Je félicite à mon tour les rapporteurs pour la précision et la prudence de leur excellent rapport, sans basculer dans la facilité de l'interdiction. La conjugaison entre nécessité du progrès et opportunité du contrôle est très bien transcrite, au point que le rapport pourra servir de base à la réflexion en vue de la prochaine révision de la loi de bioéthique.
La thérapie génique sur les cellules somatiques ne présente pas de problème éthique puisqu'elle est acceptée de façon assez universelle. Il reste des problèmes techniques. Ainsi, des complications avaient pu survenir dans les cas de déficits immunitaires, mais ces problèmes sont maintenant réglés. L'extension dans différents champs nécessite des mises au point techniques. Les thérapies géniques sont pratiquées en immunologie, en hématologie et dans plusieurs autres pathologies.
Reste la question de la thérapie génique à visée germinale. La prudence est pour l'instant de l'interdire, vous l'avez rappelé. Pour autant, ne devrait-on pas assortir cette position de l'idée que cette interdiction va devoir, dans le futur, au fur et à mesure de la progression des connaissances, des techniques et des possibilités, être levée, pour préparer les esprits. Je rappelle ce que disait Sir Peter Medawar, il y a un demi-siècle, au moment où il recevait le prix Nobel de physiologie ou médecine : nous assistons, avec les progrès de la médecine, à la possibilité pour un grand nombre de sujets ayant des maladies graves, congénitales - qui dans le passé aboutissaient au décès dans l'enfance - d'atteindre l'âge adulte jeune et de se reproduire. Il annonçait l'augmentation de l'incidence des gènes de ces maladies et nous la constatons maintenant. Mais il ajoutait qu'il n'était pas pour autant nécessaire de s'en inquiéter, qu'il n'est pas nécessaire non plus de recourir à l'eugénisme, parce qu'il y aura parallèlement des progrès en génétique qui permettront de corriger, pour l'espèce humaine, certaines de ces défaillances génétiques. Il faudra accepter, dans le futur, de ne pas refuser de faire disparaître dans l'espèce humaine, et sans trop manier le spectre de l'apprenti sorcier, au moment où les choses seront parfaitement contrôlées, certains gènes de maladies, y compris dans la descendance.
C'est en même temps très important d'être ferme sur l'interdiction actuelle et de ne pas laisser se répandre dans les esprits que c'est une interdiction définitive. J'entends bien que cela peut, sur certains esprits extrémistes, heurter les idées de ceux qui croient que l'on ne doit pas toucher à la nature. Mais il n'empêche que, quand la nature fait des erreurs, il nous appartient de pouvoir les corriger, non seulement sur le malade, mais aussi sur sa descendance. Je parle d'un futur dans plusieurs décennies bien sûr.