Ce point d'étape réalisé par notre présidente et Olivier Cadic est très important. Ils ont abordé le sujet sous tous les angles, sans occulter la responsabilité des parlementaires. Il ne faut pas tant nous pencher sur les détails que sur les grands principes. Notre système normatif devrait davantage reposer sur une obligation de résultat vis-à-vis des entreprises.
A titre illustratif, des équipements de petite enfance de ma commune, pourtant normés jusqu'au portillon pour éviter que les enfants ne se pincent les doigts, comportaient un verrou qui était une vraie guillotine pour les doigts. Au lieu de remettre un rapport à la Commission de sécurité, passée pour vérifier le respect des normes, j'ai directement sollicité le service compétent afin de changer le verrou. Si j'avais fait un rapport à la Commission de sécurité, il y aurait certainement eu une nouvelle norme sur les verrous, alors que l'on recherche davantage une obligation de résultat qu'une nouvelle norme. C'est la même chose pour les entreprises, qui sont de plus souvent confrontées à des normes contradictoires.
Pour les équipements scolaires, deux visites de sécurité sont obligatoires : celle que réalise le maire, et celle du ministère de l'éducation nationale. Ces visites donnent souvent des résultats contradictoires, qui doivent ensuite être tranchés au cours d'une réunion entre les deux commissions. En définitive, les écoles sont parsemées de barrières et de portillons, et finissent par ressembler à des camps de concentration. On nous indique même qu'une classe d'âge serait potentiellement dangereuse pour les autres, et qu'il ne faut pas mélanger les enfants entre eux. Ces excès, qui n'existaient pas dans mon enfance, me semblent significatifs du problème.
Concernant le compte pénibilité, en dépit de nos divergences en séance pendant l'examen de la loi Travail, nous sommes tous d'accord sur les grands principes. En revanche, nous n'arrivons pas à nous accorder sur les modalités d'application concrètes des textes, qui sont inadaptées aux petites entreprises.
Vous avez aussi évoqué la difficulté du travail parlementaire. Jeune sénateur, j'ai été surpris par la teneur des premiers débats auxquels j'ai assisté, ainsi que par le nombre d'amendements ne concernant pas les textes en cours de discussion. Nous devons contraindre les assemblées à se concentrer sur l'essentiel : les résultats, qui responsabilisent, et non les normes, qui déresponsabilisent les acteurs. Il en va de même pour les normes européennes. J'en ai fait l'expérience avec les statuts de l'Association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) : pour rédiger une ordonnance, qui ne devrait contenir que deux lignes, nous occupons trois pages. Il m'a en outre fallu une vingtaine d'auditions, souvent contradictoires, pour arriver à comprendre le contenu de cette ordonnance, qui a nécessité trois ans pour sa rédaction.
Avec humour, Olivier Cadic a su nous intéresser au sujet. Nous devons maintenant nous mettre sérieusement au travail, sans polémique, et nous pencher prioritairement sur le travail parlementaire. La première chose à faire est sans doute de limiter le nombre de textes. Je travaillais précédemment dans le domaine du funéraire où, en cinq ans, les fondamentaux de la profession ont été transformés trois fois. Notre collègue M. Jean-Pierre Sueur avait proposé une loi, sans consulter le monde professionnel, qui était au départ totalement inapplicable, et qui a ensuite été modifiée plusieurs fois pendant une dizaine d'années avant de se stabiliser dans une forme convenable. Ce résultat aurait pu être immédiatement atteint si les professionnels avaient été consultés dès le départ. Les personnes concernées doivent donc être davantage associées à l'élaboration des textes. En ce qui concerne le monde du travail, c'est d'abord les branches professionnelles qui doivent être consultées. Chaque profession pourrait ainsi mieux s'organiser tout en assumant sa responsabilité sur la base d'une obligation de résultat et non pas sous la contrainte de normes.