Alors qu'au début du XXe siècle la France fait face à d'importants besoins en matière d'électrification du territoire, un fonds est créé en 1936 afin d'aider les collectivités rurales à financer leurs travaux de construction de lignes électriques : le fonds d'amortissement des charges d'électrification (Facé).
Transformé en 2011 en compte d'affectation spéciale (CAS), le Facé est désormais intégré au budget de l'État et ses crédits votés par le Parlement en lois de finances. C'est un sujet qui fait toujours l'unanimité à la commission des finances, et je vous en remercie.
Chaque année, le Facé permet ainsi de financer des travaux indispensables à l'amélioration de la qualité des réseaux publics de distribution d'électricité des communes rurales.
Doté d'un montant de 377 millions d'euros reconduit annuellement, le Facé est financé par une contribution d'un taux faible assise sur le nombre de kilowattheures distribués, qui permet une péréquation entre les territoires au profit des communes rurales.
Plus de quatre-vingts ans après la création du Facé et six ans après la création du compte d'affectation spéciale, j'ai souhaité réaliser un bilan de la gestion et de l'utilisation des aides qu'il finance et identifier les pistes possibles d'amélioration de cet instrument.
À cette fin, j'ai effectué deux déplacements dans les départements des Pyrénées-Atlantiques et de la Corse-du-Sud à la rencontre des acteurs locaux qui gèrent les aides du Facé et envoyé un questionnaire à l'ensemble des syndicats d'électrification pour recueillir leur avis sur la gestion de cet outil. J'ai reçu 51 formulaires de réponses qui ont permis de nourrir les réflexions et les propositions de mon rapport.
À l'issue de ces travaux, je tiens tout d'abord à souligner que le Facé constitue un outil indispensable d'aménagement du territoire au profit du monde rural qu'il convient de conserver.
La récente tempête qui a touché le Sud-Ouest du pays et privé 200 000 foyers d'électricité est là pour rappeler que la sécurisation des lignes électriques, en particulier de ce qu'on appelle les fils nus de faible section, est essentielle pour faire face aux intempéries et assurer aux usagers une alimentation électrique continue et de bonne qualité.
Surtout, les besoins de travaux d'électrification rurale, qu'il s'agisse du renforcement, de la sécurisation, de l'enfouissement ou de l'extension des lignes demeurent importants. Il faut donc maintenir un haut niveau d'investissement.
Mais pérenniser le Facé ne veut pas dire ne rien changer pour autant.
Au cours du contrôle que j'ai mené, j'ai identifié certaines difficultés rencontrées par les syndicats dans la gestion quotidienne des aides qui m'amènent aujourd'hui à vous soumettre plusieurs propositions d'amélioration de cet instrument.
Mes propositions s'articulent autour de trois grands axes. Premièrement, la répartition des aides pourrait mieux prendre en compte la réalité des besoins des territoires ruraux.
Actuellement, pour pouvoir bénéficier des aides du Facé, les communes doivent être classées en régime rural de distribution d'électricité. Ce classement s'opère sur la base de critères essentiellement démographiques : sont considérées comme rurales les communes de moins de 2 000 habitants qui ne sont pas comprises dans une unité urbaine de plus de 5 000 habitants.
Or, l'application de ces seuls seuils démographiques est trop restrictive et conduit à exclure des aides du Facé certaines communes qui présentent pourtant exactement les mêmes caractéristiques rurales que les communes éligibles en termes d'habitat dispersé et donc de contraintes de distribution d'électricité.
Des dérogations peuvent être accordées par les préfets mais sur la base de critères flous, qui leur laissent une large marge d'appréciation. Je propose donc de compléter ces seuils par un critère de densité de population, qui permettrait de mieux appréhender le caractère rural ou urbain des communes. Ceci vise également à prendre en compte la situation des communes nouvelles issues de la fusion de communes rurales et qui risquent de perdre leur éligibilité aux aides du Facé à compter des prochaines élections municipales de 2020.
La répartition des aides du Facé s'effectue en fonction d'un inventaire des besoins de travaux d'électrification rurale réalisé tous les deux ans dans les départements. Cet inventaire se fonde sur les données du concessionnaire Enedis, qui utilise à cette fin un outil de modélisation. Or, un grand nombre de syndicats consultés m'ont indiqué constater des écarts parfois importants entre ces données statistiques et les mesures réelles qu'ils effectuent sur le terrain de la qualité de l'électricité distribuée.
