Intervention de Christophe Sablé

Commission d'enquête Compensation des atteintes à la biodiversité — Réunion du 7 février 2017 à 14h00
Audition commune de M. Alain Bernier président de la fédération départementale de loire-atlantique des syndicats d'exploitants agricoles fnsea 44 M. Christophe Sablé secrétaire général de la chambre régionale d'agriculture des pays de la loire M. Dominique deNiaud président de la section locale de loire-atlantique de la confédération paysanne M. Cyril Bouligand et M. Daniel duRand membres du collectif « copain 44 »

Christophe Sablé, secrétaire général de la chambre régionale d'agriculture des Pays de la Loire :

Comme cela vient d'être dit, la notion éviter-réduire-compenser (ERC) appliquée aux atteintes à l'environnement est un principe qui a été renforcé par le Grenelle de l'environnement en 2007. Or le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes et le choix de sa localisation datent des années 1970, ce qui est bien antérieur. Si le principe ERC avait été appliqué, ce projet d'aéroport ne serait peut-être pas localisé à cet endroit.

De plus, la séquence ERC pour les atteintes aux zones humides et à la biodiversité vient s'ajouter aux expropriations et est perçue comme une « double peine » par les agriculteurs.

Notre département est attractif, en constant développement, et s'étend sur des espaces agricoles et naturels. Compte tenu de la diversité des espaces (marais, littoral, fleuve, bocage...) et du caractère humide des sols, tout projet d'aménagement génère inévitablement des impacts sur la biodiversité. La chambre d'agriculture a choisi d'apporter des outils et des méthodes pour encadrer cette problématique à l'attention de l'ensemble des exploitants agricoles du département.

En ce qui concerne l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, les impacts liés directement aux emprises touchent 40 exploitations, sur 1 239 hectares. Les besoins de compensation cumulés au titre des zones humides et des espèces sont estimés entre 2 000 et 4 000 hectares selon les types de mesures et les ratios de compensation.

Les zones envisagées pour l'application de mesures de compensation environnementales sont estimées à 17 000 hectares environ et concernent potentiellement 262 exploitations agricoles.

Nous sommes arrivés au constat que la concertation agricole n'était généralement pas suffisamment anticipée, tant pour la localisation des projets d'aménagement que pour la définition des impacts.

C'est pourquoi, dès 2012, la chambre d'agriculture a pris l'initiative d'une concertation avec les services de l'État et le département, avec la mise en place d'un comité de pilotage composé de l'ensemble des représentants de la profession agricole. Ces travaux ont débouché sur un accord-cadre départemental qui permet de disposer d'outils-types de mesure de compensation environnementale en zone agricole et de règles d'indemnisation.

D'autres instances existent pour favoriser la discussion entre les maîtres d'ouvrages et la profession agricole. La chambre d'agriculture a, par exemple, mis en place un comité professionnel agricole réunissant les représentants de la chambre d'agriculture, la FNSEA 44, Jeunes agriculteurs (JA 44), la Confédération paysanne, la Coordination rurale, l'association de défense des exploitants concernés par l'aéroport (ADECA), la SAFER, la Propriété rurale, le syndicat des forestiers, et les coopératives d'utilisation du matériel agricole (CUMA). Ce comité professionnel, réuni à maintes reprises depuis sa création, valide toutes les décisions politiques propres au dossier de Notre-Dame-des-Landes. En parallèle, un comité consultatif foncier se réunit tous les deux mois pour examiner plus particulièrement les aspects fonciers (location, vente ou gestion temporaire du foncier agricole). Plusieurs réunions locales et communes avec l'ADECA ont également eu lieu. La chambre d'agriculture est aussi disponible pour accompagner individuellement chaque exploitant qui le souhaite. Enfin, les maîtres d'ouvrages entretiennent des relations directes avec certains exploitants agricoles.

Depuis 2007, nous avons fait un travail conséquent d'élaboration d'outils mis à disposition des exploitants agricoles concernés par le projet d'aéroport. En 2008, des protocoles d'accord ont été conclus sur plusieurs sujets - études préliminaires, topographie, sondages, indemnisation des préjudices subis par les propriétaires fonciers et les exploitants agricoles et contribution agricole du cahier des charges d'appels d'offres - et une convention a été conclue avec l'État pour le suivi général du projet.

En 2013, un accord-cadre pour l'ensemble du département a été signé, assorti d'une convention d'application départementale, d'un protocole spécifique à Notre-Dame-des-Landes pour la mise en oeuvre des mesures de compensation environnementale, et d'un accord préalable à la mise en oeuvre d'un fonds de revitalisation économique autour du projet d'aéroport.

Les mesures de compensation environnementale qui figurent dans les différents protocoles portent principalement sur la recréation de mares, la remise en fonction de zones humides, la conversion de parcelles exploitées en rotation avec des prairies de longue durée, la mise en place de bandes enherbées et la plantation de haies bocagères.

Dans ces protocoles, les agriculteurs sont libres de contractualiser ou non avec les maîtres d'ouvrages. Ils ont le choix, soit de réaliser certaines mesures compensatoires par eux-mêmes, soit de les faire réaliser par des prestataires extérieurs. Les mesures de compensation modifient profondément les parcelles en limitant fortement leur potentiel de production. Une généralisation de la mise en oeuvre de mesures de compensation pourrait modifier sensiblement les systèmes d'exploitation, allant même jusqu'à remettre en cause certaines filières sur un territoire.

Les exploitants sont indemnisés annuellement - et non rémunérés - selon les pertes de marge engendrées par la mise en oeuvre et l'entretien des mesures de compensation environnementale. Pour éviter l'écueil de l'effet de rente, il existe des mesures de plafonnement des niveaux d'indemnisation.

Pour Notre-Dame-des-Landes, le maître d'ouvrage propose un système de bonus pour rendre le dispositif plus attractif. Il appartient alors à chaque agriculteur de faire son calcul en fonction de la rentabilité de son exploitation et de la compatibilité avec son système de production.

Sans un effort de pédagogie envers les exploitants agricoles, la compensation environnementale est d'abord perçue comme une contrainte car elle limite le potentiel de production. Le même effort pédagogique doit être fait envers les maîtres d'ouvrages et les bureaux d'études en environnement, pour leur permettre de mieux appréhender la réalité agricole.

L'agriculture et l'élevage entretiennent les espaces, assurent la conservation des milieux fragiles et produisent de la biodiversité. Certaines expériences nous démontrent que l'on peut trouver un consensus avec les exploitants agricoles dès lors que l'on applique le principe ERC à la fois pour l'environnement et pour l'agriculture.

Les conventions proposées sont amiables et contractuelles, pour des durées allant de 5 à 10 ans renouvelables. Elles sont bipartites, ou tripartites si elles concernent également les propriétaires. Ces mesures compensatoires ont été déclinées à partir d'un cas-type, celui de la déviation de la RN 171 à Bouvron ; ce dossier, essentiellement suivi par la direction régionale de l'environnement de l'aménagement et du logement (DREAL), a permis de compenser la destruction de 16 hectares de zones humides ou portant des éléments de biodiversité à compenser et 9 exploitants ont contractualisé pour mettre en oeuvre ces mesures.

Nous n'avons pas connaissance de l'existence d'une instance de concertation au niveau départemental qui pourrait permettre d'avoir une vue d'ensemble des mesures engagées. Il serait important qu'un tel lieu existe.

Enfin, il faudrait résoudre le problème de l'occupation illégale des terres qui concerne 221 hectares.

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