Intervention de Jean-Bernard Auby

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 23 février 2017 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Bernard Auby professeur à l'institut d'études politiques de paris directeur de la chaire mutations de l'action publique et du droit public et de Mme Estelle Bomberger-rivot maître de conférences chercheur à la chaire mutations de l'action publique et du droit public

Jean-Bernard Auby, professeur à l'Institut d'études politiques de Paris, directeur de la chaire mutations de l'action publique et du droit public :

Il faut convaincre davantage les juges et les préfets !

Monsieur Richard, avec la question des compétences, vous soulevez un problème difficile et important. Je vous livre quelques idées. Je ne sais pas si nous aurons le temps, l'énergie, les moyens de réfléchir davantage sur cette notion de compétences. L'historique que vous avez dressé était fort pertinent, et je me permettrai de le compléter.

Comme vous l'avez dit, avant les lois de décentralisation, la notion de compétence n'avait pas de sens puisque l'État chapeautait tout. À partir du moment où l'on s'est engagé dans cette voie, la décentralisation, on a mis en avant la notion de compétences avant de se préoccuper de leur répartition. On découvre un peu plus tard que le territoire est unique, que les problèmes d'ordre public sont liés, et que chaque fois qu'on essaie de les diviser en tranches verticales, on a le plus grand mal à parvenir à un résultat satisfaisant. D'où l'obligation de s'accommoder avec les actions communes - menées volontairement ou non -les arrangements, la contractualisation. Cela me paraît inéluctable.

Là où je vous rejoins totalement, c'est quand vous parlez d'une mésutilisation de la notion de compétence. J'irai même plus loin que vous : il me semble qu'on l'utilise au moins dans trois acceptions différentes pour désigner des objectifs, des buts - la mobilité durable, par exemple -, des domaines d'activité - la jeunesse et les sports, l'action sociale - et des instruments, des moyens d'action. Pour les juristes, c'est d'ailleurs cette dernière acception qui est la plus exacte - quels actes dans quels domaines ?

Ces trois acceptions se retrouvent alternativement dans la loi, c'est la raison pour laquelle cette notion est parfois difficile à manier. Que faire ? Je ne sais pas du tout.

L'une des difficultés que rencontre notre système territorial, c'est l'absence de hiérarchisation. Depuis qu'il a été structuré comme il l'est aujourd'hui, on a eu tendance, pour protéger la liberté des uns et des autres, à superposer les niveaux sans jamais accepter de les hiérarchiser. Il en va très différemment en Espagne, en Italie, en Allemagne, en Belgique, où le niveau intermédiaire - région, communauté autonome, Land, etc. - dispose de pouvoirs très importants sur l'échelon inférieur. Je ne plaide pas en faveur d'une hiérarchisation militaire, mais nous conservons une organisation qui consiste à superposer des niveaux sans les hiérarchiser. C'est un choix d'ordre politique, qui oblige ensuite à trouver des ajustements pas toujours très satisfaisants et qui parfois sont très compliqués à mettre en oeuvre.

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