Intervention de Didier Migaud

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 31 mai 2017 à 9h35
Résultats de l'exécution de l'exercice 2016 et certification des comptes de l'état pour l'exercice 2016 — Audition de M. Didier Migaud

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

Comme chaque année, je suis très heureux d'être auditionné par votre commission, au moment de la publication des travaux que la LOLF demande à la Cour de produire pour le Parlement, en amont de la discussion du projet de loi de règlement. Ces travaux portent respectivement sur les comptes et le budget de l'État en 2016. Ils ont vocation à vous servir d'appui dans vos analyses, et je souhaite que les rapports que nous présentons aujourd'hui et les analyses qui les sous-tendent vous soient les plus utiles possibles.

Le rapport annuel de la Cour sur la situation et les perspectives des finances publiques, qui sera publié tout début juillet, vous apportera des informations complémentaires et actualisées sur le champ constitué par l'ensemble des administrations publiques : État, sécurité sociale mais aussi collectivités territoriales. Il inclura un exercice d'audit donnant une vue complète sur la situation actuelle et prochaine des comptes publics, en réponse à la demande formulée par le Premier ministre dans une lettre datée du 22 mai dernier.

Pour vous présenter ces rapports, je suis accompagné de Raoul Briet, président de chambre, qui préside la formation inter-chambres chargée de leur préparation, d'Henri Paul, président de chambre et rapporteur général du comité du rapport public et des programmes, ainsi que de plusieurs autres magistrats qui y ont contribué.

L'acte de certification des comptes de l'État de 2016 est le onzième exercice de ce type conduit par la Cour des comptes en application des dispositions de la LOLF. Les comptes de 2016 ont été arrêtés par le ministre de l'économie et des finances avant qu'il ne quitte ses fonctions. Ils seront intégrés dans le projet de loi de règlement qui vous sera soumis par le nouveau Gouvernement. Dans l'acte qui est porté à votre connaissance aujourd'hui, la Cour vous donne son opinion motivée sur la régularité, la sincérité et la fidélité de l'image que procurent les documents produits par l'État sur sa situation comptable et financière, au regard de sa comptabilité générale - et non de sa comptabilité budgétaire.

Dans le bilan de l'État au 31 décembre 2016, le passif total s'élève à environ 2 200 milliards d'euros, en hausse de près de 100 milliards d'euros par rapport à fin 2015. Le total des actifs atteint presque 1 000 milliards d'euros, soit un niveau stable par rapport à fin 2015. Ainsi, la situation nette de l'État est négative, d'environ 1 200 milliards d'euros. Les engagements hors bilan de l'État atteignent, pour la première fois, 4 000 milliards d'euros, soit une progression de 700 milliards d'euros par rapport à fin 2015, due à la réévaluation des engagements de retraite.

Le résultat de 2016 est déficitaire et s'établit à 76 milliards d'euros, contre 83 milliards d'euros pour l'exercice précédent - au cours duquel la participation de l'État dans la SNCF avait été lourdement dépréciée. La perte constatée représente désormais l'équivalent de 25 % des produits fiscaux de l'exercice, contre à peine 10 % il y a dix ans.

Au titre de l'exercice 2016, la Cour certifie que les comptes de l'État donnent une image fidèle de son patrimoine et de sa situation comptable et financière. Elle assortit cependant cette certification de quatre réserves substantielles. L'amélioration de la fiabilité des comptes de l'État permet ainsi, pour la première fois depuis quatre ans, de diminuer le nombre de réserves en le ramenant de cinq à quatre. Toutefois, cette diminution, qui tire les conséquences logiques de plusieurs années d'amélioration, ne se traduit pas par la disparition pure et simple de l'une des cinq réserves formulées sur les comptes du précédent exercice. Nous avons en effet retenu une nouvelle présentation de nos constats d'audit qui permet aux lecteurs de l'Acte - au premier rang desquels votre commission - de mieux distinguer les questions d'« auditabilité » des états financiers, c'est-à-dire essentiellement la performance du système d'information financière et l'efficacité du contrôle interne, qui font l'objet de la réserve n° 1, des anomalies proprement dites relevées dans les comptes, qui sont décrites dans les réserves n° 2, 3 et 4.

