Intervention de Estelle Salou

Mission d'information Démocratie représentative, participative et paritaire — Réunion du 8 mars 2017 à 14h15
Audition conjointe de M. Max Roche directeur général adjoint en charge des concessions d'eiffage Mme Estelle Salou directrice adjointe au sein de la direction juridique de réseau de transport d'électricité rte M. François Tainturier directeur du design du réseau et Mme Julie Taldir chef du pôle « concertation et relations extérieures » de sncf réseau Mme Nathalie Boivin directeur juridique de vinci autoroutes et M. Christophe Boutin adjoint au délégué général de l'association des sociétés françaises d'autoroutes asfa

Estelle Salou, directrice adjointe au sein de la direction juridique de Réseau de transport d'électricité (RTE) :

Le rôle de Réseau de transport d'électricité (RTE) connaît de profondes mutations. Hier, il consistait principalement à équilibrer les flux d'électricité entre les centrales de production et le consommateur final ; aujourd'hui, avec la transition énergétique, le réseau est le siège de flux plus amples et volatiles sur l'ensemble du territoire national. Il connecte des énergies renouvelables diffuses, des consommateurs sobres, des territoires actifs en matière de politique énergétique. Le réseau français est également relié à celui de nos voisins européens afin de bénéficier des complémentarités des « mix de production » à l'échelle du continent. Grâce aux avancées technologiques et à des mécanismes contractuels ou de marché, on évolue d'un réseau de puissance à un réseau hybride « puissance et digital ».

Pour accroître les capacités du réseau, RTE a pour priorité d'optimiser les ouvrages existants, en y consacrant 70 % de ses investissements pour la période 2017-2020. Les projets d'infrastructures nouvelles restent néanmoins nécessaires, en particulier pour accompagner le développement économique et démographique des territoires. Notre schéma décennal prévoit 4 gigawatts de capacité d'accueil de production éolienne offshore, 10 gigawatts de capacité d'interconnexion, soit une augmentation des deux tiers par rapport à aujourd'hui. 25 % des opérations concernées sont des liaisons aériennes, 29 % sont des créations de liaisons souterraines et 46 % des aménagements de postes électriques de 63 000 à 400 000 volts. Au total, près de 80 % des liaisons électriques créées le seront en souterrain ou en sous-marin.

La mise en oeuvre de ces projets sera naturellement concertée avec les parties prenantes des territoires.

La concertation préalable aux projets de transport d'électricité est effective depuis 1992 : RTE fait de la bonne intégration des projets dans les territoires une condition de leur réussite. C'est dans ce cadre que nous avons récemment adhéré à la charte de participation du public publiée par le ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer en octobre 2016.

Notre défi est aujourd'hui d'être au rendez-vous de la transition énergétique. Or, les procédures applicables se sont empilées et complexifiées, allongeant les délais pour les créations de liaisons de transport d'électricité qui sont actuellement de cinq à dix ans. L'essentiel de ces délais est consacré aux processus participatifs et aux autorisations administratives, les travaux eux-mêmes ne durant que 10 à 12 mois. Nous voulons arriver, comme le préconise le Clean Energy Package de la Commission européenne, à un délai moyen de trois ans, proche de celui constaté au Danemark. Nous rationalisons les procédures, avec le soutien de l'État, en luttant contre la « surprotection » du droit français qui va souvent au-delà du droit communautaire - au reste, même les autorités européennes le déplorent, car cette « surprotection » nuit à l'image de l'Union européenne auprès de la population.

