Je voudrais souligner un double paradoxe. Pour les parkings, nous avons pris l'option de l'insertion paysagère. À présent, on semble nous dire que nous aurions dû choisir une autre option. Or, au terme de la concertation, le choix de l'intégration paysagère était un critère majeur.
Si nous avons retenu les deux pistes, c'est pour donner une suite favorable au dialogue local que nous avions eu avec les élus pour préserver les communes de certaines nuisances. Le projet a intégré les critères environnementaux qui étaient alors estimés majeurs.
J'en arrive maintenant à l'aspect « compensation ». Pour trois raisons, cette démarche a été novatrice : la définition de la méthode, les modalités de sa mise en oeuvre et, enfin, la fixation des garanties de bonne fin.
La méthode a été élaborée par un panel d'experts : les services de l'État, l'Office national des eaux et des milieux aquatiques (ONEMA), le centre d'études techniques de l'équipement (CETE), l'hydrogéologue du conseil départemental et deux sociétés privées spécialisées dans les domaines de l'eau et de la biodiversité. Cette méthode a donc été élaborée collégialement et a été validée par l'État en 2011. Cette méthode de compensation consiste à recréer, à proximité immédiate du site impacté, des milieux qui présentent des fonctionnalités équivalentes à celles détruites. Ce principe, retenu en 2010, a d'ailleurs été repris par la loi pour la reconquête de la biodiversité votée en 2016. La méthode repose donc sur une évaluation du besoin compensatoire qui est mis en regard de la plus-value environnementale apportée par les mesures compensatoires. Ces démarches ont été menées concomitamment pour les questions liées à l'eau, pour lesquelles le schéma départemental d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Loire-Bretagne, approuvé en 2009 exigeait une approche fonctionnelle et pour les espèces protégées. Nous avons appliqué les mêmes méthodes par souci de cohérence d'ensemble et de mutualisation des connaissances puisqu'il s'agit de conserver un biotope. Cette méthode de compensation fonctionnelle privilégie le vivant, l'écosystème, les valeurs d'usage et l'évolution dans le temps. Cette méthode est différente de la méthode classique dite surfacique, qui est à la fois statique et un peu simplificatrice. Cette méthode, inventée pour Notre-Dame-des-Landes en 2010, retenue par le Parlement en 2016, a une importance majeure.
Les besoins compensatoires liés à la loi sur l'eau s'expriment en unités de compensation calculées pour chaque parcelle ou groupe de parcelles. Ces unités sont affectées d'un coefficient en fonction de leur intérêt variant de 0,25 à 2. Le coefficient dépend de l'intérêt en termes de fonction de la zone humide ou en termes de biodiversité. En multipliant les parcelles par leur coefficient, on arrive à mesurer la valeur de la compensation. Le même processus a été retenu pour les espèces protégées. Cette méthode a été inventée par et pour le projet de Notre-Dame-des-Landes.
Parallèlement à cette méthode, certaines mesures particulières ont été retenues lorsqu'il y avait des enjeux très spécifiques, par exemple lorsqu'il y avait des habitats pour des espèces plus singulières que d'autres ou des lieux très singuliers ; l'ensemble couvre environ 24 hectares.
La mise en oeuvre de cette méthode conduit à un besoin compensatoire de 735 unités de compensation pour les zones humides et de 1 279 unités pour les espèces protégées. En cas de risque d'échec, les arrêtés préfectoraux prévoient la réévaluation de ces besoins compensatoires à hauteur de 10 %.
Les mesures compensatoires privilégient la recréation et la restauration des zones humides de bocage à proximité du site. On cherche donc la fonctionnalité d'un bocage et la proximité. La mise en oeuvre de la méthode conduit à des mesures assez traditionnelles que sont la reconversion de terres arables en prairies naturelles humides, la reconversion de peupleraies en prairies humides, la remise en exploitation sous forme de prairie naturelle humide avec des pratiques de gestion agricole extensives adaptées. Nous nous adossons donc à des méthodes classiques et éprouvées pour la mise en oeuvre. Cela suppose bien sûr d'être dans une démarche conventionnelle, notamment avec les exploitants agricoles. Un protocole a été conclu avec la profession agricole en décembre 2013, qui fixe les modalités de mise en oeuvre de ces mesures afin de respecter et d'atteindre les plus-values écologiques attendues. Il précise les modalités d'indemnisation.
La concertation avec la profession agricole a été engagée très tôt, dès 2011, et s'est achevée en 2013. Nous sommes ainsi parvenus avec la chambre d'agriculture à un accord sur la façon d'appliquer cette méthode dite « fonctionnelle ».
Enfin, si le ratio surfacique global entre les surfaces impactées et les surfaces compensées n'est pas connu à ce stade, les arrêtés prévoient par mesure de précaution, qu'il ne peut pas être inférieur à 1. Des garanties supplémentaires ont été apportées, dont la majoration de 10 % du besoin compensatoire pour prendre en compte un éventuel risque d'échec des mesures visées. Le ratio surfacique global devrait donc, en toute hypothèse, se situer entre 1,2 et 1,5 hectare de compensation pour 1 hectare impacté.
