Nous pouvons déjà le faire avec la loi actuelle, et c'est ce que nous faisons, dans le cadre des inspections en France et à l'étranger, dès lors qu'un sous-traitant, où qu'il soit, intervient dans la fabrication de pièces. Pour détecter ce type de fraude, des pouvoirs judiciaires permettant de préserver les droits de toutes les parties sont nécessaires. Je ne vois pas comment une autorité administrative indépendante pourrait se substituer à la justice.
Par contre, au plan technique, les procès-verbaux de mesures effectuées ont été probablement falsifiés, ou du moins modifiés. C'est d'autant plus facile à faire que les contrôles en question sont réalisés par un laboratoire interne à l'usine, comme dans le cas des mesures incriminées. L'une des pistes serait de demander à des laboratoires tiers de réaliser, au moins par sondage, des contrôles, de manière à pouvoir comparer leurs résultats avec le procès-verbal d'origine. Ce dernier est accessible à tout moment, puisqu'une obligation d'archivage existe. Ce serait un premier moyen de contrôle assez pratique, à ce stade du retour d'expérience. Mais nous n'en sommes qu'au début.
Nous avons privilégié les actions les plus urgentes, celles portant sur la méthode prendront plus de temps, mais elles doivent être menées. S'agissant de la loi je n'ai pas identifié de point où une amélioration serait nécessaire. Concernant le pouvoir judiciaire, nous avons été amené à réagir aux faits constatés, en faisant un signalement au procureur de la république compétent, au titre de l'article quarante du code de procédure pénale.
Au plan du retour d'expérience international, il en existe beaucoup. Je reviens sur l'origine de l'anomalie. Ces contrôles n'étaient pas prescrits par la réglementation et, surtout, les codes industriels français ou étrangers ne prévoyaient pas de les effectuer dans les emplacements où le problème a été identifié. Tout fabricant, forgeron, quel que soit son origine, n'appliquant que le code, a toutes les raisons de ne pas voir l'anomalie. Ce n'est donc pas tant un problème réglementaire, qu'un problème lié aux codes industriels incomplets. C'est pour cette raison que cela peut, potentiellement, concerner beaucoup de forgerons sur la planète. Aussi, sommes-nous d'ores et déjà en contact avec nos homologues japonais, le forgeron des fonds primaires des générateurs de vapeur les plus touchés étant japonais. De plus, nous sommes en contact avec l'ensemble des autorités de sûreté dans le monde sur cette question, car on peut avoir le même problème sur beaucoup d'autres fabrications.
Quant aux irrégularités au Creusot, une centaine de cas, parmi quatre cents anomalies, en se restreignant aux dossiers dits barrés, concernent la France, tous les autres concernent soit d'autres secteurs que le nucléaire, soit d'autres pays. AREVA a été amené à informer, sous sa responsabilité, l'ensemble de ses clients, et, de mon côté, j'ai été conduit à informer l'ensemble de mes collègues susceptibles d'être concernés par l'autre branche du problème, celle relative aux irrégularités.