Intervention de Nathalie Boivin

Mission d'information Démocratie représentative, participative et paritaire — Réunion du 8 mars 2017 à 14h15
Audition conjointe de M. Max Roche directeur général adjoint en charge des concessions d'eiffage Mme Estelle Salou directrice adjointe au sein de la direction juridique de réseau de transport d'électricité rte M. François Tainturier directeur du design du réseau et Mme Julie Taldir chef du pôle « concertation et relations extérieures » de sncf réseau Mme Nathalie Boivin directeur juridique de vinci autoroutes et M. Christophe Boutin adjoint au délégué général de l'association des sociétés françaises d'autoroutes asfa

Nathalie Boivin, directeur juridique, Vinci Autoroutes :

Rappelons qu'un autoroutier ne porte un projet qu'après l'inscription de celui-ci dans le contrat de concession. Alors que la réglementation française en matière de démocratisation du dialogue environnemental était restée assez timide, malgré les signaux envoyés au niveau européen, le principe général de participation du public, aussi en amont que possible, a été progressivement consolidé ; on évolue de la simple application des obligations réglementaires à la prise en compte de l'intérêt de ces procédures pour la bonne marche du projet.

La participation du public recouvre trois modalités : un débat public en amont sur l'opportunité du projet, ses objectifs et ses caractéristiques principales, mais aussi sur les solutions alternatives. Ce débat public, conduit sur 15 à 19 mois, est porté par l'État et non par le constructeur ou le concessionnaire d'autoroutes.

La deuxième phase est la concertation préalable, obligatoire ou facultative, pour définir le programme de l'aménagement et recueillir les avis des parties prenantes. Le projet d'élargissement de l'autoroute A10 entre Tours et Poitiers fait ainsi l'objet d'une véritable « co-construction » : le public peut choisir les éléments qui vont composer ce programme d'élargissement. D'une durée prévue de 8 à 12 mois, la concertation devrait coûter deux millions d'euros, pour un segment autoroutier de 93 kilomètres.

Enfin, la phase d'enquête publique s'inscrit dans la continuité de vie du projet en définissant précisément les ouvrages qui le composent. Le dossier indique l'ensemble des procédures ayant abouti à ce choix, dont le bilan coût-avantage de l'ouvrage, conformément à la jurisprudence « Ville nouvelle Est » du Conseil d'État de 1971. Il est désormais possible de suspendre l'enquête publique pour apporter des modifications substantielles au projet. Celui-ci, désormais très détaillé, fait l'objet d'un avis du commissaire enquêteur s'appuyant sur celui du public. Cela peut conduire à des ajustements dans la déclaration d'utilité publique. L'enquête publique dure 10 à 18 mois selon les projets, pour un coût de 100 000 à 200 000 euros.

L'élargissement de l'autoroute entre Tours et Poitiers traversant à la fois des zones urbaines et des terrains agricoles, nous avons imaginé une division en « îlots de concertation » traités par des groupes de travail réunissant élus et acteurs locaux, pour une première phase d'études de contexte, et une seconde phase d'ateliers thématiques. 5 000 personnes ont participé à l'espace interactif ouvert sur Internet pour le projet, qui a recueilli 670 contributions écrites.

Les derniers textes réglementaires marquent une nette accélération de la prise en compte de l'avis du public dans la définition et l'exécution des projets. Vinci Autoroutes partage les objectifs de ces obligations, mais ne considère pas le débat public comme un « gage de tranquillité » ; à ce stade, le projet n'est pas assez avancé dans la détermination des impacts environnementaux et des blocages humains. Au-delà des textes, il est opportun de rechercher l'adhésion du public en se montrant volontaire et innovant. La concertation doit en premier lieu être sincère. La nouvelle réglementation facilite l'intervention de la Commission nationale du débat public (CNDP) ; le recours au garant est également une avancée.

En revanche, quelques écueils importants persistent : le développement de la concertation ne peut pas être accompagné d'une réduction des délais. Aujourd'hui, les études d'impact comportent des éléments absents en 1976 : la contre-expertise de l'évaluation socio-économique, introduite en 2013, les mesures compensatoires à localiser, ou encore la doctrine de l'autorité environnementale. L'État, en tant qu'il édicte des normes, doit se mettre en cohérence avec le calendrier des projets et ces nouvelles obligations.

Le niveau d'études très poussé demandé pour le dossier de déclaration d'utilité publique impose de lourdes exigences aux services instructeurs, avec pour conséquence des délais de traitement plus longs. Le temps trop important qui sépare les procédures de démocratie participative de la mise en oeuvre du projet remet en cause la légitimité de ce dernier : le public, dans la phase d'enquête, peut être tenté de rouvrir le débat sur son opportunité. Les projets sont également vulnérables aux changements de réglementation.

Enfin, assimiler les concessionnaires autoroutiers à des entités adjudicatrices, soumises aux règles de la commande publique, ajoute six à sept mois au processus pour le choix des prestataires et l'attribution des contrats.

Autre écueil, la tentation de systématiser le débat public pour les projets de moindre importance, ce qui complexifie les démarches. Il faut faire confiance au volontariat et à la capacité d'adaptation des aménageurs, qui ont intérêt à obtenir l'adhésion du public.

Enfin, nous constatons l'accumulation d'une myriade de textes que les services instructeurs ne savent plus comment appliquer. Ainsi, des concepts très généraux comme la notion « d'impact » font parfois l'objet d'interprétations divergentes.

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