Madame la Présidente, je vous remercie d'avoir accepté de proposer ce déplacement à Troyes. J'ai voulu vous montrer qu'après avoir perdu 25 000 emplois, un département peut repartir en misant sur l'enseignement supérieur et la recherche. Il y a 25 ans, le département de l'Aube, accompagné des autres collectivités, a décidé de créer une université qui forme des ingénieurs. Aujourd'hui, l'Université de Technologie de Troyes accueille 2700 élèves-ingénieurs par an et une école doctorale avec 200 étudiants. Deux autres écoles d'ingénieurs, l'Ecole Polytechnique Féminine (EPF) et bientôt l'Ecole Spéciale des Travaux Publics (ESTP), sont implantées à Troyes où l'école supérieur de commerce connaît également un nouveau dynamisme. Autour de ce campus, nous avons créé une technopole où sont accompagnées des start-ups. L'objectif est de créer un environnement favorable à la création et à l'innovation, profitable aux entreprises existantes, ainsi qu'aux entreprises qui se créent. Le lien entre les entrepreneurs et les laboratoires de recherche peut ainsi se construire plus facilement. Notre journée a commencé par la visite de l'usine de l'entreprise Levisys dont la construction a été accompagnée par le département - il en avait le droit avant la loi NOTRe-. Cette unité de production représente un investissement de près de 7 millions d'euros pour le département. L'entreprise est spécialisée dans la création de volants d'inertie capables de stocker l'énergie électrique. Les salles de production que nous avons visitées étaient relativement vides car l'entreprise vient de finaliser la production de dix volants d'inertie qui ont été envoyés à Toulouse pour fluidifier la production d'électricité d'une zone d'activité (Smart ZAE) autour de l'éolien et du solaire. Levisys prévoit une recapitalisation afin d'obtenir de nouveaux marchés, notamment à l'international.
Nous avons poursuivi notre visite par la technopole de l'Aube qui attire plusieurs porteurs de projets qui sont aidés et accompagnés, notamment par des bénévoles. La technopole rassemble également une pépinière d'entreprises, un hôtel d'entreprises et un hôtel de bureaux. Nous avons actuellement une divergence d'appréciation avec la Préfète sur les conséquences de la loi Notre : à mes yeux, l'hébergement de ces entrepreneurs ne peut être assimilé à une aide économique car le département perçoit bien un loyer pour cette prestation. J'ai d'ailleurs évoqué le sujet avec le Président de la République lors d'un déplacement officiel en Amérique du Sud.
La matinée s'est clôturée par la visite des laboratoires de l'Université de Technologie de Troyes dont le département a initié et suivi la construction. Nous en sommes à la deuxième extension. Bien qu'étant une université d'État, c'est le département qui en a été le maître d'ouvrage. Les laboratoires y accueillent des travaux de recherche de niveau mondial. Nous avons notamment été reçus au sein du laboratoire de nanotechnologie où nous avons pu découvrir plusieurs innovations intéressantes.
Nous nous sommes rendus ensuite au Conseil départemental pour y rencontrer plusieurs chefs d'entreprises du département qui ont évoqué certaines difficultés bien connues de notre délégation comme les effets de seuils. Mais certains entrepreneurs nous ont également fait part de difficultés nouvelles et spécifiques.
Les secteurs du textile et de la viticulture étaient représentés aux côtés des secteurs de l'environnement et des jeux vidéos. Étaient également présents à la table ronde des représentants du Centre des jeunes dirigeants et des Business Angels qui ont notamment insisté sur la nécessité de veiller à la continuité de la chaîne du financement, afin que les entrepreneurs ne soient pas abandonnés, notamment lors du passage à la phase industrielle. A également été évoquée la question des relations entre grands groupes et PME, celles-ci étant parfois considérés comme de simples proies économiques.
Une jeune entreprise spécialisée dans la réalité augmentée nous a fait part de l'intérêt du travail à proximité des laboratoires de recherche et de la nécessité d'accueillir de jeunes ingénieurs en stage.
Les entreprises présentes nous ont fait part de leur incompréhension face aux changements de modalité et d'intensité des contrôles en fonction des textes, de leurs interprétations et des interlocuteurs administratifs. Les viticulteurs nous ont cité l'exemple des unités de pressurage pour le compte de tiers : le calcul des taxes foncières sur les propriétés bâties semble varier selon les interprétations plus ou moins facilitatrices, avec une requalification par l'administration des locaux, y compris ceux utilisés par l'entreprise pour son seul usage.
L'entreprise Festilight, une très belle société spécialisée dans la décoration et l'illumination, a regretté que les classifications retenues par les douanes soient, à son égard, complexes et changeantes. La manière d'appliquer les normes en France leur apparaît comme pénalisante par rapport aux usages dans d'autres pays ou par rapport à d'autres entreprises -en l'espèce il s'agissait de la classification délimitant les matières plastiques des matières assimilables au caoutchouc ! La France semble se distinguer par son sérieux dans l'application des normes ! C'est dommage car c'est une entreprise particulièrement performante.
Nos interlocuteurs nous ont également soumis quelques propositions. Le directeur de la technopole, M. Francis Bécart, nous a suggéré le versement de 1000 euros sur 24 mois à chaque jeune souhaitant travailler sereinement son projet de création d'entreprise. Il s'agirait d'une avance remboursable et non d'une subvention. L'idée est sympathique, même si sa faisabilité reste à expertiser. Les difficultés d'installation sont toutefois réelles : à l'heure actuelle, je connais des jeunes qui ne perçoivent le RSA que pour pouvoir travailler sur leurs projets.
Il a également suggéré la création d'une filière « Etudes Entreprendre » à l'image de l'ancienne filière « Sports Etudes ». Je suis réservé sur cette option concernant le second degré mais la suggestion est intéressante. Pour le directeur de la Technopole, ce système permettrait de repérer les talents associés à un esprit d'entreprise, qui ne sont pas nécessairement ceux qui sont doués pour les études académiques.
L'innovation existe aussi au conseil départemental qui a créé une Société Publique Locale (SPL), présente dans huit départements du Grand Est, qui, à des conditions économiques extrêmement avantageuses, propose à plus de mille cinq cents collectivités sur une vingtaine de services, notamment fondés sur le numérique et la dématérialisation, comme la signature ou le parapheur électronique. L'innovation n'est pas réservée aux entreprises : elle concerne également nos collectivités et il y a encore beaucoup de progrès à faire !