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit désormais que les gestionnaires de réseaux soumettent leurs données, pour approbation, aux syndicats et prennent en compte les mesures réalisées par ces derniers. Il conviendra de s'assurer que cette nouvelle procédure est bien respectée à l'occasion de l'inventaire de 2017.
Deuxièmement, une gestion plus souple et plus efficace des aides en cours d'année pourrait être encouragée.
Après les difficultés rencontrées lors de la mise en place du compte d'affectation spéciale en 2012, puis du déménagement du Facé dans les locaux du ministère de l'environnement en 2014 qui ont conduit à de nombreux retards de paiement, les délais d'instruction et de paiement des aides se sont normalisés. Le fonctionnement global du Facé est donc satisfaisant.
Plusieurs améliorations sont néanmoins possibles. Tout d'abord, la date de notification aux bénéficiaires des droits à subventions pourrait être avancée à février pour permettre aux syndicats d'établir plus rapidement leurs programmes de travaux. De même, le versement prévisionnel de crédits octroyé lors du lancement des travaux pourrait être porté à 30 % afin d'éviter que les syndicats soient confrontés à des problèmes de trésorerie trop importants.
Par ailleurs, de nombreux syndicats ont souhaité une plus grande transparence dans la manière dont les aides sont calculées et réparties. Il conviendrait en effet que les services du Facé leur communiquent les résultats de l'inventaire ainsi que les modalités de calcul et de répartition des enveloppes d'aides.
Enfin et surtout, une plus grande souplesse dans l'utilisation des crédits du Facé pourrait être autorisée. Ces crédits sont actuellement répartis par sous-programmes, qui correspondent à des catégories de travaux. Sauf exception, il n'est pas possible pour un syndicat qui a consommé l'ensemble des aides d'un sous-programme de financer les travaux de cette catégorie en utilisant les crédits d'un autre sous-programme.
Or, la diversité des situations locales est difficile à appréhender lors de la conduite de l'inventaire ce qui complique la juste répartition des crédits entre enveloppes en fonction des besoins. Je propose donc d'autoriser une certaine fongibilité des crédits, en la limitant par exemple à 30 % du montant de chaque enveloppe afin d'éviter tout déséquilibre.
Troisièmement et enfin, l'information des syndicats quant à l'efficacité de l'utilisation des aides pourrait être améliorée.
Les services du Facé réalisent plus d'une vingtaine de contrôles par an de l'utilisation des aides par les syndicats. Compte tenu des moyens matériels et humains de la mission, ce rythme paraît satisfaisant.
En revanche, les syndicats disposent de peu d'informations quant aux résultats de ces contrôles et à la manière dont ils se situent, en termes notamment de coût des travaux, par rapport aux autres départements.
Je propose donc que les services du Facé leur communiquent les données dont ils disposent quant aux coûts moyens des travaux effectués, présentés bien entendu en fonction d'une typologie de communes (taille, situation géographique, classement en zone de montagne, etc). Il conviendrait également qu'un bilan de l'efficacité de l'utilisation des aides soit réalisé et rendu public, par exemple tous les cinq ans.
Pour finir, mon rapport fait un peu de prospective pour s'intéresser à la question de l'avenir du Facé. Comme je l'ai rappelé en introduction, compte tenu des besoins importants qui demeurent, l'investissement dans la qualité des réseaux électriques doit rester prioritaire. À cet égard, je considère que la spécificité de la situation des zones non-interconnectées (ZNI), c'est-à-dire de la Corse et des départements et collectivités d'outre-mer, devrait être mieux prise en compte dans le calcul et la répartition des aides du Facé.
Ce constat ne doit pas empêcher de s'interroger sur les nouveaux usages qui pourraient être faits, à moyen terme, des crédits du Facé. Certains syndicats étant engagés dans une démarche très volontariste de sécurisation de leurs réseaux auront à l'avenir moins de besoins.
Le Facé pourrait ainsi soutenir, à l'avenir, des investissements favorisant la transition énergétique dans les territoires ruraux, comme par exemple la rénovation de l'éclairage public, le raccordement des énergies renouvelables au réseau électrique ou encore le déploiement des bornes de recharge pour les véhicules électriques. Cela irait dans la logique qui sous-tend cet instrument : permettre à tous les citoyens, où qu'ils habitent, d'avoir accès à des infrastructures énergétiques de qualité.
Je ne doute pas que la commission des finances du Sénat, qui est sensible à la cause rurale, verra d'un bon oeil les recommandations que je formule pour continuer à faire vivre ce bel instrument d'aménagement du territoire qu'est le Facé.