Intervention de Mathieu Darnaud

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 15 mars 2017 à 9h05

Photo de Mathieu DarnaudMathieu Darnaud, rapporteur :

Cette mission a cherché à se placer au plus proche des territoires, à l'écoute des élus et des services de l'État. Avec les collègues qui se sont joints à nous pour de nombreux déplacements, nous avons pu faire un zoom sur l'élaboration très récente des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI), sur l'évolution des communes nouvelles, sur celle du couple département-région, notamment à la suite de la fusion de ces dernières - pour certaines d'entre elles par trois - et sur la réorganisation des services de l'État. Nous nous sommes déplacés dans l'ensemble des régions fusionnées, notamment. Cette mission a débuté il y a presque un an et demi.

Le paysage intercommunal, d'abord, témoigne d'une réelle disparité entre les territoires. Chaque territoire s'est approprié les textes de façon différente. Il fallait bien éviter les écueils, les vides juridiques, une forme d'impréparation, pour beaucoup d'élus, face à tout ce qu'il fallait mettre en oeuvre, notamment pour les fusions d'intercommunalités.

Les préfets ont joué un rôle important. Dans certains départements, ils ont été très ambitieux, dépassant le cadre de la loi NOTRe et faisant parfois naître aux forceps les intercommunalités. À Toulouse, lundi, un président d'une intercommunalité de 144 communes ayant fusionné 5 intercommunalités nous racontait ainsi que 88 % des maires avaient voté contre la fusion, mais que le préfet était passé outre ce vote.

Aujourd'hui, la situation intercommunale ne respecte plus l'esprit initial du législateur, selon lequel les communautés de communes étaient l'outil ayant vocation à couvrir les territoires ruraux, les communautés d'agglomération, les communautés urbaines et les métropoles étant adaptées au fait urbain. Il y a lieu de s'interroger sur les compétences de ces différents types de structures. En effet, des agglomérations, des communautés urbaines et même des métropoles comprennent désormais des espaces ruraux significatifs.

En termes d'exigence démocratique, la question de la gouvernance commence à devenir un sujet de préoccupation. Les intercommunalités « XXL », dépassant 40 communes, ont des conseils communautaires pléthoriques qui remettent en question le lien avec les communes et nos concitoyens.

Autre question, celle de l'initiative laissée aux élus. Il y a certains SDCI dont l'efficience n'est pas prouvée et qui sont anxiogènes pour les élus - ceux-ci ont le sentiment de perdre en proximité et ne se reconnaissent pas dans les nouveaux périmètres parfois très vastes et sans centralité affirmée. Le calendrier trop contraint a été souvent dénoncé par les élus comme pouvant être un frein à la prise en charge de très nombreuses compétences - urbanisme, eau et assainissement, gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) - excusez du peu !

On ne peut plus fonctionner comme autrefois, lorsque les périmètres étaient plus petits et la démographie moins importante, notamment avec le cadre régional devenu beaucoup plus large. Autant de questions auxquelles devront être apportées des réponses concrètes. Il faut donner un peu plus de marge aux élus. La marche forcée a ses limites et peut être contre-productive, comme on l'a vu concernant la Gemapi en Haute-Garonne.

Une clarification des compétences est nécessaire. Les seuils doivent être revus. Le contenu des différentes intercommunalités doit être redéfini. La volonté d'aller à tout prix vers la métropole a trouvé ses limites : passées à 15, puis à 22, les métropoles n'ont plus aucune raison de ne pas se multiplier, Limoges et Angers, par exemple, pouvant réclamer ce statut ; paradoxalement, cela inquiète maintenant les promoteurs du fait métropolitain eux-mêmes, comme en témoigne notre rencontre avec le président de France urbaine lui-même, qui veut s'en tenir à 22 métropoles.

En conclusion, je dirai que les sources d'inquiétude sont nombreuses. Sans remettre en cause le paysage intercommunal, si des regroupements sont douloureux, disparates - comme en Savoie, où une petite communauté de communes comme le Massif des Bauges doit se réunir à une grande communauté d'agglomération -, il ne faut pas s'interdire de déroger aux schémas. Il faudra continuer à observer avec rigueur le paysage institutionnel assez brouillé. Nous ne souhaitons pas un nouveau big bang territorial, ni bouleverser ce qui marche bien. Mais nous voulons assurer la cohérence et l'efficience des intercommunalités.

Il est grand temps de donner l'initiative aux élus. L'observation le prouve : là où tout se passe bien, c'est là où les élus et le préfet étaient en concordance. Heureusement, c'est vrai dans la majorité des cas. À chaque fois que le schéma est contraire à la logique des territoires, nous craignons fort que l'expérience soit douloureuse dans le temps.

Les communes nouvelles sont le phénomène qui illustre le plus la diversité territoriale. En Maine-et-Loire, des ensembles de 20 communes ont fusionné et le nombre total des communes du département est passé de 303 à 186 communes. C'est vrai aussi dans la Manche, plus globalement dans l'Ouest, beaucoup moins dans le sud, l'Est et le Sud-Est.

En France, 1 760 communes ont fusionné en 2015 et 2016 pour créer 517 communes nouvelles. Ce n'est pas neutre, mais on ne peut pas parler de généralisation. Les dispositions financières ne sont plus la principale motivation, comme cela pouvait être le cas par le passé. C'est souvent une logique défensive, au sein de grands ensembles intercommunaux, sauf dans l'Ouest, où une proximité géographique, avec par exemple un tissu associatif commun, incite les communes à fusionner. Dans des territoires très ruraux, deux ou trois communes peuvent vouloir fusionner pour continuer à fonctionner, mais souvent avec la volonté de ne pas aller au-delà d'une simple addition des conseils municipaux - dans ces cas-là, la déception promet d'être sévère après 2020.

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