Nous constatons d'abord que les fonctionnalités offertes par l'application Chorus, grâce à laquelle les comptes de l'État sont établis et suivis, ne sont pas assez utilisées pour fiabiliser les enregistrements. Des pratiques inappropriées, antérieures à sa mise en place, sont encore trop souvent possibles, et font obstacle à l'audit des comptes. Les modalités de son raccordement avec les applications qui lui transmettent des écritures comptables, qui sont toujours au format de l'ancien plan de comptes, obligent à des traitements intermédiaires nombreux et complexes qui sont source d'un risque significatif d'erreurs.

En outre, la capacité des ministères à organiser leur contrôle interne et à le piloter est encore insuffisante : le recensement des risques s'appuie rarement sur une carte des processus de gestion formalisée et, lorsque c'est le cas, celle-ci est en général circonscrite aux seules opérations des comptables ; les outils de compte-rendu sont trop limités pour mesurer l'efficacité des contrôles. Par ailleurs, l'audit interne est inégalement structuré et mis en oeuvre.

Notre deuxième réserve concerne les stocks militaires et les immobilisations corporelles. Nous soulignons le caractère incomplet ou la mauvaise retranscription dans les comptes de l'État des inventaires physiques de stocks ; le mode d'évaluation de ces mêmes actifs n'est pas toujours justifié. Puis, nous relevons le défaut de comptabilisation de certaines infrastructures civiles : barrages d'irrigation, digues, canaux, travaux sur les autoroutes concédées... Le mode d'évaluation du parc pénitentiaire de l'État se fonde sur des informations insuffisamment pertinentes et fiables, et de nombreuses difficultés pratiques entravent la détermination de la valeur vénale de son parc immobilier. Enfin, nous dénonçons la sous-évaluation notable des obligations de dépollution de l'État à la clôture de l'exercice.

La troisième réserve porte sur les immobilisations financières de l'État, car la Cour ne peut toujours pas se prononcer sur la fiabilité de l'évaluation d'un grand nombre de participations financières.

Enfin, des insuffisances significatives continuent d'affecter le contrôle et l'enregistrement en comptabilité des données relatives aux charges de personnel, aux charges d'intervention et aux produits régaliens. En particulier, l'évaluation des créances fiscales et le traitement comptable de certaines opérations et de certains risques à caractère fiscal ne donnent pas, en l'état actuel des choses, une image fidèle des droits et obligations de l'État. C'est notre quatrième réserve.

Un schéma retraçant l'évolution des réserves dans le temps vous a été communiqué. Il montre que depuis 2006, premier exercice soumis à la certification, l'administration a consenti des efforts qui ont permis la levée progressive de réserves substantielles. L'exercice 2016 en donne une illustration claire, puisque 33 parties de réserve font l'objet d'une levée dans l'acte et que toutes les réserves de 2015 sont concernées par ces levées, y compris les réserves dites systémiques, qui concernaient le système d'information et le contrôle interne. La situation s'améliore donc, c'est incontestable. L'administration continue de consentir des efforts importants en matière comptable. Ces efforts sont utiles, parce qu'ils accroissent la fiabilité des comptes, sous le regard attentif du certificateur, et parce qu'ils agissent comme un levier décisif de modernisation. Néanmoins, les sujets de vigilance restent nombreux et significatifs, et certains sont structurants, comme ceux qui concernent le système d'information financière et le contrôle interne.

Les conclusions du rapport publié en février 2016, dans lequel la Cour a dressé le bilan de la tenue par l'État d'une comptabilité générale, dix ans après son entrée en vigueur, sont éclairantes à cette égard - elles avaient d'ailleurs été présentées dans le cadre d'un colloque organisé conjointement par le Sénat et la Cour des comptes le 15 juin 2016. Par ces travaux, notre institution a pu mesurer les apports de la comptabilité générale, notamment dans la connaissance de sa situation financière et la modernisation de ses services. Elle a mis en évidence les progrès importants réalisés grâce au dialogue soutenu entre certificateur et certifié. Mais elle a aussi relevé une utilisation trop limitée de la comptabilité générale par l'administration, en particulier par les gestionnaires, et par les parlementaires eux-mêmes, qui avaient pourtant souhaité la réforme.

