Intervention de Olivier Merckel

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 23 février 2017 à 9h30
Présentation ouverte à la presse du rapport technique de l'anfr sur « les niveaux de champs électromagnétiques créés par les compteurs linky » et du rapport d'expertise collective de l'anses sur l'« exposition de la population aux champs électromagnétiques émis par les compteurs communicants » en présence de représentants d'enedis du centre de recherche et d'information indépendant sur les rayonnements électromagnétiques non ionisants criirem et de l'académie des technologies

Olivier Merckel, ANSES :

L'Agence est indépendante. Ses missions consistent en particulier à évaluer les risques pour la santé humaine, mais aussi pour la santé et le bien-être des animaux, la santé des végétaux. Son expertise collective fait appel à des collectifs d'experts indépendants.

En ce qui concerne les compteurs communicants, c'est la Direction générale de la santé qui nous a fait une demande initiale à la fin 2015, nous demandant une synthèse des différentes caractéristiques techniques des compteurs communicants concernant l'eau, le gaz et l'électricité. Je me contenterai aujourd'hui de présenter les compteurs d'électricité, en particulier le compteur Linky.

On nous a également demandé une synthèse des données disponibles concernant l'exposition de la population aux champs électromagnétiques pouvant être émis par l'utilisation de ces différents compteurs.

Enfin, on nous a demandé une évaluation des effets sanitaires éventuellement associés, puis de proposer des axes de recherche ou de surveillance. La mission de l'ANSES est d'appuyer les pouvoirs publics dans les processus de décision ou de modification des réglementations.

La méthodologie de cette expertise est classique. Nous avons créé un groupe de travail composé de sept experts dans différents domaines, des épidémiologistes, des physiciens, mais aussi des sociologues, l'aspect sociétal de la controverse étant extrêmement important sur ce sujet. Nous avons réalisé un certain nombre d'entretiens avec les différents acteurs de ce sujet pour intégrer le plus d'informations possible. De même, nous avons réalisé une consultation internationale pour étudier le développement de ce type de compteur à l'étranger. Enfin, partant du principe que nous n'avions pas toutes les données disponibles, en particulier concernant l'exposition au compteur Linky, nous avons établi une convention avec le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) pour faire réaliser des mesures de l'exposition des personnes, notamment au domicile.

Je dois faire un point sur la controverse. On pouvait difficilement comprendre l'environnement et les questions qui touchent à l'exposition au compteur communicant sans faire ce travail de sociologie. Je vous livre quelques éléments qui ressortent de l'analyse disponible dans le rapport d'expertise de l'Agence.

L'origine de la controverse se situe en Amérique du Nord, au Canada et dans certains États des États-Unis, là où se sont réalisés les premiers développements. L'aspect sanitaire est central dans cette controverse, mais il est environné par beaucoup d'autres problématiques que vous avez évoquées, à savoir la sécurité des données, le respect de la vie privée, les risques économiques et écologiques que ces déploiements peuvent faire courir.

En France, s'ajoute un élément important : la territorialisation de la controverse, qui est peut-être liée au mode de déploiement des compteurs Linky « en taches de léopard » pour reprendre l'expression d'ENEDIS. L'implantation est un peu disséminée sur le territoire, et du coup, certains maires peuvent intervenir pour refuser l'implantation.

La question de la propriété des compteurs et de la responsabilité associée a pu alimenter cette controverse. Qui est finalement propriétaire ? Les maires ? Y a-t-il une délégation au syndicat d'énergie ? Etc.

Que l'on considère cette question comme nationale ou locale, on voit que l'opposition publique se recompose assez rapidement. Elle est liée à un déficit de confiance portée sur divers acteurs, peut-être dû à une absence de consultation et à un manque d'information au moment du déploiement des compteurs.

Notre analyse soulève un autre aspect très important : la dimension intrusive, qui peut être perçue par les usagers. Cet objet est, finalement, considéré comme imposé par les pouvoirs publics dans leur espace privé.

