Intervention de Bruno Sido

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 28 mars 2017 à 16h30
Examen du projet de rapport présenté par m. jean-yves le déaut député et mme catherine procaccia sénateur sur « les enjeux économiques environnementaux sanitaires et éthiques des biotechnologies à la lumière des nouvelles pistes de recherche »

Photo de Bruno SidoBruno Sido, sénateur, premier vice-président de l'OPECST :

Je félicite les deux rapporteurs et leurs collaborateurs pour cette somme de travail considérable, dont la présentation aurait probablement mérité une journée de travail. Les vingt recommandations comprennent en fait une centaine de propositions détaillées. Ce travail touche de nombreux domaines qui auraient nécessité plusieurs rapports. La médecine est un domaine extrêmement important, avec des perspectives fabuleuses, notamment si l'on réussit à changer le génome de l'anophèle femelle pour qu'elle ne puisse plus porter la malaria, cela changerait la vie de la zone tropicale et équatoriale - sans la supprimer - même si beaucoup d'humains ne s'en plaindraient pas. L'agriculture l'est également, avec la possibilité de modifier le génome de plantes, sans que ce soit considéré juridiquement comme des OGM au regard du droit européen (recommandation n° 12). La recherche décroche en France, c'est grave, c'est un problème récurrent. Est-ce la recherche publique ou privée ? La question des interventions sur les cellules germinales, pour soigner des maladies graves et incurables, est importante car elle touche à la reproduction.

Vous formulez plusieurs recommandations à la Commission européenne. Or la recherche est mondiale et ce qui ne se fera pas en France ou en Europe se fera ailleurs. L'idée d'un GIEC de la modification ciblée du génome (genome editing) me paraît très bonne. Il faut réunir tous les chercheurs du monde pour travailler sur cette question. Les règles éthiques doivent être les mêmes partout pour éviter les débordements. La recommandation n° 8 (pas d'autorisation d'éradication d'espèces vivantes sans possibilité de retour) se justifie, car il faut conserver les ressources génétiques de tous les organismes vivants. La recommandation n° 10 sur la biodiversité (c'est l'agriculture productiviste qui porte atteinte à la biodiversité, et surtout le mauvais usage des produits phytosanitaires, en particulier des insecticides, et non les biotechnologies) n'en est pas vraiment une et gagnerait à être réécrite.

En agriculture, plus qu'une directive européenne, il faudrait un GIEC. Les OGM sont cultivés sur tout le continent américain et nous, Européens, les consommons : il y a une part d'hypocrisie... Je suis d'accord avec les recommandations n° 12 (c'est le politique qui doit trancher sur les risques d'une technologie), n° 13 (pour un soutien de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture - FAO - à l'appel des prix Nobel) et n° 14 (une reprise de l'expérimentation en plein champ pour les plantes issues des nouvelles biotechnologies). L'arrachage des vignes OGM, fruit de trente ou quarante ans de travail est un scandale. La recommandation n° 16 (les vignes résistantes à l'oïdium et au mildiou, une opportunité pour les viticulteurs) me paraît évidente. Dans la recommandation n° 17 (les huîtres triploïdes, un traité de coexistence), vous êtes à contre-courant de ce qui se fait aujourd'hui en étiquetage : il faudra bientôt une ramette de papier pour décrire tout produit mis en vente... On n'y comprend rien mais c'est obligatoire et c'est dans le sens du vent...

La recommandation n° 18 (refuser la brevetabilité des gènes, soutenir un système d'innovation ouvert) pose la grande question de la brevetabilité du génome. Cela doit rester interdit, sinon l'humain sera lui-même breveté. Je partage la position du président de l'OPECST sur le fait que, sur tous ces sujets, il faut des décisions politiques et non pas prises par des techniciens. Je suis en particulier d'accord avec un contrôle parlementaire accru sur ces questions.

C'est un très bon rapport, il mérite d'être travaillé en profondeur et devrait déboucher sur un certain nombre de propositions de lois. Nous sommes à la veille d'une révolution qui accompagne celle de l'informatique. Ces techniques permettent d'aller beaucoup plus vite dans la sélection. On touche à un domaine qui évolue extrêmement rapidement. Il faudrait que le Parlement se saisisse le plus rapidement possible d'un certain nombre de questions pour les contrôler. Sinon, cela pourrait partir dans beaucoup de directions.

Ce rapport est une belle pierre à l'édifice de l'évolution scientifique dans ce siècle commençant.

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