Intervention de Jacques Mézard

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 19 avril 2017 : 1ère réunion
Les nouvelles technologies au service de la modernisation des territoires — Présentation du rapport d'information de mm. jacques mézard et philippe mouiller

Photo de Jacques MézardJacques Mézard, co-rapporteur :

Vous trouverez dans le rapport toute une palette d'innovations. Les territoires de demain seront d'abord des territoires connectés qui, grâce aux technologies de l'information et de la communication, seront interactifs. Ils pourront ainsi gérer en temps réel une série de services : stationnement, transport, énergie, tourisme, santé, sécurité, consommation, etc. Encore faut-il que chacun dispose de réseaux et d'une bonne couverture numérique. Hélas, la fracture numérique persiste dans notre pays. De nombreux élus sont exaspérés par l'insuffisance de la couverture numérique, en matière de téléphonie mobile ou de fibre. Certains territoires ont même régressé, ce qui a été très mal vécu par nos concitoyens. La France est à la quarantième place en matière de couverture téléphonique mobile. Les opérateurs ne sont pas toujours au rendez-vous - malgré un bénéfice de 2,7 milliards d'euros pour Orange en 2016 : on peut être en bonne santé financière sans pour autant assurer une bonne couverture territoriale... Les opérateurs arguent de difficultés techniques, mais en réalité c'est la rentabilité commerciale qui prime. L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) reconnaît que les zones blanches sont trop nombreuses, et beaucoup de nos concitoyens manifestent leur impatience d'être couverts ou raccordés.

Nous saluons les initiatives des collectivités qui, face à des opérateurs n'ayant aucune intention d'investir, assurent elles-mêmes l'aménagement numérique du territoire et l'accès au très haut débit. C'est le cas du syndicat mixte fibre numérique dans le Pas-de-Calais, du syndicat intercommunal d'énergie et de communication de l'Ain, du syndicat mixte de la Manche, auxquels se sont associées des collectivités territoriales pour assurer la couverture numérique, y compris dans les territoires les plus reculés.

Désormais, les infrastructures numériques sont une des conditions d'attractivité d'un territoire. Avec l'un des réseaux les plus performants qui soient, Singapour est la référence mondiale. C'est pour cela que Paris investit massivement dans le déploiement du wi-fi public ; Meyrargues, dans les Bouches-du-Rhône, est la première ville à expérimenter un réseau « li-fi », technologie qui utilise les infrastructures d'éclairage public existantes - les lampadaires - équipées de diodes électroluminescentes (LED) pour transmettre, par la lumière, des données numériques sur les smartphones. Nous avons essayé de repérer les exemples pouvant être utilement dupliqués, et ce rapport se veut une mine d'informations.

Les territoires de demain seront aussi des territoires à haute efficacité énergétique. Grâce aux nouvelles technologies, ils seront plus économes en énergies fossiles, moins émetteurs de gaz à effet de serre, plus ouverts aux énergies renouvelables. Grâce au numérique, les réseaux d'énergie deviendront surtout plus intelligents. Les smart grid (réseaux intelligents) permettent déjà, grâce à des milliers de capteurs faisant remonter des millions d'informations - ce qu'on appelle le big data - un pilotage optimal en temps réel de la production et de la consommation d'énergie. Ainsi, des maisons intelligentes peuvent produire plus d'énergie qu'elles n'en consomment.

À Issy-les-Moulineaux, la domotique a été mise au service de l'ajustement des consommations énergétiques dans certains logements. À Rennes, un programme expérimental est déployé à l'échelle d'un quartier pour garantir, grâce à la collecte de données, l'autoconsommation et l'ajustement en temps réel de la production et de la consommation d'électricité photovoltaïque. La collecte de données devient un levier majeur d'économies d'énergie et de nombreuses municipalités, à l'image du Chesnay, dans les Yvelines, l'utilisent pour réduire la consommation dans les bâtiments publics. Les collectivités investissent de plus en plus le terrain de l'éclairage public. À Chartres, l'utilisation d'une solution intelligente d'éclairage public, dite smart lighting, également utilisée par la ville de Los Angeles, et reposant sur un bouquet de technologies innovantes - luminaires LED, détecteurs de présence, télégestion - a réduit les consommations énergétiques.

