Ce rapport est en effet une excellente base de travail, qui reprend de nombreux rapports de terrain. Le bilan est établi, et les propositions de bon sens. Cela étant, il faudra pour les concrétiser de l'argent et des réformes plus que de nouvelles lois, ce qui est souvent la quadrature du cercle... Espérons que le futur gouvernement, quel qu'il soit, l'utilisera pour améliorer le fonctionnement de la justice, sans qu'il soit besoin de beaucoup innover dans la législation. Des améliorations du droit sont souhaitables, mais elles requerraient une vision d'ensemble qui a manqué ces dernières années, surtout en matière pénale.
Le statut des magistrats mériterait à lui seul un débat spécifique. Il est nécessaire de faire évoluer leur recrutement, leur formation et de renforcer leur indépendance, qui va de pair avec une certaine neutralité - nul besoin d'y insister.
Créer un tribunal unique de première instance serait une excellente chose. Vous en excluez cependant les compétences des tribunaux de commerce et des conseils de prud'hommes. Une réflexion sur la coordination de toutes les juridictions de ce niveau serait à tout le moins souhaitable.
Le juge d'instance a déjà une mission de conciliation, puisqu'au terme de l'article 829 du code de procédure civile, « la demande en justice est formée par assignation à fin de conciliation et, à défaut, de jugement ». Certes, le nombre de dossiers empêche les choses de se dérouler ainsi, d'où la création des conciliateurs qui, au passage, ne concilient pas beaucoup. Vous proposez qu'en cas de désaccord, le conciliateur transmette au juge le bulletin de non-conciliation : c'est une fausse bonne idée, car la conciliation n'a de sens que par elle-même, les gens s'en détourneront, ou bien le juge d'instance aura naturellement tendance à entériner la solution du conciliateur.
Je diverge également sur la conception de l'appel. La tendance, dans les couloirs de la chancellerie, est de considérer que le juge d'appel ne devrait rejuger qu'en droit. Je ne crois pas qu'il faille resserrer l'entonnoir, car il y a déjà la Cour de cassation. La juridiction d'appel doit conserver une vision globale du litige : c'est une bonne tradition.
Un mot sur l'aide juridictionnelle. On connaît les positions des uns et des autres sur le « droit de timbre ». Faire participer la partie perdante procède d'une bonne intention, mais me semble être un voeu pieux... Clarifier les règles relatives aux contrats de protection juridique est en revanche une bonne chose, car nos concitoyens ont souvent plusieurs contrats dont ils ignorent l'existence. Sophie Joissains et moi-même avons naguère proposé de mettre à contribution les compagnies d'assurance sur ces contrats. Mais leur lobbying est puissant...
En matière pénale, tant que l'on ne s'attaquera pas à l'échelle des peines, on ne pourra rien obtenir. Celle-ci est devenue un fatras ! Et la situation s'est aggravée au cours de ces deux derniers quinquennats, au point qu'il n'est pas évident pour les magistrats et les citoyens de s'y retrouver. Cela nécessitera certes une évolution législative.
L'application des peines est le cancer de la justice, c'est exact, et elle lui donne une image très négative. Certains magistrats prononcent des peines d'emprisonnement très élevées pour être certains que la peine trouvera un début d'application ! Ce n'est pas raisonnable et cela n'a plus aucun sens. De plus, dire aux condamnés que ce qu'ils ont fait n'est pas bien ne peut tenir lieu d'alternative aux peines d'emprisonnement... Certaines solutions ont un effet positif indiscutable sur la réinsertion, comme les travaux d'intérêt général.
En matière pénitentiaire, le constat est connu. La situation est véritablement explosive dans certains établissements et la carte est assurément à revoir. Certains établissements spécialisés, en Corse ou en Dordogne, donnent cependant satisfaction.
Je souhaite bien sûr que ce travail soit traduit en actes, pour améliorer le fonctionnement de notre justice.