le Gouvernement a fait moins que le service minimum en la matière... Par exemple, 10 % des envois de matériel électoral ont fait l'objet d'un retour. Un nombre conséquent de salariés n'a donc pas pu s'exprimer lors de ces élections.

Pour remédier à cette situation, nous formulons deux propositions : établir la représentativité syndicale uniquement à partir des élections des seuls délégués du personnel, comme le proposaient initialement plusieurs organisations syndicales, et réfléchir à un rétablissement des élections prud'homales, qui permettaient à l'ensemble des salariés de voter.

Pour ce qui concerne le bilan de l'article L.1, on voit bien que le passé n'a pas servi d'exemple. Je rappelle que la consultation préalable des organisations syndicales sur tout projet concernant le travail, l'emploi et la formation professionnelle avait été introduite par la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social, à la suite des manifestations de 2006 sur le contrat de première embauche (CPE). Sur la « loi travail », le Gouvernement est passé outre. Aucune concertation n'avait été organisée lorsque la première version du projet de loi est sortie début février.

Nous considérons qu'il est indispensable et logique que les acteurs sociaux - nous préférons cette appellation à celle de partenaires sociaux - soient concertés au préalable sur ces questions, qui relèvent du champ de la négociation nationale interprofessionnelle.

Dans le même temps, comme on l'a vu à l'occasion des dernières lois, on observe de plus en plus souvent un quasi « copier-coller » de la négociation dans la loi - sur ce plan, l'exemple de l'ANI de 2013 est éloquent. Ce problème, c'est ce que les juristes appellent la « loi négociée ».

Pour notre part, nous sommes favorables à des responsabilités assumées. Le rôle d'une négociation entre employeurs et organisations syndicales, sur un intérêt particulier, est d'éclairer le législateur. Celui-ci, qui est garant de l'intérêt général, doit conserver son indépendance. Les textes de loi sont trop souvent, aujourd'hui, la traduction quasi intégrale des ANI.

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