Ces questions ont déjà été abordées par le passé et je suis à la fois en accord et en désaccord avec ces constats.
Je suis d'accord sur le fait que, aujourd'hui, il faut être soit un spécialiste de l'urbanisme et de l'environnement, soit un militant de FNE pour parvenir à comprendre, s'agissant des infrastructures, les sigles, les schémas, les compétences et les transferts de compétences, etc. À cet égard, j'estime que nous sommes aussi une école populaire d'apprentissage de la démocratie concrète.
Les procédures d'enquête publique sont souvent décevantes, mais nous les avons défendues quand elles ont été remises en cause, parce que chaque citoyen a le droit d'obtenir une réponse à ses questions concrètes et que ces procédures peuvent toujours être améliorées.
Nous devons consacrer un minimum de temps et de moyens à la démocratie. À défaut, les citoyens ne comprennent plus les décisions publiques et sont enclins au repli démocratique. Les procédures garantissent une certaine égalité de traitement entre les citoyens. La population doit les connaître pour pouvoir se les approprier, et c'est aussi un avantage des procédures anciennes comme l'enquête publique.
De la même manière, on a pu regretter, dans le cadre de la consultation locale sur le projet de Notre-Dame-des-Landes en 2016, que l'information ait été diffusée par les seuls canaux électroniques, car une certaine partie de la population en a été privée.
Les procédures actuelles accordent de l'attention à la population, mais la tentation de rechercher la simplification et le gain de temps comporte le risque de ne pas voir les véritables enjeux que posent les projets d'infrastructure.
Toujours concernant les procédures, l'harmonisation avec la réglementation communautaire, issue de la convention d'Aarhus, aurait dû se faire naturellement. Or, d'après l'analyse de l'autorité environnementale sur les documents d'urbanisme, la directive du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, qui fixe notamment un principe d'évaluation environnementale en amont, associée à une forte participation du public, n'est appliquée qu'à la marge au travail d'élaboration de ces documents d'urbanisme par les collectivités territoriales.
Les planifications en la matière devraient permettre de poser et régler toutes les questions de fond faisant la une de l'actualité, notamment celles qui sont liées au changement climatique. D'après l'autorité environnementale, ces planifications ne jouent clairement pas ce rôle aujourd'hui, ou à un niveau trop faible par rapport aux enjeux.
Les documents de planification sont devenus tellement abscons que même un militant de FNE peine à s'y retrouver et à intervenir au bon moment dans les procédures de consultation du public. Pour des bénévoles, les charges de travail deviennent parfois insupportables.
L'une de nos propositions consisterait à créer un portail de service public rassemblant l'ensemble des concertations préalables et des enquêtes publiques, et prévoyant un système d'alerte permettant à tout habitant d'un territoire d'être immédiatement informé de la mise en oeuvre de ces procédures dans son département. Cela permettrait plus facilement d'intervenir au « bon moment », c'est-à-dire lorsqu'il est encore possible d'infléchir le projet pour permettre l'application de la démarche « ERC » (éviter-réduire-compenser), essentielle à la réussite de la transition écologique.
Le volet « éviter », en particulier, vise à examiner des solutions alternatives en amont du projet. En ce sens, la concertation préalable du public exigée par la convention d'Aarhus est plus intéressante que la consultation telle qu'elle est pratiquée depuis des décennies en France, c'est-à-dire en fin de processus décisionnel, quand tout est fixé.
Ainsi, pour la première fois en vingt ans de militantisme, j'ai eu la surprise, sur un projet de rocade autoroutière situé sur un périmètre de protection de captage prévue par la « loi sur l'eau » et sur une zone Natura 2000, de voir le porteur de projet retenir une solution alternative dont nous avions esquissé le contour. Cette solution s'est d'ailleurs révélée cinq fois moins onéreuse que le projet initial...
Voilà le sens de la démocratie environnementale : l'intelligence collective autour d'un territoire. Or, aujourd'hui, nous ne sommes pas en mesure de la faire fonctionner. Les associations se replient sur des projets à petite échelle et, quand elles s'engagent sur des projets importants, les résultats sont souvent décourageants.
La participation du public à l'élaboration d'une politique ou d'un projet ne prive pas les élus de leur pouvoir de décision. Mais elle implique de prévoir des phases « amont » dans lesquelles l'ensemble des alternatives peut être étudié avec, pour objectif, une réduction maximale des impacts sur l'environnement. Nous parlons bien d'une aide citoyenne à la décision, non d'une concurrence aux élus.
Aujourd'hui, personne - ni les élus ni les acteurs associatifs - ne trouve grand sens aux procédures mises en oeuvre, d'où l'urgence de mettre en place une saine articulation entre les différentes dimensions de la démocratie.