Quelles sont les forces et les faiblesses de la place de Paris dans la compétition européenne pour attirer les établissements financiers ?
Parmi les points forts, la France est un pays à économie avancée, avec des grands groupes internationaux, mais aussi des start-up et un savoir-faire développé, profond et international. Un deuxième atout, qui concerne davantage la place de Paris que le reste de la France, est la profondeur du marché du travail en matière de compétences économiques, financières et bancaires, ainsi que la profondeur du marché des bureaux. La région parisienne est la première place de bureaux européenne de par sa position géographique centrale en Europe. De plus, le marché du logement à Paris, vu de Londres, est particulièrement facile d'accès.
La France a d'autres forces, qui méritent d'être mieux connues, en particulier dans le milieu britannique. À savoir un système de santé de qualité, qui n'est pas toujours perçu comme tel en Grande-Bretagne. Et un bon système éducatif, qui n'est pas non plus toujours reconnu. Autre avantage, la régulation financière. Les autorités de contrôle et de régulation -Banque de France, Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et Autorité des marchés financiers (AMF) - sont considérées comme très professionnelles et capables de traiter des problèmes sophistiqués. Pour finir, la qualité de vie à la française - nourriture, tourisme, qualité des transports - est également perçue comme un avantage.
Parmi les inconvénients, la principale difficulté, toujours mise en avant, est la rigidité du marché du travail, dans des métiers où la flexibilité est importante : on embauche beaucoup quand ça va bien, mais on débauche beaucoup quand ça va mal. Dans le détail, notre code du travail présente une philosophie très différente de celle des autres pays européens : en France, le travail est un droit, et si un employeur décide de supprimer un poste, il doit le justifier au terme d'un long processus. Tout plan de licenciement, même en cas de mobilité interne et de départ volontaire, entraîne des délais et nécessite une autorisation administrative être mis en oeuvre. Ce dernier point choque beaucoup dans le monde anglo-saxon. Sans parler du recours devant le tribunal, qui crée une incertitude extrêmement forte.
Certes, depuis la loi de 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, les délais sont beaucoup mieux encadrés. Il n'en reste pas moins que le processus est long et coûteux, même pour de petits plans. Par exemple, une banque étrangère de petite taille qui souhaite supprimer vingt postes doit engager au minimum 500 000 euros, sans compter les délais. Le coût de ces suppressions d'emplois en France représente deux à trois ans de salaire dans les métiers financiers, contre environ un an sur une place anglo-saxonne.
J'insiste sur le risque juridique, qui est très mal perçu dans les pays anglo-saxons. Non que les tribunaux administratifs fassent mal leur travail, mais ils ont annulé récemment des plans de Barclays ou AIG pour des raisons juridiquement très fondées, mais de pur formalisme. Dans l'un des cas, seule était en cause la validité des signataires parmi les délégués syndicaux.
HSBC a également engagé un plan social et a convoqué par voie d'huissier un certain nombre de représentants au comité d'entreprise en vacances pour éviter tout risque. C'est dire le niveau de formalisme, et donc de risque, que le droit du travail français fait peser sur des réorganisations, même mineures.
Autre point de faiblesse que vous connaissez bien, le niveau des charges sociales, surtout dans leur partie déplafonnée. S'il est logique que les charges sociales soient plus élevées dans un pays où la santé et l'éducation sont gratuites, on comprend mal qu'elles soient déplafonnées. Ce n'est pas tellement un problème de coût du travail, car le niveau des salaires en France est très inférieur à ce qu'il est en Grande-Bretagne. Tout compris pour l'entreprise, le coût total est quasiment le même. Simplement, le salarié gagne moins au bout du compte.