Les marges de manoeuvre sont donc assez considérables.
Par ailleurs, un certain nombre de ces mesures de compensation commençaient à être mises en oeuvre en 2012 et 2013, puisque le concessionnaire avait déjà creusé des mares, avant qu'une violente opposition empêche toute nouvelle action et conduise le comblement de certaines mares.
Enfin, la réalisation de ces mesures compensatoires a été insérée, par le biais des arrêtés préfectoraux, dans un calendrier très précis et échelonné dans le temps, avec plusieurs jalons de contrôle. La totalité des mesures doit être engagée au moment de l'ouverture de la plate-forme et de la desserte routière.
En définitive, les mesures sont complexes à analyser, mais leur mise en oeuvre est finalement assez simple, selon une convention conclue avec des exploitants agricoles.
Concernant les garanties de bonne fin, j'entends les critiques émises sur la difficulté à mettre en oeuvre ces mesures compensatoires. Elles avancent l'absence de localisation précise des mesures, l'absence de maîtrise foncière ou encore les réticences des exploitants agricoles. Je me permets néanmoins de rappeler les cinq garanties qui figurent dans les arrêtés préfectoraux.
La première est l'obligation de résultat, assortie de sanctions imposées aux maîtres d'ouvrages en cas de non-respect.
La deuxième résulte de la fixation d'un calendrier, qui permet de mesurer progressivement la réalisation de ces mesures, au moins de s'assurer qu'elles sont prises avant la mise en oeuvre de travaux irréversibles.
La troisième est le protocole avec la profession agricole, dans son expression consulaire. Ce protocole très précis a été testé très récemment dans le département de la Loire-Atlantique sur une superficie d'une trentaine d'hectares, pour un résultat satisfaisant.
La quatrième garantie vise à répondre à l'insuffisance, nous dit-on, des enveloppes de compensation. Tout est prévu pour élargir en tant que de besoin cette enveloppe. En résumé, nous nous inscrivons dans une démarche au fil de l'eau, insérée dans un calendrier de contrôle.
Enfin, la cinquième garantie est le dispositif de suivi et de contrôle en lui-même, qui suppose l'intervention d'un conseil scientifique en vue de mesurer l'efficacité des mesures de compensation, et d'un observatoire unique pour les deux maîtres d'ouvrages. Ces deux éclairages sont soumis au contrôle du comité de suivi des engagements de l'État et des collectivités dans lequel siègent toutes les parties.
Enfin, je ne peux pas ne pas évoquer la violence et l'opposition sur site, qui empêchent, par la force ou l'intimidation, toute mise en place de mesures, d'études environnementales ou de travaux.
Je rappellerai ici les agressions subies en mai 2014 par des experts qui effectuaient des relevés piscicoles sur les truites farios, et celles intervenues en avril 2015 à l'égard de représentants de l'université d'Angers qui procédaient à des études écologiques sur le triton marbré : ils ont été poursuivis et dépouillés de leurs effets. Enfin, je l'ai dit, plusieurs mares ont été rebouchées.
La liste des exactions est longue. Elles empêchent la préparation sereine des mesures de compensation et d'avoir, à ce stade, une vision complète du dispositif. À ce propos, un message posté au mois de janvier 2017 qui vise toutes les entreprises dans leur diversité, y compris les entreprises de génie écologique, appelle « à exercer des rapports de force vis-à-vis des institutions agricoles et des agriculteurs qui ont collaboré avec Vinci ».
Ces incidents, qui s'inscrivent dans un climat de violence et d'intimidation, ont conduit les maîtres d'ouvrages à cesser les relations avec les exploitants agricoles destinées à préparer d'éventuelles mesures de compensations, et ce pour éviter les représailles. Il en est de même des entreprises de génie écologique.
En définitive, les deux questions principales ont chacune leur réponse.
La première question est de savoir si la méthode prescrite par les arrêtés préfectoraux permet de compenser effectivement les atteintes à la biodiversité. La méthode est peut-être complexe et les coefficients que j'ai évoqués peuvent être discutés. Pour autant, leur mise en oeuvre est relativement simple et d'ores et déjà conventionnée, sous contrôle d'un comité scientifique et d'un comité technique. Donc, en l'état actuel, la méthode retenue permet effectivement de compenser des atteintes à la biodiversité.
La seconde question est de savoir si les maîtres d'ouvrages pourront réaliser ces mesures. Il faut éviter tout procès d'intention. Mais l'ambiance sur site que j'ai exposée rapidement nous empêche d'aller plus avant dans la réalisation et l'étude de ces mesures de compensation.
Le dispositif normatif est en place, les capacités techniques sont opérationnelles. Par conséquent, rien ne nous permet de dire que les mesures de compensation pour la biodiversité ne seront pas appliquées. À ce stade, l'ensemble du dispositif est totalement crédible.