Intervention de Jean-Pierre Raffarin

Commission des affaires européennes — Réunion du 7 mars 2017 à 17h05
Institutions européennes — Débat préalable au conseil européen des 9 et 10 mars 2017

Photo de Jean-Pierre RaffarinJean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

Je pourrais presque me dispenser d'intervenir, car je partage en tous points les propos que vient de tenir le président Bizet. Ils retracent notamment les résultats des réflexions engagées par le groupe de suivi réunissant nos deux commissions.

Le Conseil européen des 9 et 10 mars intervient dans un contexte marqué par de très lourds enjeux. La décision britannique de quitter l'Union a constitué un choc puissant. Elle nous paraît être un non-sens géostratégique au regard de la montée des menaces et de l'émergence des États-continent. Est-ce au moment où les autres continents se font respecter dans le monde que nous allons chercher à déconstruire le nôtre ? Telle n'est pas notre position !

Jean Monnet l'avait annoncé, l'Europe sera forgée par des crises et sera la somme des solutions apportées. Il nous appartient donc de trouver des solutions qui soient à la hauteur des enjeux.

Au fond, même si ce n'était pas son intention, Donald Trump va nous aider ! En effet, si sa vision bilatérale de l'Europe cherche peut-être à valoriser l'Europe insulaire, elle va en tout cas remobiliser l'Europe continentale, et donc renforcer notre solidarité. J'ajoute que ses propos initialement ambigus sur l'OTAN ne font que consolider notre volonté de bâtir une défense européenne.

Le groupe de suivi du Brexit, commun à nos deux commissions, a souligné la nécessité pour l'Europe de se concevoir et d'agir en tant que puissance. Cessons d'avoir des complexes sur le sujet ! Le Brexit est d'abord une affaire créée par les Britanniques, qui concerne les Britanniques, et c'est eux qui devront payer la première addition, puisque la situation nouvelle ne pourra naturellement pas leur être plus profitable que l'ancienne. Il y a là une vérité, un équilibre à affirmer.

Cela implique pour nous d'adopter une approche complexe, puisqu'il faut renforcer l'effort de défense à la fois par l'Europe de la défense et par nos relations avec le Royaume-Uni, notamment en poursuivant la mise en oeuvre des accords de Lancaster House. Nous voyons bien qu'il nous faut mener avec les Britanniques un certain nombre de travaux pour assurer la sécurité intérieure, lutter contre le terrorisme et apporter des réponses européennes à la crise migratoire.

Les questions de défense nous paraissent essentielles. Dans ce domaine, le Conseil européen abordera les quatre points suivants : les coopérations structurées permanentes, la revue de la politique de sécurité et de défense commune, la PSDC, la planification et la conduite des opérations et le financement de ces politiques.

Les coopérations structurées permanentes sont la clé d'avancées rapides et pertinentes. La France souhaite qu'elles soient ouvertes, au-delà des pays fondateurs. Dans cette perspective, le sommet informel entre notre pays, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne organisé lundi à Versailles s'est tenu en vue d'une préfiguration de ce format. Nous pouvons donner une impulsion qui permette aux autres États membres de nous rejoindre lorsqu'ils le souhaiteront. De ce point de vue, l'étape de Versailles nous paraît significative.

Nous devons poursuivre notre effort en vue de consacrer 2 % de nos PIB à la défense, afin de développer nos coopérations capacitaires. La défense européenne sera le pilier européen de l'OTAN, et la coopération avec Londres devra être maintenue.

Affirmons clairement notre indépendance stratégique et capacitaire ! La revue annuelle coordonnée de défense constitue elle aussi un pas dans la bonne direction. Nous nous interrogeons cependant sur le financement, s'agissant notamment de l'Agence européenne de défense renouvelée. Il sera aussi, sans doute, difficile de mobiliser des moyens à la hauteur des ambitions affichées par le plan Juncker.

Enfin, concernant les structures de planification et de conduite des opérations, soyons ambitieux, soyons moteurs pour l'Europe ! Il nous semble que les positions franco-allemandes de septembre 2016, qui ont été rapidement partagées par l'Italie et l'Espagne, étaient plus ambitieuses que ce qui nous est proposé aujourd'hui. Puisque le Royaume-Uni sort de l'Union, pourquoi conserver certaines inhibitions et limiter le fonctionnement de ce que nous n'osons pas appeler un « quartier général » ? Peut-être le moment est-il venu de revenir à cette idée. J'aimerais connaître, monsieur le secrétaire d'État, votre position sur ce sujet.

Le 25 mars prochain sera célébré le soixantième anniversaire du traité de Rome. Il nous paraît essentiel de répondre clairement aux aspirations des peuples européens en matière de défense et de sécurité.

Dans les travaux conduits en commun par la commission des affaires européennes et celle des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, nous avons mis en avant la nécessité d'une Europe compétitive, d'une Europe puissance, d'une Europe de proximité. Au fond, nous avons abordé ces travaux sur le Brexit avec sinon un certain pessimisme, du moins une certaine inquiétude. Nous les avons poursuivis en menant une réflexion sur la fondation de l'Europe : c'est dans ce retour à la source que nous avons trouvé des raisons d'espérer ! L'Europe est grande quand elle surmonte la crise. (Applaudissements.)

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