La section des travaux publics a examiné l'ordonnance du 26 janvier 2017 sur l'autorisation environnementale unique, les deux ordonnances du 3 août 2016 sur la participation du public et l'évaluation environnementale, l'ordonnance du 21 avril 2016 sur la consultation locale des électeurs en matière d'environnement. Nous examinons également des projets et plans-programmes, selon la terminologie communautaire, comme les déclarations d'utilité publique des grandes infrastructures ou des schémas directeurs territoriaux, par exemple celui de la région Île-de-France.
J'aborderai tout d'abord la modernisation des outils de la participation du public. Le numérique ouvre un potentiel de modernisation considérable de ces mécanismes. Le succès de la consultation numérique n'est toutefois pas garanti d'avance : tout dépend de l'intérêt du public pour tel ou tel sujet. Ainsi, celle organisée sur certains textes réglementaires donne lieu à un nombre très faible de contributions, parfois deux ou trois, qui peuvent émaner de professionnels intéressés économiquement par les projets. Il ne faut pas croire que l'utilisation du numérique garantit une participation massive du public.
L'ordonnance « participation » du 3 août 2016 a renforcé le recours au numérique dans l'enquête publique et dans les procédures alternatives à cette dernière. Cette extension apparaît mesurée à ce stade. Pour l'avenir, on peut se demander quelle sera l'ampleur de l'extension du numérique, avec l'éventuel remplacement de réunions publiques par de tels dispositifs. Je m'interroge sur la faisabilité d'un tel remplacement, notamment dans les zones traversées par une infrastructure linéaire, comme la ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse. Je vois mal comment l'on y parviendrait. Il me semble que la population de ces zones doit pouvoir échanger, par une rencontre physique, avec des personnes chargées de les écouter et de faire une synthèse.
Ce doute sur la possibilité d'un remplacement total des dispositifs présentiels par le numérique se double d'une interrogation sur le périmètre des enquêtes publiques, problématique très liée à l'impact physique de l'infrastructure. Pour les infrastructures linéaires, on retient les communes traversées. Pour un grand aéroport, ce périmètre est plus compliqué à définir.
Par analogie, la question s'est posée dans l'ordonnance du 21 avril 2016 sur la consultation des électeurs, texte mis en oeuvre dans le cas de Notre-Dame des Landes. Le périmètre de la consultation a été « calé » sur celui de l'enquête publique. Quel serait le périmètre d'une consultation entièrement numérique, à laquelle l'on pourrait contribuer depuis n'importe quelle région de France ou de n'importe quel pays européen ? La notion de périmètre a-t-elle encore un sens si l'on bascule vers le « tout-numérique » ?
J'en viens à l'arbitrage, en matière d'infrastructures, entre la simplification et la juxtaposition des outils. Les pouvoirs publics cherchent un équilibre adéquat entre la simplicité des procédures pour les porteurs de projets, d'une part, et l'effectivité de la participation du public, d'autre part. Cette réflexion, au coeur des rapports Duport et Richard ainsi que de l'élaboration de l'ordonnance « participation » du 3 août 2016, porte sur la « remontée » de la participation vers des phases plus en amont d'un projet ou d'un schéma. On constate également une tentation de multiplier les outils de participation à chaque étape du projet. L'ordonnance précitée comporte ainsi des outils optionnels, des outils optionnels avec validation publique et des outils obligatoires. Cette variété d'instruments peut inciter à les multiplier en pratique, ce qui peut poser question. Il n'est pas facile de concilier la simplification des procédures et l'effectivité de la participation du public. L'exercice récent, à la recherche d'un point d'équilibre, a laissé subsister une très grande juxtaposition des outils. Je ne dis pas que certains d'entre eux doivent disparaître, mais je constate que nous sommes en phase de diversification des dispositifs et que cette évolution n'a pas totalement abouti dans le sens de la simplification.
Faudrait-il fusionner des procédures qui ont été conçues comme distinctes ? Alléger les phases aval, notamment celles qui sont les plus proches de la définition finale du projet, comme l'enquête publique ? Je suis un peu perplexe sur la possibilité de se passer de certains instruments de la phase aval, qui conservent une utilité eu égard notamment à l'expropriation. Cette dernière entraîne, en effet, des contraintes très fortes sur les intéressés et nécessite de recueillir et d'analyser leur avis.
La problématique de la juxtaposition des actes d'autorisation et des procédures a été révélée par l'ordonnance du 21 avril 2016 sur la consultation des électeurs pour les projets susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement. À quel moment insérer une telle consultation dans le processus d'autorisation ? Il y avait un débat sur l'antériorité ou la postériorité de la consultation par rapport à la déclaration d'utilité publique (DUP), où l'on a pris conscience de la multiplicité et de l'éclatement des actes d'autorisation de grands projets en droit français : la DUP, acte obligatoire pour l'expropriation, ne rassemble pas pour autant toutes les problématiques d'autorisation ; la famille des autorisations environnementales, très variées, relatives à l'eau, au bruit, aux installations classées, aux espèces protégées, au défrichement, etc. que l'ordonnance du 26 janvier 2017 s'efforce de regrouper ou au moins de coordonner ; viennent aussi les autorisations d'urbanisme, relevant d'une branche du droit distincte, mais nécessaires pour les projets. Chaque procédure ainsi juxtaposée a été conçue en fonction de la préparation d'un acte administratif précis.
La question se pose aussi d'un éventuel regroupement des actes. L'ordonnance du 26 janvier 2017 y a pourvu, en matière d'environnement, avec l'autorisation environnementale unique. Elle a laissé de côté l'urbanisme, sauf pour les éoliennes terrestres. Cela peut s'expliquer par les différences entre droits de l'environnement et de l'urbanisme.
Une autre question appellerait une réflexion approfondie : quel degré de liens faut-il avoir entre les outils de participation et un acte administratif précis ? Pourrait-on regrouper ces actes ? Pourrait-on concevoir une phase de participation unifiée, qui pourrait être utile pour des actes administratifs ultérieurs ? On sortirait ainsi d'un système caractérisé historiquement par le lien entre des actes préparatoires et un acte administratif final. C'est un vaste chantier.