Je salue la présence parmi nous de notre collègue Patrick Masclet, président de l'association des maires du Nord. Les préfets, les présidents de région ou d'intercommunalité ont beaucoup apprécié la démarche de notre commission, ce dont témoigne l'accueil chaleureux que nous avons rencontré partout.
Concernant les nouvelles grandes régions, nous avons fait une vingtaine de déplacements en Bourgogne-Franche-Comté, en Normandie, dans le Grand Est, en Nouvelle-Aquitaine, en Auvergne-Rhône-Alpes, dans les Hauts-de-France et en Occitanie. Le défi de la territorialisation de l'administration régionale à cette nouvelle échelle est considérable. Globalement, il est en train d'être relevé.
Dans le Grand Est, si Strasbourg est le chef-lieu de la nouvelle région, Metz conserve le siège de l'assemblée régionale et Châlons-en-Champagne voit se réunir le conseil économique, social et environnemental régional (Ceser).
Douze agences ont été mises en place sur les dix départements que compte la région, dans des lieux facilement identifiables, accessibles, et comptant une trentaine d'agents chacune, avec des compétences aussi variées que le patrimoine immobilier, les ressources humaines, le transport urbain et interurbain, administrant en moyenne 450 agents et vingt lycées. C'est une organisation ingénieuse, qui n'a nécessité aucune mutation forcée du personnel régional. La réponse locale commence à être considérée comme efficace.
Le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) est l'occasion d'une vraie discussion avec les nouvelles intercommunalités. Les élus sont en général satisfaits, mais ils regrettent un délai trop court. Il n'y a pas de contestation sur le développement économique. Lundi dernier, nous avons demandé à M. Jean-Luc Moudenc, président de Toulouse Métropole, s'il avait rencontré des difficultés à intégrer sa stratégie au schéma régional ; il nous a répondu : « aucun problème ! ». Cela ne se passe donc pas si mal que cela, y compris dans les rapports entre région et métropole. Le pire n'est jamais sûr !
Le Sraddet est intéressant, surtout si les délais sont desserrés par le Gouvernement - je m'emploie à l'en convaincre. C'est le lieu d'un véritable dialogue avec le territoire élargi et les nouvelles intercommunalités. Mais, pour qu'il soit réussi, il faut une coordination des politiques régionales au niveau des différentes intercommunalités.
Sur le transport scolaire, ayant été rapporteur de la proposition de loi de notre collègue Bruno Sido sur le sujet, je me suis intéressé à la manière dont cette compétence était déployée en Occitanie. Les treize départements qui composent cette région, à part l'Aveyron, ont signé des délégations de compétence. Cela va dans le sens de la position du Sénat et de la proposition de loi de M. Sido. J'ai demandé à la présidente de la région Occitanie si cela avait été l'enfer pour obtenir un tel résultat ? Pas du tout, m'a-t-elle répondu ! Là encore, les agences départementales ont été reprises par la région, dans un cadre territorialisé.
Quelles que soient les critiques sévères sur la manière dont a été fait le découpage régional - moi-même, je n'en ai pas été avare -, la réforme se met en place bon an mal an, et conformément à l'adage : « il faut faire confiance à l'intelligence des territoires. »
Une question traverse toute la discussion, sans qu'il soit, à mon sens, forcément nécessaire de réformer le mode de scrutin actuel des régions : l'ancrage territorial des élus. Je note que M. Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France (ADF), refuse le conseiller territorial. Il faudra mener une vraie réflexion sur ce sujet.
Concernant les finances régionales, je note avec satisfaction que la nouvelle compétence transport interurbain s'accompagne d'une augmentation de la part de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et d'une part supplémentaire de la TVA dans la loi de finances pour 2017. Tout le monde attend, comme la soif attend l'orange, un grand texte pluriannuel sur le financement des collectivités locales, tel qu'il avait été annoncé en début de quinquennat.
Concernant les départements, tous les interlocuteurs reconnaissent que le Sénat a eu un rôle crucial pour éviter les contradictions des textes initiaux. Il faut autoriser les délégations de compétence partout où elles sont possibles, ne pas avoir peur du contrat qui ouvre la porte à la différenciation territoriale.
Les candidats à l'élection présidentielle ont relooké en « pacte de garantie des finances territoriales » le projet de grande loi pluriannuelle sur les finances locales. Nous devons poser la question de la solidarité territoriale. Le Gouvernement voulait que les départements dépérissent, pour finalement disparaître en 2021. Le Sénat est heureusement intervenu et a clarifié les attributions du département, notamment en termes de solidarité territoriale. Les intercommunalités s'inquiètent de se voir chargées de compétences aussi lourdes que l'urbanisme, la Gemapi, l'eau et assainissement... Il faut que les départements, à côté de leur irremplaçable vocation sociale, se mobilisent pour fournir une offre d'ingénierie territoriale, aux côtés de l'État. Je me suis opposé à la secrétaire d'État chargée des collectivités territoriales sur ce point : ce n'est pas parce que vous avez rationalisé les périmètres que les capacités opérationnelles des territoires sont égales.
Je forme le voeu que la méthode que nous avons suivie pour l'évaluation, voulue par le président du Sénat, perdure dans le temps : non seulement elle maintient le lien territorial, mis à mal par l'interdiction du cumul d'un mandat parlementaire et d'une fonction exécutive locale, mais elle évite aussi le foisonnement des propositions de loi parfois inutiles.
En France, on préfère les expérimentations rapides, qu'il faudrait généraliser très vite. Je plaide, quant à moi, pour des expérimentations plus longues, sans crainte de la différenciation territoriale.