Je souhaitais revenir sur trois points.
Tout d'abord, je souscris totalement à votre vision des choses sur la question des volumes produits. Pour maintenir le même volume productif malgré la réduction du nombre d'hectares, il faudra inévitablement intensifier la production à d'autres endroits. La question est donc de savoir comment intensifier, pourquoi le faire, et si cela est acceptable pour les agriculteurs.
Vous avez également évoqué les parkings immenses des grandes surfaces. Tout le monde connaît la photo du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes : je vous invite à regarder de près le parking, et vous vous rendrez compte de l'étendue du gaspillage. Cette photo nous a toujours choqués, parce que l'on nous a dit : « C'est un aéroport vert ». Et nous avons répondu : « Il est vert parce que sa couleur est verte, et parce qu'il est au ras du sol ». AGO a souligné, dans son audition, que le choix de ne pas construire de parkings en silos émanait d'une volonté de ne pas troubler le paysage. Ils ont oublié de dire aussi que cela coûtait moins cher... Mais je trouve que cette photo résume bien la situation, car c'est la photo d'un projet tel qu'on aurait pu le concevoir avant de savoir qu'un jour, nous manquerions de terres agricoles. Maintenant que nous le savons, nous ne pouvons plus faire des projets comme cela, ce n'est pas sérieux.
Enfin, il ne faut pas oublier que l'objectif initial de la séquence ERC était de dissuader la consommation foncière. Si cela fonctionne pour les petits projets, c'est parce que les mesures de compensation doivent être mises en place préalablement à la réalisation de l'aménagement. Les communes sont donc attentives au positionnement géographique de leur projet et à sa taille. Sur des projets à grande échelle comme ceux qui vous intéressent, on se rend compte que l'on se contente de promesses. On promet que l'on fera quelque chose pour la compensation, mais rien n'est mis en place avant la réalisation de l'infrastructure. Cela veut dire que l'on n'est pas dissuasif sur le plan de la technique. Par ailleurs, est-on suffisamment dissuasif sur le plan financier ? Nous avons partagé notre inquiétude sur la financiarisation des mesures de compensation et les conséquences de l'agriculture de rente pour le système. Néanmoins, on pourrait très bien imaginer des compensations financières extrêmement dissuasives pour les porteurs de projets ; un fonds comme celui évoqué tout à l'heure avec des apports réellement conséquents, dont une partie reviendrait à la profession agricole pour compenser les pertes, et une autre partie serait mise au service du développement. Aujourd'hui, qu'est-ce que 300 000 euros au regard du coût global du projet d'infrastructure ? Ce n'est rien du tout !