La CFDT est particulièrement intéressée par la démarche de cette mission.
Nous sortons du tumulte créé par un enchaînement de réformes sans précédent. Je pense que quelques-unes nous attendent encore. Certaines sont souhaitables - vous savez que nous ne défendons pas forcément le statu quo.
Pour nous, ces réformes doivent se faire dans le cadre de la démocratie sociale. Par ailleurs, les questions de la légitimité et de l'efficacité, qui figurent dans l'intitulé de votre mission, sont centrales.
La légitimité des organisations syndicales est régulièrement pointée du doigt. En 2008, nous avons connu une réforme extrêmement ambitieuse et profonde du paysage syndical, sur laquelle nous sommes loin d'être tous d'accord. Cette réforme a fondé la représentativité des organisations syndicales sur le vote des salariés, ce qui n'était pas le cas précédemment.
On reproche souvent aux organisations syndicales de n'être pas représentatives, en soulignant leur taux d'adhérents, mais celui-ci pourrait faire rougir nombre de partis politiques.
La question du calendrier et de la temporalité des réformes est une problématique majeure. Le souhait politique conduit parfois à perdre de vue le sens de ce que l'on fait.
Presque dix ans après la réforme de la représentativité, il est important de mesurer les évolutions du paysage syndical. En effet, les nouvelles règles de représentativité et de négociation modifient également le comportement des acteurs.
Nous étions favorables à l'introduction d'une règle de 30 % pour la validité des accords dans les entreprises en période transitoire. Nous défendons également la règle de l'accord majoritaire, que ce soit dans l'entreprise, la branche ou au niveau national interprofessionnel. Cette règle permet de promouvoir le compromis qui a pu être trouvé et l'équilibre qui a pu être construit de façon incontestable. Elle est donc extrêmement importante.
Pour ce qui concerne l'association des citoyens, la CFDT a accueilli de façon extrêmement positive l'introduction de la consultation des salariés pour valider un accord d'entreprise si le seuil de 50 % n'est pas atteint. Cette consultation est organisée à l'initiative des organisations syndicales signataires. La légitimité et la représentativité des organisations syndicales en sortent renforcées, puisque cela leur impose une proximité avec les salariés qu'elles représentent.
S'il paraît difficile de l'organiser au niveau des branches et au niveau national interprofessionnel, on va, avec l'accord majoritaire, vers un système qui permet de définir des règles ne pouvant plus être contestées.
Sur la question de la temporalité, on a un problème de méthode au niveau de l'articulation entre démocratie paritaire et démocratie sociale. À la suite de la négociation sur la modernisation du dialogue social, qui n'a pas abouti, en janvier 2015, les organisations syndicales et patronales avaient tenté de revenir sur la méthodologie de négociation. Cela n'a pas été une réussite ; loin de là ! Plutôt que de réfléchir sur le lieu où se tiennent les négociations, il convient de réfléchir à la question de l'équité des moyens à la disposition des différents acteurs et de retenir l'idée que des objectifs extrêmement clairs doivent être définis au démarrage de la négociation : cela permet ensuite d'obtenir un accord dans des termes clairs, non susceptibles d'interprétations, tout en facilitant la transposition législative, lorsque celle-ci est nécessaire.
Nous avons deux propositions pour sécuriser cette transposition, chacun devant rester dans son rôle.
En premier lieu, un accord, ce n'est pas qu'un texte ; c'est aussi une histoire. Les signataires doivent donc pouvoir présenter conjointement, devant le Parlement, l'esprit, le contenu et les équilibres de l'accord qui a pu être trouvé, en amont, lorsque s'ouvre l'examen du projet de loi tendant à transposer l'accord. Il ne faut pas que chacun, de son côté, aille défendre sa vision et ses revendications initiales ! Si l'on veut que l'articulation entre démocratie sociale et démocratie politique fonctionne, il faut que les équilibres puissent être maintenus.
En second lieu, se pose la question du calendrier. Les acteurs sociaux définissent, chaque année, un agenda social. Je pense qu'il faut réfléchir à une meilleure articulation entre les agendas respectifs et ce qu'il est possible de renvoyer aux acteurs sociaux, tout en laissant à ces derniers, bien entendu, la possibilité de ne pas négocier, comme à la suite du rapport de Jean-Denis Combrexelle et pour la « loi travail », laquelle est loin d'avoir été un exemple en termes de méthode.
Il faut donc un calendrier clair pour donner de la visibilité aux acteurs. On ne négocie pas correctement dans la précipitation ni sans avoir pu définir des objectifs communs et un diagnostic conjoint !