Les territoires de demain encourageront la mobilité durable. Comme le disait notre collègue Louis Nègre, président du Groupement des autorités responsables de transport (Gart), la période du tout-voiture est révolue. Nos villes doivent répondre au problème de la congestion urbaine et aux externalités qu'elle engendre en matière d'environnement ou de santé. Nous développerons les transports publics de demain grâce aux nouvelles technologies avec des transports qui, comme à Saint Etienne, s'appuieront sur des applications délivrant une information multimodale, offrant à l'usager la liberté de choisir le mode de déplacement optimal mais également d'acheter ses titres de transport en ligne et de les valider.

Les applications mobiles pourront être mobilisées, comme à Calais, pour gérer le stationnement grâce à l'échange d'informations. Concrètement, l'application permet aux utilisateurs, en fonction de leur profil, d'être guidés vers des places libres ou vers les rues où la probabilité de trouver une place est la plus forte, diminuant ainsi les temps de recherche de places de stationnement, la congestion et les rejets de dioxyde de carbone.

Les transports de demain seront plus propres, à l'image des transports publics fonctionnant à l'hydrogène déployés depuis un an par la métropole de Nantes. Ils reposeront aussi, et de plus en plus, sur des véhicules autonomes, à l'image du bus sans chauffeur expérimenté depuis cette année par la métropole du Grand Lyon dans le quartier Confluence. Aujourd'hui, la plupart des acteurs du marché de la conduite autonome sont américains (Google, Apple, Tesla,...), et il faut encourager nos entreprises françaises à investir dans ces secteurs.

Les expériences étrangères peuvent nous inspirer. Ainsi, Amsterdam teste un stationnement intelligent basé sur des flash cars, voitures équipées de caméras à reconnaissance de plaques d'immatriculation qui détectent instantanément les véhicules n'ayant pas payé leur stationnement. Plus de mille plaques sont vérifiées par heure, sans intervention d'agents à pied. À Rotterdam, un système de lissage des pics de trafic par points fluidifie la circulation urbaine. Grâce à un boitier embarqué qui géolocalise leur véhicule et analyse leurs habitudes de circulation, les automobilistes sont incités financièrement à ne pas utiliser leur voiture aux heures de pointe, avec comme conséquence une réduction de 8% du trafic. Mais la révolution des smart cities ne s'arrête pas au domaine des transports...

Les territoires de demain mobiliseront les nouvelles technologies au service de la collecte, du tri et du traitement des déchets. À l'image des autres filières industrielles, le secteur du traitement des déchets, qui représente un coût important pour les collectivités, entre lui aussi dans l'ère numérique. Désormais, le tri est optique et non plus manuel, sur des tapis évoluant à une vitesse considérable. C'est un changement de technologie et de façon de travailler. Grenoble teste les bacs intelligents dotés de capteurs mesurant le taux de remplissage des bennes à ordures afin d'optimiser la collecte. Rationaliser le parcours des camions grâce à ces conteneurs connectés réduit le temps de collecte des déchets et diminue le nombre de kilomètres parcourus par les camions-bennes, offrant à la ville des économies substantielles. À Paris, dans le quartier des Batignolles, la collecte est automatisée via un réseau pneumatique souterrain d'aspiration des déchets. Silencieux et propre, ce système a fait disparaitre les camions-bennes dédiés au ramassage des déchets en porte à porte.

À Moissy-Cramayel, en Seine-et-Marne, les camions-bennes sont équipés depuis près de deux ans de bras robotisés pour collecter les poubelles, avec à la clé une amélioration des conditions de travail des éboueurs et des économies. Les solutions automatisées de ramassage des poubelles sont expérimentées depuis plusieurs années aux États-Unis, en Australie ou encore en Italie, où la ville de Peccioli, en Toscane, a mis en service des robots-poubelles dans les rues étroites impraticables pour les camions-bennes. Mobiles, ils sont propulsés électriquement et programmés pour se repérer grâce à un système GPS. Ils sont appelés par smartphone par les usagers et assurent le ramassage des ordures devant chaque habitation.

La révolution numérique du secteur des déchets concerne aussi le tri. Ainsi, dans le centre de tri télé-opéré de la ville d'Amiens, les opérateurs trient les déchets sans les toucher, grâce à des écrans tactiles, ce qui optimise la performance et améliore les conditions de travail.

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