Quel travail et quelle ambition ! Je suis admiratif de l'étendue du constat, de la profondeur de l'analyse et de la sagesse des solutions qui en découlent. Et je suis par conséquent frustré de n'avoir ne serait-ce qu'une minute pour commenter chacune des 127 propositions... Mais comme je ne doute pas que nous aurons l'occasion d'y revenir en détail, attendant la suite dans une proposition de loi, je vous donne mon sentiment général.
Nous avons un besoin considérable de magistrats, de compétences, d'expertises. Une bonne justice n'est pas forcément une justice rapide - une petite affaire peut requérir une expertise, une enquête, une comparution personnelle... - et elle est parfois nécessairement chère, car les techniques modernes sont onéreuses. Mieux l'expliquer à nos concitoyens demande assurément de notre part et de la part des médias un surcroît de pédagogie.
Il y a d'autres sources à cette demande croissante de moyens en magistrats : la collégialité d'abord, qui les protège. Or elle a beaucoup diminué ces dernières années. Ensuite, la qualité de la motivation des décisions de justice, qui ne cessera de progresser du fait des changements psychologiques qu'entraînera le mouvement d'open data. En effet, la publication de toutes les décisions de justice poussera les juges, sous la pression des parties, à motiver plus précisément leurs décisions, ce qui leur prendra beaucoup plus de temps.
Enfin, ne négligeons pas l'image que l'institution judiciaire donne d'elle-même. Vous n'avez pas entendu dire au cours de votre mission que le constituant ou le législateur que nous sommes avait été oublieux de l'indépendance de la justice, ce dont je me réjouis. Nous ne sommes toutefois pas les seuls à la protéger, et il est important que les juges eux-mêmes veillent à l'image de leur propre indépendance. Or des dérives récentes ont été observées : il n'est pas sain que des magistrats participent à des manifestations à la suite de faits divers non encore élucidés, ni que des magistrats honoraires - ce qui ne les exonère pas du respect des règles de déontologie - ou en exercice critiquent dans la presse les pratiques de leurs collègues, à la lumière de leur idéologie. Ces pratiques nuisent à l'indépendance de la justice.