La Cour regrette d'autant plus cet état de fait qu'une plus large utilisation de la comptabilité générale permettrait d'identifier des leviers d'amélioration de la gestion publique - les familiers de ces sujets parlent de chaînage vertueux. Un chaînage vertueux, c'est par exemple quand l'administration utilise les données issues de la comptabilité patrimoniale jointe à la loi de règlement pour éclairer le processus de fixation des dotations inscrites dans le budget des années suivantes. Ainsi, pour les administrations, faire en sorte d'assurer un inventaire précis de leurs implantations immobilières et faire figurer chaque année leur valeur dans les comptes est un moyen très sûr pour suivre l'état réel du parc immobilier, estimer les moyens nécessaires à son entretien et, ce faisant, conduire une politique immobilière performante.

Dans son rapport, la Cour appelait à ce que l'effort soit aussi davantage porté sur l'amélioration des conditions d'établissement des comptes, avec le souci constant de proportionner les travaux à l'objectif de fournir une information comptable fiable et répondant aux besoins de ses destinataires.

Il importe que l'administration concentre désormais ses efforts sur trois priorités parmi celles que la Cour avait identifiées dans son bilan. Poursuivre la simplification de la tenue des comptes de l'État, d'abord, notamment en tirant davantage parti des possibilités d'automatisation et de dématérialisation qu'offre le progiciel Chorus ; ensuite, identifier les évolutions propres à remédier aux principales insuffisances relevées par la Cour, afin d'améliorer la fiabilité des comptes de l'État ; enfin, réduire les difficultés que la Cour rencontre encore pour les auditer.

Le rapport sur le budget de l'État en 2016 apporte un éclairage sur les finances de l'État en analysant l'exécution budgétaire de l'année passée. Ses quelques 2 000 pages comportent 57 analyses de la gestion des missions budgétaires, deux analyses de l'exécution des recettes, fiscales et non fiscales, une analyse des dépenses fiscales, et deux analyses des prélèvements sur recettes, au profit des collectivités territoriales et de l'Union européenne. Ces nombreux exercices illustrent les analyses globales sur l'exécution budgétaire 2016. Le rapport lui-même comprend une analyse de l'exécution 2016 et un chapitre thématique, consacré cette année aux relations budgétaires entre l'État et ses opérateurs.

La Cour y dresse six constats sur l'exécution budgétaire en 2016. Premièrement, la réduction du déficit du budget de l'État, observée en 2016, est peu significative. Deuxièmement, des facteurs exceptionnels ont permis aux recettes de rester proches des prévisions malgré un rendement décevant de l'impôt sur les sociétés. Troisièmement, les dépenses de l'État ont été contenues grâce à une économie sur la charge de la dette et à des accommodements critiquables. Quatrièmement, la gestion 2016 s'éloigne toujours plus des objectifs et des principes de la LOLF. Cinquièmement, au terme de l'exercice, les incertitudes sur la trajectoire budgétaire pluriannuelle sont renforcées. Enfin, la situation financière de l'État s'est encore détériorée.

La Cour constate en premier lieu que la réduction du déficit du budget de l'État, observée en 2016, est peu significative. Le déficit budgétaire représente 69,1 milliards d'euros. Il est inférieur de 3,2 milliards d'euros aux prévisions de déficit de la loi de finances initiale. Cette différence résulte, pour l'essentiel, de la situation plus favorable que prévue des comptes spéciaux, dont l'excédent est supérieur de 3 milliards d'euros à ce qui avait été anticipé. Or, cette situation s'explique par l'annulation, à hauteur de 2 milliards d'euros, de la contribution au désendettement du compte d'affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l'État ». Cette annulation permet d'afficher un déficit budgétaire inférieur aux prévisions initiales, mais elle est sans effet sur la dette de l'État.

