Le sujet est délicat. Il faut revenir aux fondamentaux économiques. Pour l'entreprise, si son principal concurrent est chinois, américain ou établi dans un autre pays européen, elle attache moins d'importance à la manière dont le niveau normatif de branche va s'imposer à elle. Car à l'origine, le fondement des accords de branche était bien une question d'équité concurrentielle : il fallait éviter, dans un même secteur, l'apparition de distorsions de concurrence tenant uniquement aux conditions sociales. En France, comme tout le niveau normatif de détail se trouve dans la loi, la branche est privée de son vrai rôle. En plus, comme la concurrence est beaucoup plus internationale que nationale, l'entreprise doit pouvoir faire preuve d'agilité, non pas pour s'aligner sur le dumping social de pays lointains, mais pour trouver des compromis beaucoup plus adaptés à son terrain économique. Cela dit, il existe encore des secteurs moins exposés que d'autres à la concurrence internationale, par exemple dans les services ou le bâtiment, sans toutefois simplifier à outrance.
Quoi qu'il en soit, les points de vue sont très contrastés au sein du MEDEF sur le rôle que doit jouer la branche. A minima, elle doit pouvoir déterminer un socle applicable par les PME-TPE qui ne sont pas en situation de négocier des accords d'entreprise. Au-delà, la question de savoir si une branche peut décider elle-même que les règles qu'elle établit s'imposent aux entreprises ou n'ont qu'une portée subsidiaire fait l'objet d'un débat. Nous sommes d'ailleurs assez gênés par les dispositions de la « loi travail » qui ont repris l'idée d'« ordre public conventionnel ». Jean-Denis Combrexelle disait qu'il faudrait délimiter le domaine de la loi, puis définir un niveau d'ordre public conventionnel, le reste étant laissé à l'entreprise. La « loi travail » prévoit, quant à elle, que chaque branche négocie dans les prochains mois la définition de son ordre public conventionnel. Les branches nous ont fait savoir qu'elles n'avaient jamais fait cet exercice et ne pouvaient pas définir in abstracto leur propre code du travail. Les négociations de branche portent sur des sujets précis et avancent de façon pragmatique, en trouvant des compromis. L'idée d'une négociation sur l'ordre public conventionnel de la branche correspond à une vision très abstraite du dialogue social. Certains syndicats ont sans doute demandé l'introduction de cette disposition pour se rassurer par rapport à un discours qui portait uniquement sur l'accord d'entreprise, mais il nous semble que la portée pratique de cette disposition sera assez réduite, d'autant que l'on ne sait pas quelle part de l'ordre public social sera réservée à la loi.
Il n'est donc pas possible de répondre de manière univoque à votre question. Ce qui est sûr, c'est qu'il faut réduire l'espace de la loi et ouvrir un espace conventionnel. Il faudra débattre, selon les secteurs, les domaines où, d'une part, la branche pourra jouer un rôle normatif et ceux où elle jouera un rôle subsidiaire et, d'autre part, où l'entreprise pourra trouver le compromis le plus adapté à sa réalité économique.