Il faut vraiment distinguer les compteurs d'électricité des autres compteurs. Dans les compteurs d'électricité, la communication est filaire. Les informations circulent sur le réseau électrique, et c'est par ce biais de la circulation du courant électrique qu'un champ électromagnétique est émis. Dans le cas des compteurs communicants radio (gaz et eau), les communications par ondes hertziennes soulèvent une problématique différente.

Nous avons eu beaucoup d'informations sur les compteurs radio, qui sont ni plus ni moins des sortes de téléphones mobiles ou d'émetteurs radioélectriques, et que l'on connaît relativement bien. En revanche, nous avons eu plus de mal à obtenir des informations sur le protocole Linky, son fonctionnement, le nombre de communications quotidiennes, etc.

Les schémas sont souvent mieux perceptibles que des mots. L'une des missions de cette expertise était de rassembler l'ensemble des données disponibles concernant l'exposition aux compteurs CPL. En décembre 2016, date de publication de ce rapport, nous n'avions pas encore les résultats des mesures réalisées par le CSTB.

Nous avons présenté différentes valeurs de champ électrique qui ont pu être mesurées par différents acteurs lors de campagnes de mesures. On y retrouve les mesures réalisées par l'ANFr en 2016, à la fois sur les compteurs G1 et G3, ainsi que les mesures réalisées par EDF.

Le tableau récapitulatif des données d'exposition aux compteurs CPL présente les valeurs de champ électrique et les valeurs de champ magnétique.

Concernant les valeurs de champ électrique, les résultats des mesures réalisées en laboratoire, à 20 cm des compteurs, dans des situations relativement normalisées, présentent une assez bonne homogénéité. À contrario, les mesures réalisées in situ dans les habitations sur des compteurs G1 présentent des différences de valeur. À cette fréquence-là, il faut savoir que la mesure du champ électrique est extrêmement compliquée, les appareils de mesure étant plus ou moins proches des compteurs. À noter que la mesure la plus élevée a été réalisée en Finlande sur un compteur CPL, qui n'est pas un compteur Linky.

Concernant les valeurs de champ magnétique, là aussi, nous observons une certaine disparité des résultats des mesures. Cela s'explique en particulier par les différentes distances des appareils de mesure. Plus on s'éloigne des compteurs ou des câbles dans lesquels circulent les communications Linky, moins le champ est important. À noter que ces mesures ont été réalisées à la fois en laboratoire et in situ dans les habitations pour les compteurs G1, et uniquement en laboratoire pour les compteurs G3. Ceux-ci seront déployés en 2017 et nous n'avons donc pas pu réaliser de mesures sur site.

Les niveaux de champ électrique ou magnétique du compteur Linky sont comparables à ceux d'autres équipements domestiques (perceuse électrique, chargeur PC, écran TV, ancien compteur...). Ceux-ci sont très faibles au regard des valeurs limites d'exposition. Reste à déterminer à quel rythme sont émises les communications Linky pour obtenir les données d'exposition globale des personnes.

Concernant les effets sanitaires des compteurs communicants, nous ne disposons pratiquement d'aucune littérature scientifique spécifique. Ce type de compteur étant extrêmement récent, c'est un sujet émergent.

Les expositions liées aux émissions de champ électromagnétique du compteur peuvent se rapprocher des courants transitoires à haute fréquence qui sont en fait générés par tout un tas d'appareils électriques ou électroniques branchés sur le réseau, ou simplement par le fait d'appuyer sur un interrupteur électrique. De ce côté-là, nous n'avons pas trouvé de données qui suggéraient l'existence d'effets sur la santé.

Néanmoins, le rapport de l'AFSSET de 2009 (ancienne Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, fusionnée au sein de l'ANSES) avait publié des données sur les effets sanitaires dans la bande de fréquences du compteur Linky qu'on appelait « les fréquences intermédiaires », entre 9 kilohertz et 10 mégahertz. Ce rapport déclare que l'analyse des études disponibles ne permettait pas de conclure définitivement quant à l'existence ou non d'effets sur la santé liés à des expositions à ce type de radiofréquences.

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