Intervention de Jean-Yves Le Déaut

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 28 mars 2017 à 16h30
Examen du projet de rapport présenté par m. jean-yves le déaut député et mme catherine procaccia sénateur sur « les enjeux économiques environnementaux sanitaires et éthiques des biotechnologies à la lumière des nouvelles pistes de recherche »

Jean-Yves Le Déaut, président :

Sur votre question relative à l'étiquetage, je répondrai par une autre question : seriez-vous favorables à ce que l'on indique sur les étiquettes « blé hexaploïde » ou « farine hexaploïde » ? Le saumon génétiquement modifié qui est élevé dans des bassins à terre mériterait, par contre, un étiquetage. Je confirme que la recherche décroche en France et que nous perdons notre capacité d'expertise internationale. Aucune des 48 unités de l'INRA ne travaille sur des techniques de transgenèse en champ, elles opèrent uniquement en milieu confiné. Toutes les expérimentations sont arrêtées. La controverse sur les OGM a nui, globalement, à notre crédibilité dans un certain nombre de secteurs, il faut le savoir. L'ancienne présidente de l'INRA, Marion Guillou, le dit lors d'auditions publiques depuis un certain nombre d'années déjà. Il peut paraître utile d'éradiquer des espèces d'insectes porteurs de maladies, mais attention à la transmission interespèces d'un gène d'infertilité avec forçage génétique. Il faut bien réfléchir à toutes les conséquences possibles. C'est pour cela que nous demandons la réversibilité. C'est pour cela aussi que nous demandons la réunion d'experts au niveau international.

Très peu parlent aujourd'hui des conséquences sanitaires des OGM végétales. Un grand nombre de mutations génétiques se produisent chaque jour dans tout être vivant, il n'y a pas de raison que la modification d'un seul gène d'une plante constitue un problème sanitaire - outre le fait que toute plante nouvelle est potentiellement pathogène (en cas d'allergie, par exemple). Ces dernières années, nous avons déposé plusieurs propositions de loi à la suite de rapports de l'OPECST.

Nous ne proposons pas de déclasser juridiquement les OGM. La mutagenèse est dispensée des dispositions de la directive européenne n° 2001/18 dans l'Union européenne, au contraire de ce qui se passe au Brésil. Comment peut-on s'en remettre, dans un pays démocratique, à une décision de la Cour de justice (CJCE) sur des technologies qui n'existaient pas en 2001 et avec des définitions qui ne sont plus adaptées à ces technologies ? Il s'agit d'une démission du politique. Le HCB doit donner son avis pour les autorisations, mais il n'y a pas de raison que les analyses réglementaires des nouvelles techniques de sélection soient les mêmes que pour les OGM, qui connaissent des risques d'activation de gènes dormants.

Sur la brevetabilité des gènes, notre modèle, qui s'appuie sur un système d'innovation ouvert avec le certificat d'obtention végétale (COV), doit être promu dans les conventions internationales. Nous sommes opposés à la brevetabilité des gènes, qui n'est pas permise au niveau international, mais qui peut être contournée si l'on dit qu'on les fabrique de façon synthétique. Un groupe d'experts internationaux devrait aborder cette question.

Nous considérons qu'il ne faut pas travailler sur les cellules germinales. Mais, comme le disent certains, soigner des personnes comporte le risque qu'ils transmettent leur maladie alors qu'ils seraient morts sinon. C'est un vrai sujet philosophique que nous n'avons pas abordé, car aujourd'hui, le diagnostic préimplantatoire (DPI) suffit.

En France, la science et la raison n'ont pas l'importance qu'elles ont ailleurs. Nous avons une culture dominante juridique et politique. Il faudrait mieux équilibrer la formation de nos élites. Comme indiqué dans la résolution sur les sciences et le progrès dans la République, adoptée par l'Assemblée nationale en février 2017, il faut faire la distinction entre les croyances et les opinions, qui sont respectables, et les savoirs, sur lesquels on doit pouvoir s'appuyer. L'expertise doit être à la base de la décision politique, après avoir organisé un débat pour les citoyens.

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