Intervention de Michel Delebarre

Commission des affaires européennes — Réunion du 9 mai 2017 à 9h35
Énergie — Fonctionnement du marché intérieur de l'électricité : avis motivé de mm. jean bizet et michel delebarre

Photo de Michel DelebarreMichel Delebarre :

Ainsi que le président Jean Bizet vient de le dire, l'avis motivé que nous avons préparé ensemble vise uniquement la proposition de règlement sur le marché intérieur de l'électricité.

Pour la bonne compréhension de l'avis motivé, il me semble utile de résumer l'économie générale de cette proposition de règlement, avant de présenter les deux motifs tirés du principe de subsidiarité.

Schématiquement, il est possible de distinguer quatre familles de dispositions réunies dans la proposition de règlement. Apparaissent d'abord de simples coordinations avec les autres textes formant le paquet « Énergie propre pour tous les Européens ». La deuxième famille tend à favoriser la convergence progressive des méthodes utilisées pour fixer les tarifs de transport et de distribution. En troisième position, figurent les principes et la procédure applicables à l'évaluation coordonnée de l'adéquation entre ressources et demande. La quatrième et dernière famille concerne les tâches et fonctions du Réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d'électricité, habituellement dénommé par son acronyme anglais ENTSO-E. Je rappelle que ce réseau européen a été créé en 2009 par le troisième paquet « énergie ».

En soi, cet ensemble normatif s'inscrit sans difficulté majeure dans la stratégie de l'Union de l'énergie, mais deux nouveautés confirment le célèbre adage « le diable se cache dans les détails ».

Tout d'abord, la Commission européenne propose de créer des « centres de conduite régionaux » couvrant plusieurs États membres, qui seraient chargés notamment d'adopter « des décisions contraignantes adressées aux gestionnaires de réseau de transport ». Les domaines couverts par ces décisions sont limitativement énumérés, mais leur importance est capitale. Jugez plutôt : ces décisions contraignantes concerneraient « le calcul coordonné des capacités », « l'analyse coordonnée de la sécurité », « le dimensionnement régional des capacités de réserve », enfin « le calcul de la capacité d'entrée maximale disponible pour la participation de capacités étrangères aux mécanismes de capacité ». Il n'est pas indifférent que l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie, l'ACER, détermine « la zone couverte par chaque structure de coopération régionale ».

En définitive, ces nouvelles structures seront substituées aux coopérations informelles qui existent aujourd'hui sur l'initiative des gestionnaires de réseaux pour examiner de concert les sujets d'intérêt commun identifiés comme tels à la suite d'une démarche volontaire. Il est certes envisageable de structurer ces initiatives dans le cadre de l'Union, mais le meilleur moyen d'y parvenir consiste à engager une coopération renforcée au sens des traités, non à imposer aux États membres la création de centres régionaux dotés de pouvoirs coercitifs.

Les quatre domaines décisionnels qui seraient attribués aux centres de conduite régionaux concernent la sécurité de l'approvisionnement en électricité, sujet qui relève par excellence de la souveraineté des États. La Commission européenne se garde bien de préciser en quoi le dispositif contraignant proposé garantirait mieux la sécurité d'approvisionnement que les actuelles coopérations volontaires entre États membres qui veulent y participer.

La sécurité d'approvisionnement est en outre compromise par une autre disposition proposée par la Commission européenne, autorisant les fournisseurs de capacité à « participer à plus d'un mécanisme pour la même période de fourniture ». En clair, un fournisseur de capacité de réserve, par nature chargé d'intervenir en cas d'offre insuffisante d'énergie électrique, pourrait signer plusieurs contrats potentiellement incompatibles entre eux. Que prévoit la Commission européenne en cas de défaillance, hautement vraisemblable par construction ? Elle se contenterait de « paiements d'indisponibilité », exigibles « lorsqu'il y a rareté simultanée dans deux zones de dépôt des offres, ou plus, dans lesquelles le fournisseur de capacité a passé un contrat ».

Par nature, un contrat de capacité doit éviter une défaillance de la fourniture d'électricité. À cette fin, les autorités contractantes tendent à garantir la fourniture effective de courant électrique. Or, la proposition de règlement prive les États membres d'un moyen juridique indispensable pour conforter la sécurité d'approvisionnement. Cette simple observation nous a paru amplement suffisante pour inscrire un second motif dans l'avis motivé soumis à votre examen.

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