Le Conseil européen entend évaluer les progrès accomplis sur ces deux points avant de passer à une deuxième étape et lancer, dans le même temps, les négociations sur le cadre des relations futures entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.
Le retrait ordonné de l'Union européenne passera également par un accord sur la question de la frontière nord-irlandaise. Le Conseil européen a insisté sur la nécessité de trouver des solutions souples et imaginatives destinées à la fois à éviter la mise en place d'une frontière physique et à respecter l'intégrité de l'ordre juridique de l'Union européenne. Le président du Sénat irlandais, Denis O'Donovan, que j'ai également rencontré à Bratislava, m'a confirmé l'attachement de son pays à trouver une solution en matière de libre circulation entre le Royaume-Uni et l'Irlande, afin de garantir le processus de paix, qui reste, ne l'oublions pas, relativement récent, puisqu'il a à peine vingt ans.
L'accord de retrait devra enfin prévoir des arrangements en ce qui concerne la zone de souveraineté dont dispose le Royaume-Uni à Chypre, mais aussi le transfert des deux agences européennes situées sur le territoire britannique. Il s'agit, pour mémoire, de l'Agence bancaire européenne et de l'Agence européenne des médicaments. La détermination de la future localisation des deux agences devra faire l'objet d'un accord ultérieur entre les Vingt-Sept, sans doute à l'automne prochain. La Cour de justice de l'Union européenne avait par ailleurs rendu un arbitrage autorisant l'établissement des chambres de compensation dans un pays situé hors de la zone euro, à la grande satisfaction des Britanniques, une fois n'est pas coutume. Il est évidemment hors de question de les maintenir dans un pays situé hors de l'Union européenne.
Les orientations des Vingt-Sept rappellent que le Royaume-Uni demeure un État membre à part entière jusqu'à son retrait, ce qui implique qu'il demeure loyal aux intérêts de l'Union et ne contrarie pas les ambitions que l'Union s'est fixées pour son avenir. Il est implicitement entendu que le Royaume-Uni ne saurait prendre en otage les dossiers législatifs en cours pour obtenir un meilleur accord de retrait. D'autant qu'un retrait n'implique pas automatiquement un accord...
En ce qui concerne le cadre des relations futures entre l'Union et le Royaume-Uni, le Conseil européen s'est d'ores et déjà dit prêt à négocier un accord commercial, dont la mise au point et la conclusion interviendront dès lors que l'accord de retrait aura été adopté. Cet accord de libre-échange devra être équilibré, ambitieux et de portée large. Il ne saura cependant équivaloir à une participation au marché unique, ne serait-ce que dans un secteur. Il devra lever le blocage des Britanniques sur le respect des quatre libertés, notamment pour la libre circulation des personnes. Il prévoira des garanties destinées à lutter contre tout avantage compétitif, lié à des pratiques fiscales, sociales, réglementaires ou environnementales, ce qui verrouillera les velléités britanniques de faire de Londres un nouveau Singapour. L'étau se resserre.
L'adoption de ces orientations à l'unanimité, tout comme leur contenu, traduit l'unité des Européens, pays de l'Est inclus, face au prochain retrait britannique, ce qui est très satisfaisant. Cette unité porte notamment sur la réaffirmation de l'indivisibilité du marché unique ou du rôle de la Cour de justice de l'Union européenne dans le règlement des différends entre l'Union et le Royaume-Uni dès lors que le droit européen est concerné. Le rôle de la Cour est pourtant régulièrement critiqué par les autorités britanniques. Cette unité et cette volonté sont réaffirmées alors que les négociations entre l'Union et le Royaume-Uni s'annoncent d'ores et déjà difficiles. La rencontre entre Theresa May, Jean-Claude Juncker et Michel Barnier le 26 avril dernier s'est déroulée dans un climat extrêmement tendu, la chef du gouvernement britannique condamnant par avance le règlement financier ou le rôle de la Cour de justice de l'Union.
Reste à connaître le contexte politique dans lequel vont débuter ces négociations. Les élections législatives devraient, selon toute vraisemblance, se traduire par une victoire de Mme May et des conservateurs. Le Labour apparaît fragilisé et l'Ukip en recul - ce qui vient de se passer en France concourt à mettre un frein, heureusement, aux mouvements populistes qui avaient pris une certaine ampleur en Europe - le parti populiste présentant moins de candidats que lors des précédentes élections. Ce retrait de l'Ukip est symptomatique du désenchantement des Brexiters. Dix mois après le référendum, un sondage relève qu'une majorité de Britanniques estiment désormais que le Brexit est une erreur, alors que Mme May entend faire de celui-ci un succès. La situation économique explique en partie ce changement dans l'opinion publique : la croissance est atone, on observe même un recul de la consommation des ménages ces derniers mois. L'affaiblissement de la livre sterling se traduit par un renchérissement des produits importés et une pression sur l'inflation, qui devrait dépasser 3 % en 2017. Il existe bien un effet du Brexit sur l'économie, même s'il est intervenu plus tard que prévu.
Nous suivrons avec vigilance le déroulement de ce processus à travers le groupe de suivi, qui a d'ores et déjà établi un premier rapport d'étape, et nous nous focaliserons notamment sur le dossier irlandais. En effet, nos homologues irlandais sont inquiets, car ils refusent toute nouvelle frontière physique qui serait contraire à l'accord du Vendredi saint, si chèrement acquis...