Je vous remercie de me recevoir, en tant que représentante de France nature environnement, et vous prie d'excuser l'absence de mes collègues membres des trois autres associations. Je précise que nos positions convergent largement sur un certain nombre des sujets qui vous occupent.
Je souhaiterais commencer mon intervention par quelques propos liminaires sur la position de France nature environnement (FNE) au regard de la démocratie environnementale.
FNE est une fédération comptant 75 membres « directs », mais regroupant, si l'on tient compte des fédérations régionales, départementales et d'autres associations membres, près de 3 000 associations. On estime à plus de 800 000 le nombre d'adhérents à une association appartenant à notre tissu associatif.
Notre fonctionnement est démocratique. Il repose sur l'organisation d'assemblées générales et sur une charte fédérale certifiant l'application de nos règles démocratiques sur tous les territoires. En découle, pour nos membres, un apprentissage de la délibération et du fonctionnement collectif.
À cela s'ajoute un grand attachement de notre association à l'état de droit et au principe de légalité. Nous disposons d'ailleurs, parmi quinze autres réseaux thématiques, d'un réseau juridique consacré au droit de l'environnement, qui compte environ 80 personnes.
L'activité de FNE repose à 95 % sur le bénévolat. Certes, nous avons une structure salariée à l'échelon national et au sein de nos fédérations régionales, mais l'essentiel du travail est effectué au quotidien par des bénévoles.
Outre l'arrêt de l'érosion de la biodiversité, figure dans nos priorités le changement de modèle de développement en vue d'engager une véritable transition écologique, ce qui implique notamment une rénovation démocratique.
Il nous faut une démocratie à la hauteur des enjeux écologiques. Or justement, sous cet angle, les processus de décision semblent aujourd'hui patiner.
Notre doctrine associative est essentiellement fondée sur la convention d'Aarhus, adoptée en 1998, que la France a ratifiée et que l'Europe a traduite dans ses propres directives. Cette convention établit trois piliers : la transparence, au travers d'un accès facilité à toutes les informations environnementales ; la concertation en amont, pour donner du sens à la participation citoyenne ; l'accès à la justice.
Selon nous, il ne peut y avoir de véritable démocratie environnementale sans respect de ces trois piliers.
Malheureusement, dans un certain nombre de dossiers, l'application sur le terrain des procédures - parfois bricolées - donne un sentiment d'essoufflement et les militants se découragent. S'ils perçoivent bien les effets de la consultation du public sur les petits projets, ils ont l'impression, sur les projets plus politiques, plus importants, de « participer en rond ».
Cela a été particulièrement frappant en 2014 au moment du drame de Sivens et de la mort de Rémi Fraisse, bénévole naturaliste d'une association appartenant au réseau FNE.
Nos associations de terrain avaient tout tenté pour alerter sur le déficit démocratique lié à ce projet de barrage. Hasard du calendrier, le lendemain de cet événement tragique, un rapport officiel du ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer confirmait que les solutions alternatives n'avaient pas été étudiées et que les études d'impact reposaient sur des données non actualisées. Tout ce que les associations dénonçaient depuis des années sans être entendues ! Depuis, le projet a été annulé par le juge administratif....
Nous souhaitons ne plus jamais en arriver là ! Notre démocratie est suffisamment mature pour que les décideurs soient éclairés par des processus tenant compte de l'ensemble des enjeux et des règles posées par la convention d'Aarhus, tout en permettant des ajustements des projets et une anticipation des problèmes.
Après le drame de Sivens, la réaction a été très forte au sein de notre mouvement. Pour autant, nous avons choisi de demeurer dans une position pacifique, non violente et respectant l'état de droit. C'est pourquoi nous avons intensément participé aux travaux de la commission du sénateur Alain Richard, placée sous l'égide du Conseil national de la transition écologique, sur la démocratisation du dialogue environnemental.
Néanmoins, nous ne sommes pas totalement satisfaits des réformes engagées, qui ont, en outre, été adoptées par ordonnance dans le cadre d'une loi sur la croissance économique...
Même si certaines procédures nouvelles sont intéressantes, la réforme de la démocratie environnementale s'est essentiellement concentrée sur le processus de concertation, oubliant les deux autres piliers de la convention d'Aarhus, à savoir l'accès à l'information et l'accès à la justice. Un de nos militants à démontrer qu'il devait consulter seize sites internet différents pour être informé des projets d'infrastructure prévus dans son département.
Par ailleurs, nous devrions préserver le tissu associatif existant, qui fonctionne avec relativement peu de moyens et se trouve, sur certains territoires, un peu fragilisé. Ces associations, rappelons-le, poursuivent un but d'intérêt général et, pour cela, ont reçu un agrément des pouvoirs publics. C'est à ce titre, d'ailleurs, que le réseau FNE siège au Conseil économique social et environnemental (CESE) depuis 2010, avec quatorze autres représentants d'associations. J'ai moi-même l'honneur de représenter FNE dans cette structure.
La reconnaissance du tissu associatif est donc là, mais la dernière réforme ne répond pas à la révolution démocratique exigée par la transition écologique, et c'est tout l'intérêt de votre mission d'information.
J'ajoute que la dimension citoyenne et associative a été oubliée dans la dernière réforme territoriale, alors que nous devons réformer nos fédérations régionales, ce qui exige beaucoup de travail, compte tenu, notamment, des différences de culture. Nous devons également envisager de nouveaux défis, tels que le changement climatique, la gestion de l'eau, l'artificialisation des sols ou l'évolution de la forêt.
Je vous transmets également le dernier rapport de l'autorité environnementale et les rapports de ses missions régionales sur les études d'impact environnementales. La question des planifications figure parmi les axes majeurs relevés dans ces travaux.
La France empile des couches de planification, qui entretiennent parfois des rapports juridiques complexes entre elles : le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) en matière d'aménagement régional, les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et les plans locaux d'urbanisme (PLU) dans le domaine de l'urbanisme, etc. Les échelles couvertes par ces documents sont de plus en plus larges, ce qui accroît le volume des documents versés à l'enquête publique et la pluralité des compétences nécessaires à l'étude de ces derniers. Cette tendance confirme tout l'intérêt d'un examen des documents par une structure associative ! On constate néanmoins, dans les documents d'urbanisme, une difficulté à intégrer les problématiques environnementales, notamment en ce qui concerne l'artificialisation des terres agricoles et naturelles.
Sur ce sujet, une bonne réforme de la démocratie environnementale permettrait de progresser !