Par rapport à 2015, le déficit enregistre une légère réduction, à hauteur de 1,5 milliard d'euros. Néanmoins, lorsque l'on compare les agrégats en neutralisant les effets de périmètre, qui portent sur les dépenses exceptionnelles des années 2013 et 2014 et sur les programmes d'investissement d'avenir, il apparaît que le déficit de 2016 reste supérieur à celui de 2013.

Sur la même période, le déficit de l'État en comptabilité nationale augmente également, alors même que celui de l'ensemble des administrations publiques se réduit. Il est vrai que le budget de l'État a supporté le financement du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) et du Pacte de responsabilité et de solidarité, pour un montant significatif, qui atteint 24,5 milliards d'euros en 2016.

Enfin, le solde primaire de l'État, c'est-à-dire hors charge de la dette, ne permet pas de stabiliser sa dette en part du PIB. Ce déficit primaire représente 1,2 % du PIB alors qu'un excédent primaire de 0,7 % du PIB aurait été nécessaire. L'écart atteint donc presque 2 % du PIB, ce qui est considérable.

En deuxième lieu, la Cour observe que des facteurs exceptionnels ont permis aux recettes d'être proches des prévisions malgré un rendement de l'impôt sur les sociétés décevant. Les recettes fiscales nettes s'élèvent à 284,1 milliards d'euros et sont ainsi inférieures de 3,8 milliards d'euros au montant prévu en loi de finances initiale. Les moins-values fiscales sont concentrées sur l'impôt sur les sociétés, en baisse de 2,9 milliards d'euros par rapport aux prévisions, en raison d'une croissance du bénéfice fiscal moins forte qu'attendu et d'un moindre rendement du contrôle fiscal.

Néanmoins, l'agrégat des recettes nettes après prélèvements ne présente pas, lui, un écart aussi important avec les prévisions de la loi de finances initiale. Il ne s'élève qu'à 1,1 milliard d'euros. Cela est d'abord lié à l'encaissement de recettes exceptionnelles non reconductibles - notamment deux années de redevances d'usage des fréquences hertziennes, pour 1,3 milliard d'euros, et un prélèvement particulièrement élevé de 2,4 milliards d'euros sur la Coface. C'est aussi dû à une réduction des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l'Union européenne. Cette réduction s'explique par le retard pris par l'Union européenne dans la mise en oeuvre du cadre financier pluriannuel 2014-2020 et par de moindres dépenses au titre du fonds de compensation de la TVA pour les collectivités territoriales.

En l'état, rien ne permet d'anticiper la reconduction d'éléments aussi favorables en 2017.

Troisième constat de la Cour : en 2016, les dépenses de l'État ont été contenues grâce à une économie sur la charge de la dette et au prix d'accommodements critiquables. Hors recapitalisation de l'Agence française de développement, les dépenses nettes du budget général atteignent 308,3 milliards d'euros en 2016. Elles sont inférieures de 1,4 milliard d'euros aux évaluations initiales, grâce à une économie de 3 milliards d'euros sur la charge de la dette. Hors charge de la dette, pensions et mission « Relations avec les collectivités territoriales », c'est-à-dire sur le périmètre du budget triennal, les dépenses nettes du budget général en 2016 s'établissent à 223,5 milliards d'euros. Ceci représente une augmentation de 1 % à périmètre constant par rapport à 2015.

Si cette progression peut paraître relativement modérée, elle porte pourtant les dépenses à un niveau supérieur de 5,2 milliards d'euros à la cible de la programmation pluriannuelle. L'objectif de 5 milliards d'euros d'économies prévu par le Gouvernement pour l'État en 2016 n'a pas non plus été atteint. En outre, cette augmentation de 1 % des dépenses telle qu'elle est mesurée par la comptabilité budgétaire sous-estime leur évolution réelle. Elle ne tient pas compte de l'augmentation des reports de charges, qui progressent de 900 millions d'euros sur le budget général, à périmètre constant.

