Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 22 mars 2017 à 15h00
Institutions européennes — Échange avec une délégation de la commission des affaires étrangères et des affaires de l'union européenne du sénat polonais

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

Je me réjouis que les réformes que nous proposons pour rénover l'Union européenne vous agréent. Je ne souhaite pas que cette refondation nous amène à sa fragmentation. L'union des 27 est plus que jamais nécessaire. Votre ambassadeur, ainsi que celui de Hongrie, étaient plutôt opposés à l'idée d'une coopération renforcée. Nous la prônons depuis longtemps, contrairement à l'Allemagne. Mais si nous n'y avons pas recours, l'Europe sera frappée d'immobilisme. La coopération renforcée n'est pas un club fermé : elle doit permettre à tout pays qui le souhaite de participer à cette montée en puissance. Je vous ai donné l'exemple du brevet communautaire, mais nous aurions pu également évoquer les divorces transfrontaliers. Enfin, la taxation sur les transactions financières a beaucoup de mal à émerger. Ces coopérations ne sont pas le ferment d'une fragmentation de l'Europe. Il s'agit plutôt d'une approche incitative. Demain, la Pologne pourra proposer une coopération renforcée à divers pays, que la France ne voudra pas nécessairement rejoindre dans l'immédiat.

Pour ce qui concerne la religion, notre approche est certes différente. Depuis 1905, la France refuse de mettre sur la place publique les appartenances religieuses. La laïcité, c'est le droit de croire ou de ne pas croire, et surtout le devoir de ne pas l'afficher. En revanche, nous ne sommes pas un pays opposé aux religions.

Les cartons verts, c'est-à-dire le droit d'initiative, sont très importants. Ne cantonnons pas les Parlements nationaux dans la posture négative des cartons jaunes ou rouges. Dans notre rapport, nous proposons que les Parlements nationaux se retrouvent en tant que de besoin à Strasbourg pour inciter Bruxelles à se saisir de divers sujets.

Mon département a accueilli l'EPR et je suis favorable au nucléaire pour deux raisons : la France a une réelle expertise en la matière et c'est une énergie qui n'émet pas de CO2. Grace à l'ASN, notre pays a atteint un haut niveau de qualification et de sécurité, même si nous ne sommes jamais à l'abri d'un accident.

Quelques temps avant Fukushima, Mme Lauvergeon, présidente d'Areva à l'époque, avait suggéré à ses homologues japonais de procéder à des aménagements techniques assez peu onéreux qui auraient permis d'éviter cet accident.

Nous avions proposé une harmonisation de l'ASN au niveau européen mais les professionnels de cette filière m'en ont dissuadé car ils craignaient que cette harmonisation ne conduise à l'abaissement des standards français.

Il ne faut pas se faire d'illusion sur le niveau de protection sociale élevée en France : nous n'avons plus les moyens d'assumer les prestations actuelles. Avec plus de 2 000 milliards de dettes, nous allons devoir déplacer le curseur.

Concernant la grande distribution et les optimisations fiscales, vous avez mille fois raison. Chez nous aussi, c'est un énorme problème. Si notre agriculture est en pleine crise, c'est en grande partie parce que le partage de la valeur ajoutée est totalement déséquilibré en faveur de la grande distribution.

Ces échanges nous permettent de nous exprimer librement, de casser certains stéréotypes. La France respecte beaucoup la Pologne car elle connaît son histoire et ses drames. Nous vous trouvons parfois un peu rudes dans la discussion, mais vous êtes des partenaires essentiels dans le fonctionnement de l'Union. Le couple franco-allemand est nécessaire ; il représente 45 % du PIB de l'Union. Il permet l'agrégation des autres partenaires. Les Italiens et les Espagnols se sentent parfois humiliés de ne pas faire partie du cercle : il faut les entendre.

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