Intervention de Michel Bouvard

Commission des affaires européennes — Réunion du 7 mars 2017 à 17h05
Institutions européennes — Débat préalable au conseil européen des 9 et 10 mars 2017

Photo de Michel BouvardMichel Bouvard :

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser Michèle André, présidente de la commission des finances, et Albéric de Montgolfier, rapporteur général, qui effectuent cette semaine un déplacement consacré à la compétitivité des places financières, thème sur lequel notre commission a engagé des travaux voilà plusieurs semaines déjà.

Il me revient donc d'intervenir au nom de la commission des finances dans ce débat préalable au Conseil européen de mars, au cours duquel seront aussi évoqués l'emploi, la croissance et la compétitivité.

Le rapport publié en février dernier par la Commission européenne dans le cadre de la procédure de déséquilibres macroéconomiques apparaît, à bien des égards, comme un bilan économique et budgétaire du quinquennat qui s'achève.

Force est de constater que ce bilan est plus que mitigé. Selon la Commission européenne, la croissance économique française affiche un dynamisme limité au regard de celui de nos partenaires européens. La balance commerciale, bien qu'ayant connu une amélioration grâce au recul des prix énergétiques, demeure dégradée. La productivité piétine. En dépit de la consolidation de la compétitivité-coût, les écarts apparus dans ce domaine au détriment de notre pays n'ont pu être comblés au cours des années écoulées. Le taux de chômage, après avoir atteint un point haut en 2015, a certes amorcé une décrue. Pour autant, le chômage de longue durée, quant à lui, continue sa progression, à rebours de ce que l'on observe dans les autres pays de l'Union. Enfin, la dette publique s'approche peu à peu de 100 % du PIB et la Commission européenne doute du caractère durable du retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB, à supposer que cet objectif soit atteint en 2017.

De telles conclusions peuvent paraître sévères, d'autant qu'elles résultent non pas d'une appréciation émanant d'une instance politique, mais d'un travail « technique » réalisé par les services de la Commission européenne.

Comment expliquer que la France présente de si faibles performances ? À cet égard, la Commission européenne souligne les faiblesses structurelles de l'économie française. Bien qu'elle ait permis un ralentissement de la hausse des coûts du travail, la mise en oeuvre de mesures positives telles que le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE, et le pacte de responsabilité n'a pas suffi à faire disparaître l'écart avec nos principaux concurrents européens.

Sur ce point, l'exécutif européen rejoint les constats formulés par la commission des finances. Dans un rapport d'information sur les enjeux inhérents au temps de travail publié en janvier 2016, Albéric de Montgolfier avait montré que les baisses de charges engagées par le Gouvernement, bien que nécessaires, n'étaient pas suffisantes pour conforter la compétitivité-coût de notre pays, en particulier dans la durée.

Dans ces conditions, il est sans doute également regrettable que les ambitions initiales de la réforme du droit du travail difficilement adoptée par l'actuelle majorité gouvernementale aient régressé au fil des débats. Comme le relève la Commission, notre marché du travail reste segmenté, au détriment des personnes les plus fragiles, qui se trouvent de facto prisonnières de la « trappe » du travail temporaire et des contrats de courte durée.

Par ailleurs, en dépit de leur ampleur, le CICE et le pacte de responsabilité n'ont que faiblement contribué à la reconstitution des marges des entreprises, celle-ci ayant principalement résulté de la baisse des prix énergétiques et des taux d'intérêt. En effet, les baisses de charges ont été en partie contrebalancées par les hausses d'impôts décidées au début du quinquennat. Ainsi que l'a fait apparaître un récent rapport de la commission des finances portant sur l'évolution des prélèvements obligatoires entre 2012 et 2016, la réduction de la fiscalité des entreprises opérée au cours de cette période par le Gouvernement s'est élevée à près de 13 milliards d'euros, soit un quantum bien inférieur aux 41 milliards d'euros souvent évoqués. Or la faiblesse des marges des entreprises est sans doute l'un des facteurs qui participent à la stagnation de la compétitivité hors coûts de notre économie.