Par ailleurs, des contournements de la charte de budgétisation sont intervenus, par exemple sous la forme d'une substitution de taxes affectées à des dépenses budgétaires ou d'une surévaluation des mesures de périmètre. Ces accommodements conduisent également à minorer l'évolution des dépenses à périmètre constant de 1,9 milliard d'euros sur le budget général.

Si l'on prend en compte à la fois l'augmentation des reports de charges et les contournements de la charte de budgétisation, la progression des dépenses sur le périmètre du budget triennal s'établit à environ 1,8 %, soit près de deux fois plus que ce que fait apparaître la comptabilité budgétaire de l'État en 2016.

Quatrième constat de la Cour : la gestion 2016 s'éloigne toujours plus des objectifs et des principes de la LOLF. La loi organique relative aux lois de finances de 2001 poursuivait trois objectifs principaux : mieux définir les politiques publiques, responsabiliser les décideurs et améliorer la mesure des résultats de la gestion publique. L'exercice 2016 continue à creuser l'écart entre les pratiques et ces objectifs.

Tout d'abord, la lisibilité des politiques publiques a été brouillée par le développement des financements extrabudgétaires, notamment dans le cadre des programmes d'investissements d'avenir. Les modifications introduites dans la gestion du troisième volet inscrit en loi de finances initiale 2017 sont positives mais restent incomplètes : la Cour recommande d'achever sa mise en conformité avec le droit commun budgétaire.

Ensuite, des sous-budgétisations importantes - représentant 3 milliards d'euros en 2016 - et des décisions de dépenses nouvelles intervenues dès le début de la gestion ont conduit à une exécution particulièrement heurtée.

Plusieurs mécanismes ont en effet été mobilisés de façon importante : mises en réserve de crédits élevées, renforcées en cours d'année par des sur-gels, y compris des reports, utilisation très étendue de la procédure des décrets d'avance, définition de cibles de fin de gestion distinctes des crédits ouverts. La note d'exécution budgétaire de la mission « Défense » analyse ces pratiques dans le détail sur l'un des plus gros budgets de l'État.

Ces mécanismes privent en partie l'autorisation parlementaire de sa signification et déresponsabilisent les gestionnaires en induisant un pilotage infra-annuel très rapproché de la dépense par la direction du budget et la mise en oeuvre en cours de gestion de mesures non différenciées de réduction des autres crédits. C'est ainsi l'ensemble du cadre de gestion de la LOLF, fondé sur le principe d'auto-assurance des gestionnaires, qui se trouve remis en cause.

Enfin, les indicateurs de performance présentent une information riche mais sous-utilisée, à la fois par les ministres et par le Parlement, dans le contrôle de l'action des responsables de programmes.

J'en viens à ma cinquième observation. Il s'agit aussi d'une transition vers les constats que je serai amené à partager avec vous le mois prochain dans l'audit des finances publiques : à l'issue de l'exercice 2016, les incertitudes sur la trajectoire budgétaire pluriannuelle sont renforcées.

À court terme, tout d'abord, l'accélération de la croissance des dépenses fiscales et les reports de charges créent un risque sur l'exécution 2017. En effet, le coût du CICE, qui s'est quasiment stabilisé en 2016, reprendra sa progression en 2017. S'agissant des dépenses, les reports de charges sont en augmentation fin 2016, comme l'illustrent notamment les analyses portant spécifiquement sur les missions « Agriculture, alimentation et affaires rurales » et « Travail et emploi. »

À moyen terme, les effets différés des décisions prises fin 2015 et en 2016 dans différents domaines accélèrent fortement l'évolution tendancielle de certaines dépenses. Ainsi, la croissance des dépenses de personnel a atteint 1,6 % hors pensions en 2016. Supérieure à l'augmentation cumulée des cinq années précédentes, elle a notamment rendu nécessaires des ouvertures de crédits importantes sur la mission « Enseignement scolaire », qui sont détaillées dans la note d'exécution qui vous est transmise. Cette hausse sera difficile à ralentir, compte tenu de la montée en charge de l'accord sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations signé fin 2015.

