Intervention de Pierre-Yves Collombat

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 15 mars 2017 à 9h05

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat, rapporteur :

Ce qui m'a frappé le plus, lors de cette mission, c'est la capacité des territoires à digérer les réformes les plus échevelées : ils font preuve d'une capacité d'invention extraordinaire ! Cela est vrai aussi pour notre administration déconcentrée, qui s'est adaptée de la façon la plus satisfaisante possible. Attention, cependant ! Le Gouvernement, voyant que cela marche trop bien, pourrait bien être tenté de réduire les effectifs et de tout réorganiser de nouveau...

Pour éviter les aigreurs des perdants de la fusion des régions, les services régionaux de l'État ont été restructurés selon une logique multi-sites. Les sièges sont répartis entre le chef-lieu de la nouvelle région et les anciens chefs-lieux. Chaque service de l'État a conservé des sites partout. Ce n'est pas étonnant qu'avec une telle complication, le bilan soit contrasté, malgré la mobilisation du personnel, notamment de l'encadrement, et la souplesse de l'administration centrale concernée, qui a essayé de tenir compte du territoire et de faire réussir l'opération en aidant les services locaux. Le résultat est satisfaisant ; il serait dommage que cette organisation périclite à l'avenir. Or nous avons des craintes de ce côté-là.

Avec la complexité inhérente à l'organisation multi-sites, les difficultés n'ont pas manqué. Sur un même site, certains services bénéficient d'un encadrement sur place, d'autres sont pilotés par des supérieurs hiérarchiques qui se trouvent sur un autre site et, au sein d'un même service, les agents peuvent être répartis sur différents sites, en fonction de l'entité, voire de la sous-entité à laquelle ils appartiennent. Les services de l'État se sont positionnés avant même le résultat des élections régionales - on ne peut pas leur reprocher d'avoir voulu anticiper. Mais le résultat de tout cela, ce sont des déplacements nombreux, coûteux en frais, en temps et en fatigue, pour l'encadrement - mais pas seulement. La médiocrité des transports interurbains n'arrange rien. Il faut cinq heures pour aller d'un bout à l'autre de la Nouvelle-Aquitaine ! Même en Occitanie, il ne faut pas loin de trois heures pour aller de Toulouse à Montpellier.

Le point positif est que la nouvelle organisation a permis de limiter les effets liés aux restrictions budgétaires et à la baisse des effectifs par le biais des redéploiements de personnel, d'ailleurs souvent utilisés par les préfets de région pour renforcer l'échelon départemental. C'est un mouvement bienvenu, mais c'est aussi le paradoxe de la réforme, qui entend donner plus de pouvoir à l'échelon régional, mais qui contribue à réaffecter du personnel de la région au niveau départemental. La question est : jusqu'à quand ?

Les élus locaux craignent de voir les services publics de l'État s'éloigner toujours plus. La réforme a permis le maintien du niveau infradépartemental de l'administration déconcentrée. Je note ainsi que le Gouvernement a revu à la baisse son ambition de réduire le nombre de sous-préfets : seuls deux fusions et six jumelages d'arrondissements ont été réalisés à ce jour. Peut-être est-ce à cause des élections prochaines ?... Nous préférons y voir la reconnaissance implicite par le Gouvernement du rôle fondamental des sous-préfets.

Autre effet positif de la réorganisation des services : la confrontation des méthodes, des politiques, qui a permis une certaine rationalisation des choix et des pratiques. Les choses varient certes d'une région à l'autre, car il n'est pas toujours facile de concilier les « cultures » des anciennes directions.

La mise en place de l'organisation multi-sites implique un grand bond en avant numérique, pour parler comme le président Mao, ou l'apparition d'une « administration 3.0 », pour parler comme le Gouvernement. C'est une avancée bienvenue. Mais il faut que l'intendance suive, que le déploiement des outils numériques soit effectif. Or même la transmission routinière des documents et des informations n'est pas partout assurée, à cause de la faiblesse du débit dans certains territoires.

Il est difficile de faire le bilan de ce qui constitue une véritable mutation des conditions de travail. Le résultat varie selon l'implication de l'encadrement et des administrations centrales. En tout état de cause, le déploiement de ces nouveaux outils est nécessaire. Mais, si l'élan est donné, l'effort reste insuffisant. Les moyens financiers nécessaires, pour les visioconférences, par exemple, n'ont pas été mis.

Cette organisation multi-sites est-elle viable à long terme ? Tous les élus et fonctionnaires des anciens chefs-lieux régionaux s'en inquiètent. Sur ces sites, la taille critique des services n'est pas assurée. La poursuite de la réduction des budgets et des effectifs n'incite pas à l'optimisme. En outre, les fonctionnaires ont tendance à se tourner vers les nouveaux chefs-lieux, devenus plus attractifs pour leur carrière et leur sécurité.

Cela peut faire craindre un désengagement en pente douce. Si rien n'est fait, on verra peu à peu les sites éloignés du chef-lieu se vider de leur substance. Ce serait un énorme gâchis d'énergie, tant pour le personnel, les élus, les décideurs qui se sont investis. Il faut leur donner les moyens de fonctionner correctement.

- Présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente - 

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