C'est pourquoi nous proposons des améliorations qui ne remettraient pas en cause les exigences de la concertation du public. Un exemple illustrera la complexité de la procédure. Le raccordement au réseau d'une source d'énergie renouvelable répond à des objectifs fixés au niveau national par la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), au niveau régional par le Schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie (SRCAE) ou le Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet). Le SRCAE est précédé, conformément à l'ordonnance « participation » du 3 août 2016, de concertations « amont » et « aval », c'est-à-dire d'une information et d'une participation du public sur les grandes orientations retenues puis sur le projet d'approbation. Dans les six mois suivant la révision ou l'adoption du SRCAE, est adopté un Schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR), qui détermine les ouvrages à créer ou à renforcer pour atteindre les objectifs du SRCAE ; là aussi, des concertations « amont » et « aval » sont prévues. Une fois lancé, le projet de raccordement lui-même nécessite différentes concertations : d'abord, sous l'égide d'un garant, une concertation visant à informer et à faire participer le public sur l'opportunité et les caractéristiques essentielles du projet, conformément à l'ordonnance précitée du 3 août 2016 ; ensuite, une concertation des élus, services et associations locales en application d'une circulaire sectorielle dite « Fontaine » du 9 septembre 2002. Des solutions alternatives sont notamment étudiées. Enfin, la demande d'approbation du projet donne lieu à une enquête publique par voie dématérialisée et sur support papier.

On voit clairement « l'effet millefeuille » de ces processus, qui ne diminuent pas pour autant les recours contentieux. Leur bien-fondé n'est pas en cause : il convient d'associer et d'éclairer le public ainsi que les autorités compétentes. En revanche, les modalités de ces processus doivent être optimisées. Nous faisons quatre séries de propositions en ce sens.

D'abord, maintenons, en amont, la concertation sous l'égide d'un garant pour les grands projets : l'expérience montre que les populations se considèrent aussi bien informées ainsi que par un débat public. Articulons aussi les concertations prévues par l'ordonnance du 3 août 2016 et les concertations sectorielles de la « circulaire Fontaine », en encadrant ces dernières dans le temps. L'organisation d'une démarche participative compte davantage que sa durée : un délai trop long nuit au projet sans garantir une meilleure acceptabilité.

Nous proposons aussi que les concertations « aval » du projet, et en particulier l'enquête publique, ne portent plus sur l'opportunité du projet et ses caractéristiques, déjà débattues en amont, pour se concentrer sur la localisation, le tracé et les impacts concrets. Il convient aussi, compte tenu de la dématérialisation des procédures, d'alléger l'enquête publique sur support papier, et de rétablir la durée maximale supprimée par l'ordonnance « participation » du 3 août 2016. Enfin, si une expertise complémentaire ou une contre-expertise a déjà été conduite en amont, dans le cadre d'une concertation, il est inutile d'y soumettre à nouveau le maître d'ouvrage en aval, sauf cas prévus par les textes, notamment en matière de dérogation à la législation relative aux espèces protégées.

Troisième point, nous suggérons des évolutions aux ordonnances du 3 août 2016 relatives à participation du public et aux études d'impact environnementales. Il convient d'abord d'encadrer la notion de projet d'ensemble, composé de sous-projets, par des critères de temps ou d'espace. L'ordonnance « participation » du 3 août 2016 donne une interprétation très extensive de la notion de projet, ce qui ne va pas sans difficultés. Autre proposition : dès lors qu'un projet d'ensemble comporte certains sous-projets appelant une évaluation environnementale et d'autres n'en relevant pas, il convient de ne pas attraire le tout à une procédure d'évaluation environnementale et à une concertation préalable, sauf si l'ensemble doit avoir des influences négatives notables sur l'environnement. Nous redoutons que les textes de l'été dernier ne soient, sur ce point, une régression pour les porteurs de projets.

Enfin, dans le cadre de l'autorisation environnementale unique, nous proposons la possibilité d'une régularisation administrative lorsqu'apparaît, au cours du projet, un élément qui n'a pas été identifié lors du dépôt du dossier et qui nécessite l'obtention d'une autorisation administrative. Au stade de l'autorisation environnementale unique, le tracé envisagé est générique ; il arrive qu'une espèce protégée soit identifiée sur le trajet détaillé par la suite, ce qui nécessiterait alors une régularisation de l'autorisation non prévue par les textes.

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