Vous avez totalement raison et j'aborderai plus en détail ce point dans la suite de mon propos.
Santiago Ramón y Cajal, qui fut, je le rappelle, le premier à proposer une description du cerveau, soutenait le dogme suivant : on naît avec ses neurones, on meurt avec ses neurones. Remettons les choses en perspective, ne serait-ce qu'en faisant une comparaison avec la durée de vie des composants d'ordinateur. S'imaginer qu'une cellule, si petite et importante fût-elle, devrait durer tout le temps d'une vie, cela ne laisse pas d'étonner.
Le processus de neurogenèse adulte a en effet été détecté voilà une dizaine d'années, à partir de l'étude du cerveau du canari. En observant que cet oiseau chantait une chanson différente chaque année, il a été mis en évidence que les neurones responsables de la chanson mouraient et, au printemps, sous l'influence hormonale, de nouveaux neurones apparaissaient, s'intégraient dans le système et lui permettaient d'entonner une nouvelle chanson à sa partenaire.
Chez les rongeurs, la neurogenèse adulte concerne l'olfaction ainsi que l'hippocampe, là où se situe la mémoire. Chez l'homme, elle ne semble impliquer que l'hippocampe et représente une quantité extrêmement limitée : le débat est encore très nourri sur la question de savoir si cela joue un rôle ou pas.
À cet égard, je veux rappeler qu'un certain nombre de chercheurs ont souligné la « parcellisation » des recherches quant aux modèles, aux échelles et aux méthodes utilisés. Devant le succès du séquençage du génome humain est apparue la nécessité de systématiser la recherche, de faire un effort de « Big science », pour repérer l'ensemble des neurones et de leurs contacts, en établir la cartographie, identifier toutes leurs propriétés et ainsi pouvoir simuler sur un superordinateur le fonctionnement du cerveau humain. Cela s'est concrétisé au travers du Human Brain Project, soutenu par la Commission européenne comme l'un de ses FET Flagships, les « Initiatives phares des technologies futures et émergentes ». Lancé en 2013, doté de plus d'un milliard d'euros, il a fait l'objet, en 2015, d'une véritable révolution de palais : certaines de ses orientations ont été modifiées, et sa gouvernance changée. L'idée est toujours de travailler à une multiéchelle sur le cerveau humain, c'est-à-dire depuis la molécule jusqu'au comportement, en établissant de grandes plateformes et, surtout, en associant la totalité des pays européens à l'effort de recherche. Des initiatives parallèles ont été lancées aux États-Unis et au Japon.