Par ailleurs, l'augmentation des dépenses des missions « Travail et emploi », « Défense » et « Sécurités » constatée en 2016 s'inscrit dans le cadre d'engagements pluriannuels et se poursuivra en 2017 et au cours des années suivantes.

Enfin, l'ensemble des analyses précédentes obligent à constater que la situation financière de l'État s'est encore détériorée en 2016. La dette financière négociable de l'État s'établit à 1 621 milliards d'euros fin 2016, en hausse de 45 milliards d'euros. Comme en 2015, c'est le niveau élevé de l'utilisation des primes à l'émission qui permet à l'augmentation de la dette financière d'être inférieure au déficit. Cette pratique est utilisée par d'autres pays, mais il s'agit d'un répit strictement temporaire puisque l'encaissement immédiat de primes à l'émission a comme contrepartie le paiement de coupons plus élevés dans les années à venir.

Par ailleurs, la baisse de 700 millions d'euros de la charge de la dette, que l'on constate malgré l'augmentation de cette dernière en 2016, s'explique par la faiblesse des taux et de l'inflation. Force est de constater que, depuis 2011, la charge de la dette de l'État a diminué de 10 % alors que son encours a augmenté de 23 %. Cela a facilité l'exécution budgétaire au cours des dernières années mais devient un risque dès lors que l'on considère l'avenir. En effet, si la remontée des taux amorcée fin 2016 se poursuivait et ne s'accompagnait pas d'une accélération de la croissance, c'est dans un environnement beaucoup moins favorable que l'État devrait poursuivre l'effort indispensable de redressement de ses comptes au cours des prochaines années.

Pour conclure sur l'exécution budgétaire, l'exercice 2016 apparaît comme une occasion manquée. Le contexte propice que constituaient la baisse de la charge de la dette et la forte réduction des prélèvements sur recettes n'a guère été mis à profit pour progresser dans le rétablissement des finances de l'État. À l'inverse, l'année 2016 se caractérise par l'émergence de facteurs d'accélération durable de la dépense, qui sont susceptibles de compromettre à court et moyen terme le retour à l'équilibre des comptes.

Enfin, nous avons voulu mettre un coup de projecteur sur l'encadrement budgétaire et financier pluriannuel des opérateurs de l'État. Les constats de la Cour dans ce domaine sont d'une nature un peu différente car ils ne portent pas seulement sur l'exécution 2016 mais résultent d'un travail rétrospectif plus large.

Les concours de l'État aux opérateurs ont représenté 50,7 milliards d'euros en 2016. Entre 2012 et la loi de finances initiale de 2017, ils ont augmenté de 9,9 % à périmètre constant, alors que les dépenses de l'État hors charge de la dette n'ont progressé que de 1,7 %.

Compte tenu de l'importance des dépenses de l'État consacrées aux opérateurs et de leur dynamisme, les lois de programmation des finances publiques successives ont mis en place depuis 2011 des dispositifs d'encadrement budgétaire et financier des opérateurs. Nos analyses révèlent que l'endettement a été maîtrisé, mais que l'encadrement des effectifs par les plafonds d'emploi s'est révélé peu opérant et que de nombreuses taxes affectées restent à rebudgétiser. La définition d'un objectif global d'évolution des concours de l'État aux opérateurs inclus dans la norme de dépenses pourrait redonner une cohérence aux dispositifs actuels d'encadrement des opérateurs dans la prochaine programmation des finances publiques. Cet objectif global pourrait être décliné au niveau des principaux opérateurs par un contrat d'objectifs et de moyens coordonné avec le budget triennal de l'État. Par ailleurs, la masse salariale des opérateurs nécessite un pilotage spécifique qui pourrait s'appuyer sur une extension du nombre d'opérateurs suivis par la commission interministérielle d'audit des salaires du secteur public.

Ces recommandations, si elles sont suivies, permettront aux opérateurs de prendre toute leur place dans l'effort de redressement des comptes publics dans le cadre de la prochaine loi de programmation pluriannuelle.

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