En définitive, la situation actuelle de la France n'est pas sans lien avec la modestie, soulignée par le Haut Conseil des finances publiques, des réformes structurelles menées au cours des dernières années. Le président Bizet le rappelait il y a quelques instants, la France figure maintenant sur la liste des pays présentant des déséquilibres économiques excessifs, qui ne comprend que quelques pays de la grande couronne méditerranéenne, tels que la Bulgarie, la Croatie, le Portugal et Chypre. Parmi les grandes économies du continent européen, seule l'Italie se trouve dans une situation comparable à la nôtre.

Il convient également de relever que la faiblesse de la croissance française pourrait avoir des incidences fortes sur nos finances publiques. En premier lieu, une moindre hausse du PIB viendrait minorer la progression des recettes publiques. À ce titre, la Commission européenne anticipe une croissance de 1,4 % en 2017, alors que la prévision du Gouvernement s'établit à 1,5 %. En second lieu, l'atonie de l'économie française, en ce qu'elle constitue un risque aux yeux des investisseurs, pourrait contribuer à renforcer une augmentation des taux d'intérêt attendue à moyen terme, sans parler des craintes relatives à l'éventuelle élection d'une présidente d'extrême droite.

L'incertitude qui entoure l'évolution des recettes et des taux d'intérêt est d'autant plus préoccupante que la France ne dispose que de marges de manoeuvre budgétaires extrêmement limitées. Entre 2012 et 2016, le déficit public n'a été réduit que de 1,5 point, passant de 4,8 % à 3,3 % du PIB. Cette réduction du déficit a résulté, d'une part, de l'augmentation du taux des prélèvements obligatoires de près de deux points de PIB entre 2011 et 2016, et, d'autre part, d'une stabilisation de la part de la dépense publique dans la richesse nationale sur l'ensemble du quinquennat.

Alors que la consolidation des comptes publics a principalement reposé sur les recettes, la Commission européenne indique, quant à elle, que les économies réalisées en dépenses ont reposé, pour l'essentiel, sur la diminution de la charge de la dette et sur le recul des investissements, ce que corroborent d'ailleurs les travaux de la Cour des comptes.

Aucune réflexion véritable ne semble donc avoir été engagée sur la structure et la qualité de la dépense publique. Sur ce point, la Commission évalue à seulement 2 % les économies réalisées entre 2015 et 2017 qui seraient liées aux revues de dépenses menées par le Gouvernement.

Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous indiquer si le Gouvernement sera amené à réviser sa prévision de déficit public pour 2017 dans le prochain programme de stabilité et dans quelle mesure celui-ci tiendra compte des différents risques affectant la situation budgétaire de la France ?

Par ailleurs, je souhaiterais aborder un autre sujet, qui n'est pas explicitement inscrit à l'ordre du jour du prochain Conseil européen mais qui intéresse la commission des finances : le renforcement de l'union économique et monétaire.

Des déclarations du Président de la République et de la Chancelière allemande semblent aller dans le sens d'un approfondissement de certaines politiques européennes autour d'un « noyau dur » de pays volontaires. Ce « noyau dur » correspondrait-il à la zone euro ? Le Gouvernement français semble plaider en faveur d'une solidarité accrue au sein de l'union monétaire avec, à terme, la création d'un budget propre. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur la manière dont nos partenaires européens apprécient ces initiatives ? Qu'est-il réellement possible de faire en dehors d'une révision des traités ?

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, vous serait-il possible de nous indiquer l'état d'avancement des discussions récemment engagées avec la Grèce dans le cadre du programme d'assistance financière ?

Je vous remercie par avance, monsieur le secrétaire d'État, de vos réponses, auxquelles la commission des finances sera très attentive.

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