Intervention de Florence Denier-Pasquier

Mission d'information Démocratie représentative, participative et paritaire — Réunion du 28 mars 2017 à 14h30
Audition de Mme Florence deNier-pasquier secrétaire nationale de france nature environnement fne

Florence Denier-Pasquier, secrétaire nationale de France nature environnement :

Pour les projets d'infrastructures, certaines procédures en vigueur ne sont pas toujours bien articulées entre elles. S'agissant de certains outils d'aide à la décision, le dernier rapport annuel de l'autorité environnementale souligne que les évaluations socio-économiques se transforment souvent en « boîtes noires». Ce qui devrait être la justification ultime d'un projet est en réalité incompréhensible. Certains spécialistes, ingénieurs des Ponts et Chaussées ou inspecteurs généraux, par exemple, avouent parfois eux-mêmes ne pas tout comprendre.

Dans un récent avis sur la justice climatique, le CESE a montré que le temps gagné était souvent le critère prépondérant dans le cadre des évaluations préalables à la construction d'une infrastructure de transport. Mais gagner du temps est-ce vraiment défendre l'intérêt général aujourd'hui ?

Dans le même ordre d'idée, l'autorité environnementale regrette que lorsque les enjeux environnementaux sont pris en compte dans les évaluations socio-économiques, ils sont valorisés à des niveaux qui ne modifient jamais de manière significative le résultat des évaluations. En d'autres termes, le critère environnemental est bien pris en compte, mais il est considéré comme secondaire face à la dimension économique.

Derrière la transition écologique et les défis que nous impose le changement climatique, quels sont réellement nos besoins ? Pour moi, il faut sortir de la logique de l'offre en matière d'infrastructure. On dit aux élus : « plus vous développerez les zones industrielles, plus vous créerez de l'activité économique sur votre territoire. » Mais c'est faux ! On a tous en tête, par exemple, des zones industrielles totalement vides.

On construit encore des infrastructures qui ne seront pas utilisées ou on élude des alternatives plus intéressantes, dont le coût budgétaire et écologique est pourtant moindre. Ainsi, la rénovation de l'aéroport Nantes Atlantique - qui n'a jamais été étudiée par le porteur de projet - était sans doute plus intéressante que la construction d'un nouvel aéroport à vingt kilomètres de là, au milieu de 1 300 hectares de zones humides. Dans ce dossier, il faut reconnaître que l'étude des alternatives n'a pas été bien faite. Il ne faut donc pas s'étonner que le projet soit aujourd'hui bloqué.

La qualification des besoins pose également problème. L'autorité environnementale insiste sur le fait que les plans d'urbanisme sont tous établis sur la base de scénarios prévoyant une hausse de la population locale, même pour des territoires se situant dans la « diagonale du vide ». On dimensionne des espaces constructibles à partir d'objectifs qui ne seront pas atteints et utilisés avec une faible densité d'habitations.

Renforcer les moyens de la participation à la démocratie environnementale, parvenir à une véritable démarche « éviter-réduire-compenser », favoriser une tierce expertise sur la qualification des besoins, tout cela soulève de nombreuses questions. Mais ces logiques facilitent aussi les collaborations autour du devenir commun d'un territoire. L'évaluation stratégique des projets est primordiale et c'est en cela que le rôle des élus reste essentiel : quel est le devenir de nos territoires ?

La question de l'eau, par exemple, est très importante : les cours d'eau vont baisser en moyenne de 10 à 40 % à moyen terme selon l'expertise Explore 2070, à laquelle a participé le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Dès lors, il faut se poser la question des besoins en eau potable, des besoins en eau de l'industrie, du secteur de l'énergie, de l'agriculture, sans oublier les milieux aquatiques qui ne doivent pas servir de variable d'ajustement.

J'ai pris l'exemple de l'eau mais je sais que les situations sont complexes et différentes selon les territoires. Pour relever les défis du changement climatique sur l'ensemble du territoire, il faut veiller à maintenir une forme d'équilibre entre toutes les parties prenantes, leur permettre de s'exprimer, sans que l'une prenne le dessus sur les autres. Il faut donc une révolution démocratique à la hauteur du défi écologique.

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