Je crois que cet exercice d'auditions publiques collectives et contradictoires est important. Il fait partie intégrante de notre système démocratique. Après Fukushima, l'Office parlementaire a fait des contrôles sur pièce et sur place dans des centrales, c'est également notre rôle de parlementaires. Je suis convaincu que l'Office parlementaire doit de plus en plus faire appel, pour ses travaux, à des comités de pilotage composés à la fois de représentants de la société civile, d'experts et de scientifiques, à même d'apporter des compétences que les parlementaires n'ont pas tous, les sujets traités étant souvent complexes et techniques.
Je voudrais vous remercier d'être venus, tout particulièrement l'ASN et l'IRSN, à la création desquels nous avons contribué. Je ressens une nette évolution dans les échanges, par rapport à la précédente réunion de 2015 concernant la cuve de l'EPR. Il est vrai que les interlocuteurs n'étaient pas les mêmes. En filigrane, le message était un tout petit peu : « circulez il n'y a rien à voir, nous nous préoccupons de ces sujets ». Aujourd'hui, des sujets plus graves ont été mis en évidence, sans doute parce que nous avons une Autorité de sûreté nucléaire. Sans elle, je pense qu'ils n'auraient pas été identifiés.
Je retiens une idée importante : le système de surveillance de la fabrication - comme cela a été souligné par MM. Yves Marignac et Bernard Fontana - est améliorable. Cela signifie qu'il faut réorganiser le système de contrôle sur pièces et faire des audits plus approfondis, comme le pratiquent d'autres secteurs industriels.
Même si ce n'est pas le seul facteur, il existe quand même des phénomènes de pertes de mémoire dans des industries très techniques telles que celle-là. Il n'est pas bon, en termes politiques, de ne pas afficher des stratégies de long terme, car les industriels doivent avoir une visibilité à plus long terme.
Je l'ai dit tout à l'heure, et, en tant que député de Lorraine, Patrick Abate le sait également : la métallurgie et les matériaux métalliques n'étaient plus à la mode. Lisez le rapport de Haut-commissaire à l'énergie atomique, M. Yves Bréchet, et vous verrez ce qu'il dit sur ce sujet. Dans le même temps, vous n'avez peut-être pas été suffisamment virulents pour dire qu'à un moment donné on a besoin de connaissance dans ce domaine et qu'il faut continuer à les renforcer, car ce sont des industries qui comptent pour notre pays. M. Bernard Bigot, l'ancien administrateur général du CEA, l'a également dit. Quand on voit que les matériaux étaient rayés de la liste officieuse des pôles de compétitivité nationaux de l'ancien ministre de l'économie, on tombe sur la tête. Il faut que vous réclamiez que l'on continue à travailler sur ces sujets importants pour notre industrie. Autrement, nous n'aurons plus d'expertise dans ce domaine, et cela conduira à des erreurs.
Enfin, cette audition confirme que le contrôle de la sûreté nucléaire et la radioprotection sont internationaux et nécessitent une coopération internationale. Aujourd'hui, nous avons au moins l'avantage sur d'autres pays d'avoir traité cette question, de dire qu'on doit en tirer des enseignements communs. Il est, en effet, vraisemblable que des problèmes identiques existent au niveau international. M. Yves Marignac a dit que la confiance est perdue. C'est vrai, pour le moment. Mais si les enseignements sont tirés, la confiance sera regagnée.
Les raisons pour lesquelles un changement du mode de fabrication est intervenu restent à expliciter. Dans une autre audition récente sur les moteurs de véhicules et les tests de performance, nous avions également constaté qu'en France, pays d'ingénieurs, on trouve des solutions techniques, mais on hésite à mesurer que les résultats obtenus correspondent bien aux attentes. L'audition d'aujourd'hui confirme en partie ce constat.