Intervention de Ronan Dantec

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 31 mai 2017 à 9h35

Photo de Ronan DantecRonan Dantec :

C'est un point clef. L'un des enjeux est la densification des métropoles : ne doivent y résider que les personnes qui en ont envie. Les personnes qui vivent dans les zones rurales parce qu'elles n'ont pas d'autre choix voteront pour le Front national par aigreur d'une vie subie. Le logement est un enjeu majeur.

Comme je l'ai déjà dit, il est souhaitable qu'un ministère regroupe l'aménagement du territoire et le logement. La première politique en matière d'aménagement du territoire, c'est le logement. Or, sur cette question centrale, vous n'êtes pas allés très loin. Il convient d'éviter la flambée des prix dans le coeur des métropoles. Je reste convaincu que l'encadrement des loyers, une mesure décriée en son temps, mais qui a des effets plutôt positifs, fait partie de la batterie d'outils à utiliser. Il y aura à un moment des désaccords politiques sur l'aménagement du territoire.

Je vous rejoins sur la question de l'ingénierie publique. Cette question recoupe d'ailleurs celle des départements. Nous avons fait un travail assez peu abouti sur les lois de décentralisation au cours du mandat précédent : les orientations ont changé avec les Premiers ministres. La question de la place du département est vraiment posée, y compris dans le cadre de l'ingénierie publique.

Dans la Loire-Atlantique, je suis surpris par la baisse de capacité d'accompagnement du département, et je doute que les grandes régions reprennent le flambeau. Je doute que les petits EPCI soient en capacité de développer cet accompagnement. C'est un régionaliste et un défenseur du couple région-EPCI qui le dit, je pense que le département doit s'interroger sur la place qui doit être la sienne. Avec les méga-régions, le département a, au final, conservé sa place, mais il faut peut-être moins de départements - il faut peut-être procéder à des fusions de départements, à l'instar des fusions de régions. Ne donnons pas l'impression d'être statiques sur l'évolution institutionnelle. On verra assez vite les problèmes posés par un système assez peu abouti. Certes, il fallait bouger, mais on l'a fait dans plusieurs directions et je ne suis pas certain que l'on soit parvenu à un schéma cohérent.

Enfin, il faut aller plus loin sur la question de la capacité d'investissement des collectivités territoriales, une question que vous avez effleurée.

L'effondrement de la capacité d'investissement du bloc communal a un impact important sur la désorganisation des tissus traditionnels artisanaux : beaucoup d'artisans avaient besoin de la commande de la commune pour boucler leur budget. L'impact en termes d'emplois est très inquiétant pour l'avenir. Cela pose la question des dotations de centralité et des péréquations. Considère-t-on que le cycle Guichard, avec les métropoles d'équilibre, est terminé ? Ces métropoles ont relativement bien fonctionné en termes macro-économiques, mais elles redistribuent très mal. Considère-t-on que les péréquations sont caduques et qu'il faut diminuer les primes de centralité ? Dans ce cas, je peux vous dire que des élus hurleront à la mort, y compris ceux qui sont aujourd'hui aux manettes - les élus des métropoles continuent à capter le pouvoir ; on le voit aussi avec le gouvernement actuel. Cette France-là est-elle prête à redistribuer ? Il va falloir revenir vers des dotations plus égalitaires, en finir avec la logique d'appel à projets, qui épuise les petites communes, lesquelles perdent à tous les coups. Il s'agit là d'un enjeu majeur.

Pour conclure, on a fait un travail utile, mais on a un peu oeuvré dans le noir. On manque de données, notamment culturelles. Le Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) ou un autre organisme devrait réaliser une étude pour nous aider à mieux comprendre ce que l'on appelle « le sentiment d'abandon ». On utilise tous ce concept, mais sans savoir ce qu'il recoupe. Des études plus qualitatives sont nécessaires pour connaître les raisons pour lesquelles les gens se sentent maltraités et victimes d'inégalités. Est-ce dû au manque de médecins, à la mobilité, au logement ? On a un peu travaillé dans le brouillard - je ne critique pas le travail des deux co-rapporteurs, mais je pense qu'il nous manque des éléments pour mieux réussir à cerner les difficultés.

Je voterai ce rapport d'information, qui constitue une première étape : il reste au milieu du gué. Si l'on veut avancer, les clivages politiques seront plus importants, je l'ai dit. Toutefois, cette question sera centrale dans les cinq prochaines années, y compris pour ce qui concerne les perceptions culturelles. Cela prendra du temps de les changer.

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